Peut-on réduire le tourteau de soja et rester compétitif ?
La part d’herbe dans les rations est le premier vecteur d’autonomie protéique
Pour limiter l'utilisation de tourteau de soja, le premier levier est de ne pas créer le déséquilibre : les études du projet Cap Protéines ont montré que les systèmes avec beaucoup de maïs ont une autonomie protéique < 50% quand les systèmes herbagers sont à presque 70%.
Néanmoins, la plus faible densité énergétique de l’herbe conservée par rapport au maïs ensilage a tendance à pénaliser la production laitière lorsqu’elle est incorporée en quantité élevée dans la ration. L’ajout d’aliments riches en énergie tels que le maïs épi pourrait permettre de déplafonner le niveau d’autonomie sans pénaliser les performances zootechniques.
A la ferme expérimentale de la Jaillière (44), un essai a voulu déterminer le niveau maximum d’incorporation d’herbe conservée dans une ration à 30 kg de lait. La ration témoin était composée de 15% d’herbe conservée, et deux rations expérimentales étaient composées de 37 et 59% d’herbe conservée. Le maïs ensilage est remplacé progressivement par du maïs épi au fur et à mesure que la part d’herbe dans la ration augmente.
Le gain d’autonomie protéique est significatif avec la ration à 59% d’herbe, mais les résultats zootechniques sont très liés à la qualité de cette herbe. Sur une des années de l’essai, l’ensilage n’a pas pu être effectué au stade optimal et cela a impacté les performances. La mise en œuvre des rations expérimentale a permis une marge sur coût alimentaire équivalente entre le lot témoin et le lot à 37% d’herbe, celle du lot à 59% d’herbe est en retrait du fait de la dégradation des performances sur la moyenne des 2 ans.
Un stade de récolte précoce pour l’ensilage d’herbe est donc la clé de réussite principale. La surveillance des parcelles, la réactivité du collectif de main-d’œuvre et du matériel permettant un bon débit de chantier sont des clés pour exploiter des fenêtres météo parfois très courtes au printemps et aller chercher l’herbe au bon stade.
Les légumineuses pures sont pertinentes sur des rations à base de maïs
Parfois décriées pour leur faible densité énergétique, les légumineuses pures sont néanmoins pertinentes sur des rations bien pourvues en énergies. Elles permettent d’améliorer l’autonomie protéique du champ à l’auge, car contrairement aux graminées elles n’ont pas besoin d’engrais azoté pour exprimer leur potentiel de rendement. L’intégration de luzerne dans les rotations céréalières présente de grands intérêts agronomiques, et elle est pertinente dans un contexte de changement climatique, car elle résiste bien à la sécheresse et à la chaleur. En se basant sur les estimations des coûts des fourrages de la méthode PEREL, le coût du point de MAT de la luzerne est inférieur au RGI.
Cultiver la luzerne doit néanmoins s’apprendre ou se réapprendre. L’implantation tout d’abord peut être délicate, surtout à l’automne, et de plus en plus d’éleveurs se tournent vers une implantation de printemps sous couvert d’un tournesol par exemple. Il faut ensuite récolter la luzerne au bon stade, ce qui nécessite de trouver un compromis entre qualité du fourrage, rendement et longévité de la luzernière. En effet, la qualité du fourrage est optimale sur un stade jeune, mais la luzerne reconstitue ses réserves en fin de cycle. Une exploitation systématiquement précoce va donc épuiser la culture prématurément. C’est pourquoi il est recommandé de laisser fleurir la luzerne une fois par an. Enfin, pour bénéficier de la bonne valeur alimentaire de la luzerne, il faudra perdre le moins de feuilles possibles à la récolte. Les bioagresseurs comme la cuscute peuvent également être une crainte, mais le risque peut être significativement réduit en utilisant de la semence française, où les contrôles sont beaucoup plus rigoureux. Pour les risques de ravageurs ou de maladies comme le rhizoctone ou les nématodes, il faut respecter un temps de retour d’au moins 5 ans entre 2 légumineuses.