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[2018] Aspects réglementaires et résistance aux anthelmintiques en élevages caprins

Présentation réalisée par Hervé Hoste (INRA UMR 1225 Toulouse) lors de la Journée Sanitaire Caprine UMT SPR- OMACAP

Publié le par Hervé Hoste (INRAE Castanet Tolosan (31)), Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
Santé Caprin
La gestion des nématodes gastro intestinaux en élevages caprins laitiers par les anthelminthiques se heurte à la fois à des contraintes réglementaires et à une problématique croissante de résistance aux molécules disponibles : le point sur ces différents aspects

Une réponse aux parasites fondée sur des molécules de synthèse, confrontée à l'émergence de résistances

           

Face au parasitisme digestif par les strongles, historiquement (depuis le début des années 1960), la première réponse a reposé sur une large exploitation de traitements chimiques de synthèse. Dans ce domaine, en élevage de ruminants laitiers,  deux critères majeurs président classiquement au choix des anthelminthiques (AH) de synthèse:

  1. l’efficacité contre les nématodes gastro-intestinaux (NGIs),
  2. les délais d’attente « lait » pour respecter les LMR (limites maximales de résidus), préserver la santé des consommateurs et, sur le plan économique, limiter les manques à gagner en termes de valorisation du lait et des produits.

Dans ce contexte, la lutte contre les NGIs a longtemps reposé et ceci de façon quasi exclusive, sur une même famille de molécules, les benzimidazoles (BZs). Les résistances aux Bzs, apparues rapidement (décrites en France dès 1985), concernent désormais 70 à 80 % des élevages caprins laitiers en fonction des régions. Le cas des BZs est exemplaire et illustre comment la combinaison de facteurs liés aux parasites, au métabolisme spécifique des caprins mais aussi à des effets de la législation a  pu être à l’origine des fortes prévalences actuelles de résistances aux AHs chez les vers.

  

Désormais, l’eprinomectine sous ses diverses formulations dont certaines disposent désormais d’une AMM caprin avec temps d’attente lait zéro apparait comme le principal recours contre les NGIs en période de pâturage et de lactation. Cependant les premières inquiétudes sur des baisses d’efficacité chez les petits ruminants se font jour.

        

AGIR pour lutter contre le parasitisme et préserver l'arsenal thérapeutique disponible

        

Pour préserver le plus longtemps possible les dernières « munitions » thérapeutiques disponibles, il parait nécessaire :

        

1. de les utiliser moins mais de les utiliser mieux

        

Il faut donc AGIR c'est à dire :

  • A, comme Alterner les familles d'AHs : c'est possible en ovins viande mais l'alternance est moins aisée en caprin avec une seule molécule possible en lactation sans délai sur le lait et l'administration envisageable de benzimidazole au tarissement,
  • G, comme Gérer, cibler les traitements : il s'agit de ne pas traiter tout le monde mais cette stratégie reste délicate en cas d'utilisation de pour-on.
  • I, comme Interdire l'arrivée de résistances : cela passe par la réalisation de quarantaines, la vérification des niveaux d'infestation initiaux des animaux introduits et des mesures d'excrétion après traitement,
  • R, comme Respecter les posologies caprines : cela correspond à 1,5 à 2 fois la dose ovine en fonction des molécules utilisées.

Agir, c’est  aussi DIFFUSER les informations vers les éleveurs. Rappelons également l'importance de rendre compte des manques d'efficacité des produits à l'ANMV : les éleveurs peuvent réaliser des déclarations en ligne.

           

2. une vision plus diversifiée de la maitrise des NGIs par une gestion plus intégrée

et de favoriser le dialogue entre recherche publique, industrie pharmaceutique, vétérinaires, éleveurs et agence gouvernementale comme l’ANSES 

 

Ainsi,  la gestion intégrée des nématodes gastro-intestinaux est-elle amenée à se développer et à prendre en compte trois ensembles de mesures complémentaires pour :

  • Diminuer l'infectivité du pâturage : recourir à la rotation des pâtures, gérer les parcelles en s'appuyant sur des logiciels de gestion du parasitisme,
  • Augmenter la résistance des chèvres : cela inclut l'amélioration de la nutrition, la résistance génétique (encore peu d'études en caprins) ou le développement de vaccins,
  • Eliminer les vers, perturber leur biologie : hors amélioration de l'usage des AHs disponibles, il s'agit du développement du recours aux plantes bioactives.

           

Pour en savoir plus : des références à consulter

 

  • FRESNAY E. 2004 ; Exemples de mise en œuvre de la « cascade » dans le traitement des parasitoses chez les ruminants laitiers. Bulletin des GTV Numéro Spécial Parasitologie des ruminants laitiers 140-144
  • GEURDEN T., HOSTE H JACQUIET P., TRAVERSA D., SOTIRAKI S. , FRANGIPANE DI REGALBONO  A., GIANGASPERO  A., ZANARDELLO C, NOÉ  L., VANIMISETTI  B.., BARTRAM  D. 2014  Anthelmintic resistance and multidrug resistance in sheep gastro-intestinal nematodes in France, Greece and Italy. Vet Parasitol. 201, 59-66.
  • HOSTE H., R. EL KORSO, S. SOTIRAKI, Y LE FRILEUX.2014. Emploi des traitements anthelminthiques pour la maitrise des nématodes gastro intestinaux  chez les caprins : limites,   contraintes et solutions ? Le Nouveau Praticien Vétérinaire Elevage et Santé 29, 255-263
  • ROSTANG A. DEVOS J, CHARTIER C. 2020. Review of the eprinomectin effective doses required for dairy goats ; where do we go from here ? Vet Parasitol, 277, in press
  • PARAUD  C. PORS, I, REHBY L.;  CHARTIER C 2010.. Absence of ivermectin resistance in a survey on dairy goat nematodes in France Parasitol Res., 106:1475–1479
  • PARAUD C, MARCOTTY, T ; LESPINE A., SUTRA J.F., PORS I,  DEVOS I ; 2016 Cross-resistance to moxidectin and ivermectin on a meat sheep farm in France. Vet Parasitol., 226, 88-92