Jeudi 23 avril Autant que de bras, l’agriculture française a besoin de prix.
D’abord sur l’origine des produits, en ce moment, elle est majoritairement française alors qu’avant, le plus souvent, les produits venaient d’ailleurs. En France, le coût à la production est plus élevé. Cela s’explique par des structures de production de taille familiale et un coût (social) du travail qui est plus élevé que dans le reste de l’Europe. Conjoncturellement, ce paramètre est amplifié par le manque de saisonniers venus du sud ou de l’est de l’Europe.
Dans la composition du prix, il y a aujourd’hui plus d’emballages, il suffit de regarder nos poubelles après les courses ! Comme il n’y a pas de restauration hors foyer et beaucoup moins de marchés pour s’approvisionner, il faut passer par la grande distribution. Le consommateur est plus rassuré par des produits préemballés que par du vrac qui passe de main en main. Ce phénomène touche aussi les rayons à la coupe pour les fromages AOP ou la viande.
Ensuite, il y a le renchérissement de la chaîne logistique. Pour différentes raisons, tout est plus compliqué en ce moment. Les yo-yo de la consommation, les difficultés de transport, l’impossibilité de l’optimisation des circuits font augmenter les coûts de livraison. Enfin, il est assez facile d’imaginer que les coûts de fonctionnement de la distribution sont aujourd’hui plus élevés, ne serait-ce que pour mieux rémunérer la main d’œuvre des grands magasins dont on parle tant.
Au bout du compte, on serait tenté de se dire « Cela n’a pas tant augmenté ! » Eh bien oui, car l’enjeu premier est d’avoir des produits de qualité dans les magasins chaque jour pour que chaque Français puisse consommer de bons produits frais.
Les prix montent et alors ? est-ce grave ?
Un constat est simple, ces produits sont achetés car ils correspondent à un besoin nécessaire et indispensable. En économie, c’est une autre façon de définir un prix. Non pas par son coût de production mais par son utilité. Pour les produits frais Français, nous avons une belle carte à jouer sur ce sujet de l’utilité. Le prix bas ne doit pas être le seul critère pour les aliments. La renommée et la qualité gustative sont des atouts indéniables. Ensuite, on peut affirmer que nous produisons avec des process respectueux des réglementations et avec des standards qualitatifs élevés. Enfin, la chaîne agro-alimentaire française est la base de centaines de milliers d’emplois inscrits dans nos territoires. Cela fait une somme d’utilités qui doit correspondre à des prix justes !
Mais alors pourquoi aux infos, on s’alarme de cette hausse des prix ?
C’est sans doute un vieux réflexe combinant la peur de l’inflation, la défense du pouvoir d’achat et la sacro-sainte libre concurrence. Pourquoi s’indigner de quelques euros qui sont dépensés en plus par les Français en cette période de confinement généralisé ? Ne serait-ce pas un juste retour de la solidarité nationale exprimée, par les 10 millions de salariés en chômage partiel et encore plus de salariés en télétravail dont les rémunérations sont maintenues, pour avoir un caddie bien plein ? Sur la question centrale du pouvoir d’achat, ce serait aussi un juste retour des choses après des décennies de fortes baisses de la part de l’alimentaire dans notre budget. Oui, les Français peuvent consacrer une proportion plus importante de leurs revenus pour se nourrir bien, d’autant que certaines dépenses d’hier apparaissent bien moins essentielles aujourd’hui. Ce serait une autre illustration du fameux « quoiqu’il en coûte ! »
Et si le coronavirus nous permettait d’aboutir à un nouveau contrat prix/produit/utilité avec les citoyens-consommateurs ?
Autant que de bras, l’agriculture française a besoin de prix.
Achetons des produits frais français, cela fera aussi du bien à nos têtes.