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Stratégies de complémentation : gardons la main sur nos choix

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Alimentation - Abreuvement Revenu des éleveurs Bovin lait
Quand la conjoncture laitière est favorable, les éleveurs peuvent être tentés d’accroître leur production en augmentant les quantités de concentrés. Pour que cette stratégie reste cohérente techniquement et économiquement, il faut tout d’abord rester vigilant sur la quantité totale de concentré pour ne pas créer des troubles digestifs. Ensuite, il faut bien sûr que le produit supplémentaire finance le surcoût.

Les essais zootechniques réalisés dans les stations expérimentales montrent des réponses en lait allant de 0.5 à 0.8 voire 1 kg de lait/kg de concentré supplémentaire. L’hétérogénéité de ces réponses peut s’expliquer par des différences sur la nature et la qualité des fourrages. En effet, les concentrés supplémentaires induisent une baisse de la consommation de fourrages, si ceux-ci sont très bons, le concentré rajouté aura moins d’impact. De plus, un aliment n’aura pas la même valeur selon le contexte de la ration dans lequel il est distribué. Lorsque la part de concentré et le niveau d’ingestion dans la ration augmentent, les bactéries responsables de la digestion des fibres sont défavorisées, et les fourrages sont donc moins bien valorisés. Ces interactions digestives sont aujourd’hui mesurables grâce au système de rationnement mis au point par INRAE en 2018.

 

Les travaux menés par la station expérimentale de Trévarez montrent également que la diminution des quantités de concentré permet une réduction des interventions sanitaires, et que de plus, contrairement aux idées reçues, une surcouverture des besoins alimentaires ne permet pas d’améliorer le taux de réussite à la 1ère IA.

 

Une simulation sur une ration typique du Poitou-Charentes avec de bons fourrages a été réalisée pour savoir s’il était pertinent de produire du lait supplémentaire en augmentant la quantité de concentré. Avec en trame de fond une question : faut-il évaluer la marge sur coût alimentaire en €/1000 litres, ou en €/vache ? A première vue, il semble plus pertinent de comparer les coûts au produit commercialisé (marge/1000 litres), mais la marge/vache ne doit pas être perdue de vue dans un contexte de bâtiments saturés. Dans la simulation « litrage en plus par du concentré », la marge/1000 litres diminue, mais celle par vache augmente significativement quand le prix du lait est élevé. Pour autant, la décision d’augmenter la production laitière par les concentrésdoit s’accompagner d’une surveillance plus importante des animaux. En effet, plus la part de concentré augmente plus les vaches risquent des troubles métaboliques qui peuvent vite entamer le bénéfice.

 

Sur cette même ration, il a également été étudié l’impact d’une baisse de la valeur des fourrages. Avec d’une part une stratégie de maintien de la quantité de concentrés et d’acceptation de la baisse de production laitière, et d’autre part une stratégie de compensation par du concentré pour maintenir la production à 29 kg/jour. Les résultats montrent qu’une augmentation des concentrés pour corriger des fourrages médiocres peut permettre de mieux maintenir la marge/vache, mais en aucun cas ne permettra d’obtenir une marge aussi bonne qu’avec de bons fourrages.

 

Les simulations sont toujours réalisées dans un contexte précis, qualité des fourrages, prix du lait, des intrants… et ne peuvent donc pas être généralisées. Chaque éleveur devra donc évaluer l’intérêt de chaque stratégie en fonction de son propre contexte.