Lait en Europe du nord (462-novembre)
Forces, faiblesses et potentiels en 2020
Nul doute que l’Europe du Nord recèle un énorme potentiel de croissance de sa production laitière. Il s’est déjà exprimé de façon spectaculaire peu avant la fin des quotas laitiers et encore davantage depuis avril 2015, mais au prix d’une déstabilisation des marchés des produits. La production a littéralement explosé en Irlande et aux Pays-Bas, a progressé plus régulièrement en Allemagne, au Danemark et en Pologne, et s’est même réveillée au Royaume-Uni.
Ces pays se sont préparés de longue date à l’après quotas. Leurs éleveurs ont modernisé leur outil de production et investi dans des capacités de logement supplémentaires. Malgré le prix du lait dégradé en 2015, ils poursuivent leur stratégie de croissance et de dilution de leurs charges de structure, avec l’appui de coopératives robustes et offensives. Celles-ci ont rationnalisé leurs outils, accru leurs capacités de transformation et étendu leur maillage commercial pour conquérir de nouveaux débouchés et pousser leurs avantages sur le marché européen de plus en plus concurrentiel.
Les sept pays étudiés dans ce Dossier Économie de l’Élevage sont l’objet d’un examen attentif en termes de forces, de faiblesses, mais aussi de menaces et d’opportunités. Le diagnostic montre que la France possède de nombreux atouts surtout au stade de la production, notamment un des plus forts potentiels, avec l’Allemagne et la Pologne. Elle bénéficie de conditions agro-climatiques très favorables pour produire des fourrages et de l’herbe. Elle dispose d’un foncier relativement abondant et bon marché. Et elle abrite également une diversité de systèmes de production et de fabrications qui peuvent être des atouts en termes de compétitivité « hors prix », notamment dans les régions à handicap naturel. De plus, la production laitière ne présente pas de handicap de compétitivité « prix » par rapport à l’Allemagne, même si les élevages sont moins productifs car souvent moins grands et moins spécialisés. En revanche, le constat est moins net au stade de la transformation, malgré la présence de quelques firmes laitières privées puissantes, dont l’internationalisation ne contribue que marginalement à l’essor de la production laitière française.
Certes offensifs, les pays d’Europe du Nord, Pays-Bas en tête, seront tôt ou tard confrontés à des limites physiques -contraintes environnementales majeures- qui freineront voire stopperont leur expansion laitière. Dans l’immédiat, leur croissance débridée alimente la crise de surproduction qui exacerbe la compétition intra-communautaire entre les bassins. L’Europe laitière est désormais engagée dans une course folle qui peut mener de nombreux éleveurs dans le décor. Sans une intervention publique forte, ce « cercle vicieux » risque de provoquer un mouvement désordonné de cessations laitières touchant les éleveurs les plus exposés financièrement (récents investisseurs, agriculteurs en début de carrière), mais aussi les plus mobiles (diversifiés, disposant d’alternatives), en particulier s’ils sont performants économiquement, sans compter les arrêts anticipés (éleveurs âgés, peu performants techniquement, isolés…). Un tel scénario n’épargnera aucun bassin, mais frappera surtout les moins denses situés au sud et à l’est de l’UE, et les zones de montagne sans démarcation efficace. Il entraînera ensuite un ralentissement voire un arrêt de la croissance de la production européenne, suivi d’une possible reprise avec le redressement des marchés.
Nos prévisions de collecte à l’horizon 2020 doivent se lire comme une estimation du potentiel laitier des pays étudiés. Ce potentiel s’exprimera plus ou moins en fonction de l’évolution de l’économie laitière d’ici là. Nous l’estimons à 160 millions de tonnes de lait en 2020, soit une hausse de +9% /2014 de la collecte européenne. Autrement dit, une croissance de même ampleur qu’entre 2007 et 2014.