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Sensibilité et spécificité à l’échelle des troupeaux des stratégies de dépistage de la paratuberculose ovine basées sur l’analyse de mélanges de fèces ou de sérums

Synthèse des travaux conduits par Yoann Mathevon, Gilles Foucras et Fabien Corbière

Publié le par Fabien Corbière (ENV Toulouse), Gilles Foucras (ENV Toulouse), Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
Santé Ovin lait Ovin viande
La paratuberculose est une maladie enzootique contagieuse des ruminants à l'origine de pertes économiques importantes. Des travaux ont été conduits pour proposer un diagnostic de troupeau à moindre coût sur lequel s'appuyer pour orienter la prise de décision dans les plans de maitrise et de prévention

Les enjeux du diagnostic : préciser la situation sanitaire des élevages et appuyer les prises de décision

                

La paratuberculose est une maladie enzootique contagieuse des ruminants due à Mycobacterium avium ssp. paratuberculosis (Map), à l'origine de pertes économiques importantes.

Dans les troupeaux ovins et caprins, les grands effectifs et la faible valeur économique des animaux limitent l'utilisation de tests de dépistage individuels à grande échelle. Les faibles valeurs prédictives des tests diagnostiques ne permettent par ailleurs pas de définir un statut sanitaire sur la base d’un petit nombre d’animaux. De ce fait, le statut sanitaire des troupeaux est très mal connu.

       
Il apparait donc important de développer des approches diagnostiques à l’échelle collective à moindre coût, permettant d'évaluer la situation sanitaire globale des troupeaux (infectés ou à faible risque de l'être) voire de préciser la prévalence intra-troupeau de l'infection, afin de mieux orienter la prise de décision dans les plans de maitrise et de prévention.

 

Objectif : évaluer une approche diagnostique fondée sur des mélanges d'échantillons

            

Le but de notre étude était d'évaluer la sensibilité et la spécificité à l’échelle des troupeaux de la qPCR sur fèces et de la sérologie ELISA sérique appliquées à des mélanges d’échantillons pour le dépistage de la paratuberculose dans les troupeaux ovins français. 

            

  • Diagnostic direct par biologie moléculaire :
    Un total de 555 mélanges de 5, 10 ou 20 fèces ont été créés en diluant des fèces individuelles avec des valeurs de Ct de qPCR faibles (forte charge bactérienne) ou élevées (faible charge bactérienne) provenant de brebis échantillonnées dans 14 troupeaux infectés, dans des fèces négatives et analysés à l'aide d'un kit de qPCR commercial ciblant le gène IS900 (Kit Adiavet paraTB RealTime).

                 

  • Diagnostic indirect par sérologie ELISA :
    Les performances relatives de la sérologie ELISA appliquées à des mélanges d’échantillons ont été évaluées sur la base de l'analyse de 181 mélanges différents de 5 et 10 sérums, composés d'échantillons individuels de diverses valeurs S/P (négatif, faibles ou fort positifs) et analysés avec un kit commercial (IDEXX paratuberculosis screening kit, batch 5074, IDEXX, Montpellier, France)

               

Principaux résultats

 

Des résultats bruts...

Les résultats indiquent que les mélanges de fèces contenant au moins un échantillon avec une forte charge bactérienne (Ct faible) étaient invariablement détectés quelle que soit la taille du mélange (5, 10 ou 20). Inversement, les mélanges contenant un seul échantillon avec une faible charge bactérienne (Ct élevé) étaient associés à un taux de détection plus faible : 87,0 % à 90,0 % pour les mélanges de taille 5, 63,0 % à 70,7 % pour les mélanges de taille 10 et 46,7 % à 60,0 % pour les mélanges de taille 20.

Après modification du seuil de décision pour les mélanges de 5 ou 10 sérums, la sensibilité relative de la sérologie ELISA variait de 62,2 % et 100,0 % selon la composition des mélanges, pour une spécificité relative de 100%.

 

... A l'analyse des performances de stratégies de dépistage

Enfin, en combinant ces résultats et les performances diagnostiques de la qPCR et de la sérologie ELISA à l’échelle individuelle, une étude par simulation a été réalisée pour évaluer les performances de 16 stratégies de dépistage à l’échelle des troupeaux, différant selon la taille (5,10 ou 20) et le nombre (5 à 60) de mélanges analysés.

         

  • L'utilisation de le sérologie ELISA appliquée à des mélanges de sérums conduisait à une proportion d’élevages détectés positifs à tort (faux positifs) comprise entre 37,6 % et 91,8 %, ce qui limite son utilisation dans de programmes de dépistage à grande échelle. Ces résultats décevants sont en grande partie liés à la spécificité non parfaite de la sérologie ELISA à l’échelle individuelle, conduisant à la composition de mélanges faussement positifs.

            

  • La qPCR appliquée à des mélanges de fèces apparait prometteuse. Ainsi, pour des prévalences d’infection supérieures ou égales à 15%, la sensibilité à l’échelle des troupeaux était toujours supérieure à 93 % quelle que soit la stratégie de dépistage appliquée.  Pour une prévalence d’infection inférieure à 5 %, elle variait en revanche entre 39,0% (5 mélanges de taille 10) et 99,9% (300 individus échantillonnés, avec des mélanges de taille 5,10 ou20.

 

En synthèse : un usage prometteur de la qPCR appliquée à des mélanges de fèces

    

La qPCR appliquée à des mélanges de fèces apparait comme une alternative prometteuse pour la surveillance et le dépistage à moindre coût des troupeaux ovins infectés par la paratuberculose. Par ailleurs, contrairement à la sérologie ELISA, son utilisation est envisageable même en cas de vaccination, afin de suivre l’évolution du statut épidémiologique des troupeaux.

 

Travaux conduits par Yoann Mathevon, Gilles Foucras et Fabien Corbière (UMR INRA ENVT 1225 IHAP, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, Toulouse Cedex, France)

  

Pour en savoir plus

Article publié dans PLos One 2019 Dec 26;14(12):e0226246.

https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0226246