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Comment continuer à pâturer malgré le dérèglement climatique ?

Publié le par Adèle Marsault (Institut de l'Elevage), Valérie Brocard (Institut de l'Elevage), Grégoire Dufour (CRA Pays de la Loire)
Alimentation - Abreuvement Gestion du pâturage Bovin lait
Que cela soit pour l’adaptation au changement climatique, l’économie de l’élevage, l’autonomie protéique ou l’image de la filière, le pâturage est un atout pour les fermes laitières. Il permet de valoriser des faibles volumes fourrages de bonne qualité, à moindre coût. Mais les systèmes pâturant ne sont pas épargnés par les dérèglements climatiques. Saison par saison, les éleveurs doivent être de plus en plus opportunistes et réactifs pour maintenir le pâturage.

Du stock de sécurité et de la diversité pour faire face aux sécheresses

Les sécheresses sont de plus en plus longues, fréquentes et intenses. Face à ce risque, il y a peu de leviers instantanés, si ce n’est pâturer des parcelles destinées à l’ensilage. Les adaptations doivent être plus structurelles. Le choix des espèces prairiales peut être remis en question, notamment celui du ray-grass anglais par rapport à la fétuque ou au dactyle. Malgré tout, pour préserver l’autonomie fourragère, la surface fourragère devra peut-être être remise en cohérence si les rendements fluctuent trop, afin d’avoir une marge de sécurité suffisante.

 

Valoriser la pousse hivernale devient crucial

Avec le réchauffement climatique, la pousse de l’herbe se poursuit même l’hiver. Un essai à la ferme expérimentale de Trévarez a démontré que l’accès au pâturage hivernal permettait un gain de productivité des vaches en lactations conduites en agriculture biologique de 1 à 2 kg de lait, grâce à une herbe de très bonne qualité (16 à 22% de MAT). La productivité de la prairie au printemps suivant n’a pas été impactée par le pâturage hivernal, mais l’herbe consommée l’hiver est à soustraire du rendement de la première exploitation.

 

En condition humides, des pratiques et un parcellaire à adapter

Le pâturage est également une réponse quand le temps est pluvieux. En effet, même si les pratiques doivent être adaptées, le pâturage peut rester la seule option pour continuer à exploiter l’herbe quand les récoltes sont impossibles, et cela maintien la qualité du fourrage consommé.

Mais pâturer en condition humides demande plus d’exigence sur l’aménagement du parcellaire. Des chemins d’accès stabilisés, des parcelles carrées, des abreuvoirs bien situés sont des clés pour prolonger le pâturage le plus possible. Il ne faut également pas hésiter à sortir les vaches même pour une courte durée. En effet, quand les vaches savent qu’elles ont un temps de sortie court, elles mangent en continu sur la parcelle et peuvent ingérer jusqu’à 2.5 kgMS/heure au lieu de 0.4 kgMS/heure quand elles sont dehors jour et nuit.

 

Pâturage estival : légumineuses et dérobées

Les prairies « classiques » cessant leur production de plus en plus tôt l’été, il est nécessaire de trouver des ressources alternatives l’été. Grâce à leurs racines pivotantes, les légumineuses résistent mieux aux fortes chaleurs et aux sécheresses. Le projet Paturleg a montré qu’avec 15 ares/VL de pâturage à dominante légumineuses (40 à 66%), le pâturage pouvait se maintenir (50 kgMS/ha/jour de pousse moyenne) avec une herbe très riche (17 à 22% de MAT), sans impacter les performances laitières et en améliorant la marge sur coût alimentaire de 0.42 €/VL/jour. Des couverts estivaux peuvent aussi être implantés en deuxième partie de printemps : sorgho multicoupe, colza fourrager, moha, trèfle d’alexandrie, vesce…

 

C’est la combinaison de tous ces leviers, saisons par saisons, que les éleveurs pourront maintenir le pâturage.