Quel avenir pour l'engraissement en Italie ? (439-octobre)
Quelles perspectives pour les exportations de broutards français
Le vitellone perd de sa superbe sur les tables italiennes ! La consommation de viande bovine transalpine ne cesse de s’éroder depuis le début de la crise économique en 2008, et la baisse s’accentue : -12% entre 2009 et 2012, et une estimation à -6% voire -9% selon les sources rien que pour 2013.
L’austérité des politiques publiques et les incertitudes économiques ont fini par entamer l’optimisme légendaire des Italiens. Eux qui puisaient sur leurs bas de laine pour maintenir leur consommation jusqu’en 2011 sont devenus fourmis. Du coup c’est tout l’édifice de la filière viande bovine franco-italienne qui vacille, un édifice dont les fondations paraissaient solides, érigées depuis les années 50, tant elles avaient su résister aux graves crises sanitaires des années 90 et 2000.
Les exportations de broutards français vers l’Italie ont reflué de 7% en 2012 et sans doute encore de 5% en 2013. Certes, les autres fournisseurs (Irlande, Pologne, Roumanie…) ont reculé encore davantage. Du coup les liens entre les engraisseurs italiens et les exportateurs français d’animaux maigres se renforcent plutôt. La France représente 89% des importations italiennes d’animaux maigres, tandis que le débouché italien représente plus de 80% des exportations françaises. Mais c’est tout simplement l’engraissement qui recule dans son fief de la plaine du Pô.
Le jeune bovin importé en broutard, puis engraissé et abattu en Italie attire moins les faveurs du consommateur transalpin. Ce dernier ne consent plus comme avant à payer un prix plus élevé pour cette viande étiquetée d’origine "italienne" : dans les linéaires, le prix de la viande d’un jeune bovin Charolais tend à être identique que l’animal soit engraissé dans la plaine du Pô ou bien en France. En outre, cette viande haut de gamme est de plus en plus concurrencée par des importations de bœuf d’Irlande ou de Bavière, et davantage encore par des importations low cost de Pologne ou du Brésil. Le tout dans un univers des protéines animales où le bœuf est globalement en perte de vitesse, face à la volaille en particulier.
Les grandes surfaces ont dû revoir totalement leurs stratégies dans cette ambiance de consommation déprimée. Les promotions sont devenues plus fréquentes, les linéaires consacrés à la viande bovine se réduisent. Pourtant, certaines peuvent tirer leur épingle du jeu, tout particulièrement dans le centre et surtout le sud du pays. Depuis 2008, les hard discounts ont ainsi été les gagnants de la période récente, principalement aux dépens de la boucherie artisanale d’une part, et des hypermarchés d’autre part, les supermarchés stabilisant leur activité, d’autant mieux quand ils disposent de rayons à la coupe. De même, la restauration commerciale semble avoir beaucoup souffert depuis le déclenchement de la crise.
Les défauts de paiement sont devenus une véritable plaie, amplifiée par la restriction du crédit. Et cela touche en particulier le commerce de détail, notamment artisanal. La grande distribution est moins concernée : au contraire, elle ne consent que très rarement du crédit à ses clients. Elle est donc considérée comme un payeur bien plus fiable que les grossistes qui fournissent la boucherie artisanale ou la restauration hors domicile.
En conséquence, les abatteurs visent à concentrer leurs ventes sur ces chaînes de grande distribution, ou alors à intégrer des grossistes. Tout cela renforce la concurrence et favorise les baisses de prix tout au long de la chaîne.
Après les grossistes, les abatteurs sont le second maillon faible de la filière viande. D’une part, ils sont encore très peu concentrés en Italie. Les quatre principaux groupes, qui paraissent les plus solides, ne réalisent que 20% des abattages de gros bovins et il resterait pas moins de 400 abattoirs en activité, la plupart en sur-capacité… D’autre part, les abattoirs ont aussi dû faire face à la nouvelle loi sur les délais de paiement, limitant à 60 jours le crédit fournisseur, ce qui rompt les habitudes dans le secteur.
Un des enjeux majeurs pour l’engraisseur italien est donc aujourd’hui de trouver un abattoir fiable à qui livrer ses jeunes bovins. Pris en étau entre un plafonnement du prix de vente et la hausse de leurs coûts de production, beaucoup d’engraisseurs sont en difficulté financière depuis 3 ans. En outre, le financement à court terme est compliqué à négocier avec les banques. L’activité se restructure donc rapidement. Les plus solides financièrement ont souvent investi dans des installations de biogaz : le prix de rachat de l’électricité est un des plus élevés d’Europe derrière l’Allemagne. Ce développement du biogaz a des effets paradoxaux : d’une part, il incite à un usage du maïs ensilage alternatif ; mais d’autre part, il consolide aussi l’activité d’engraissement, même à un niveau moindre, puisque la valorisation de lisier est beaucoup plus rémunératrice que l’usage du seul maïs dans le digesteur.
L’autre menace sur l’engraissement est la réforme de la PAC, avec la convergence des aides directes. En effet, les aides à l’hectare sont actuellement très élevées, en moyenne de 680 €/ha grâce aux références historiques. Une forte baisse de ces aides mettrait en danger la rentabilité de l’engraissement, déjà hypothétique. La filière italienne se bat pour négocier une aide couplée significative.
Pour autant, une poursuite du recul de l’engraissement au rythme de ces deux dernières années paraît peu probable. La sortie de la crise économique prévue en 2014 ne devrait certes pas se traduire par un rebond spectaculaire de l’économie. Mais la consommation de viande bovine pourrait se stabiliser, sans qu’on envisage de revenir aux 25 kg de boeuf par habitant de 2008. La consolidation de l’engraissement dans les structures les plus solides pourrait signifier des flux entre 700 et 750 000 broutards français à l’horizon 2016, en retrait de 8 à 14% par rapport aux flux de 2012.
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