Retour

La variole ovine et caprin, une vieille connaissance

Intervention réalisée par Christian de La Fé (Facultad de Veterinaria, Universidad de Murcia) lors du Webinaire du 26 avril 2026 de l'UMT PSR

Publié le par Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
Santé

Le retour de la clavelée en Espagne

En septembre 2022, après plus de 50 ans d'absence sur le territoire espagnol (elle a été considérée comme éradiquée en 1968), un foyer de variole ovine et caprine a été déclaré dans la région de Baza, à Grenade. Son agent causal, un poxvirus présent depuis de nombreux siècles dans le cheptel espagnol, avait heureusement été éradiqué pendant une bonne partie du XXe siècle. Après sa première description, et sans connaître avec certitude l’origine de sa ré-introduction, sa présence a été mise en évidence dans plusieurs élevages andalous et, par la suite, dans plusieurs élevages ovins de la province de Cuenca, en Castille-La Manche, générant une situation de grande incertitude dans le secteur ovin.

Varioles ovine et caprine : deux virus différents mais des caractéristiques très proches

La variole ovine et caprine est une infection causée par deux virus différents (chacun associé à l'espèce de petit ruminant chez laquelle il prédomine) qui sont généralement étudiés et abordés comme s'il s'agissait d'une seule maladie, en raison de :

  • la similitude de tous les symptômes et de nombreux aspects épidémiologiques de l'infection,
  • de l'étroite relation génétique de ses agents étiologiques,
  • et de l'existence de souches capables de générer une infection à la fois chez les ovins et les caprins (Tulman et al., 2002 ; Limon et al., 2020).

En Espagne, une infection des brebis

Pour autant, le virus ovin (SPPV) et le virus caprin (GPPV) n’infectent majoritairement que les espèces correspondantes (Zhou et al., 2012). C’est ce qui a été observé dans les troupeaux espagnols touchés jusqu'à présent, où seules des brebis ont été détectées comme infectées. Il s'agit d’une situation identique à celle observée au cours de la dernière décennie dans d'autres régions de l'Union européenne, telles que la Grèce et la Bulgarie, où les dernières incursions du virus avaient été enregistrées avant qu’il ne soit retrouvé en Espagne. Dans ces cas, l'hypothèse la plus plausible est l'arrivée du virus depuis la Turquie, où, comme en Afrique du Nord, il est présent de manière endémique.

 

Aspects épidémiologiques de l'épidémiologie de la clavelée à prendre en compte

Des zones d'infection endémique dans le monde

On peut s'attendre à ce que l'infection prenne sa source en Afrique du Nord, où elle est endémique depuis des décennies. Les descriptions de l'infection dans des pays comme le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et la Mauritanie sont constantes dans la littérature, montrant la propagation de la maladie dans les différents départements, avec une alternance de périodes de gravité variable, et partageant la vedette avec d'autres infections non moins graves comme la peste des petits ruminants ou la fièvre aphteuse elle-même. Dans ces zones, la circulation de différentes souches du virus semble fréquente. Différentes formes cliniques  sont possibles :  typiques et atypiques, caractérisées principalement par le type de lésions qu'elles provoquent chez les animaux infectés.

Facteurs de risque : échanges et contacts entre troupeaux au premier rang

Le contact entre les troupeaux, la transhumance ou l’existence de marchés dans lesquels les contacts entre les troupeaux sont fréquents, sont des facteurs de risque associés à la présence de l'infection. La vaccination a été utilisée dans des pays comme le Maroc pour tenter de réduire son incidence, mais divers facteurs, tels que la présence d'autres infections à gérer (priorisées au regard des ressources financières disponibles pour la gestion de la santé), ou la présence d'un nombre de troupeaux vaccinés inférieur à celui nécessaire pour atteindre les objectifs fixés, ont limité le succès des campagnes (Le Jan et al., 1987 ; Kardjadj, 2017 ; Lafar et al., 2019 ; Ben Chehida et al., 2018).

L'infection affecte les petits ruminants domestiques et reste peu décrite chez les autres espèces domestiques ou sauvages. On rapporte toutefois la présence de l'infection chez certaines espèces sauvages de la famille des Caprinae, telles que le goral de l'Himalaya (Naemorhedus goral) ou le serow rouge (Capricornis rubidus), tous deux présents sur le continent asiatique. Dans les deux cas, le contact avec le virus de la variole caprine a entraîné des épisodes d'infection associés à une forte mortalité dans les populations sauvages, manifestement à la suite d'un contact avec des chèvres domestiques infectées. Ces épisodes ne semblent avoir impliqué que l'agent causal de la variole caprine (Dutta et al., 2018 ; Bora et al., 2021).

Modalités de transmission

  • La transmission de l'infection a lieu principalement à la suite d’un contact avec des individus infectés, soit par contact direct avec les lésions, soit par le biais des sécrétions respiratoires des individus atteints. Après une période d'incubation variable d’un durée de 7-8 à 10 jours, les deux premières semaines suivant l'apparition des symptômes sont essentielles pour la transmission, bien que les individus puissent continuer à excréter le virus pendant plusieurs semaines, voire plus d'un mois.
  • La transmission indirecte est également importante, car ce virus résiste longtemps dans le milieu extérieur. Il peut survivre sur des périodes pouvant aller jusqu'à 6 mois, avec des preuves de viabilité dans la laine d'animaux infectés pendant plus de 3 mois. Les vecteurs, en particulier les mouches, peuvent également être impliqués dans la transmission de l'infection (Wolf et al., 2020).

Principaux symptômes

Dans les foyers qui se sont déclarés en Espagne, le nombre d'animaux touchés initialement n'était pas très élevé, ce qui pourrait coïncider avec l'infection initiale de quelques individus qui, par la suite, avec l'apparition des symptômes, ont pu transmettre l'infection au reste du troupeau. Par la suite, un tableau classique généralisé s’est développé :

  • apparition de macules-papules pustuleuses, principalement visibles sur les zones ventrales et non palmées des animaux,
  • suivies par l'apparition de lésions sur le nez, la bouche ou la conjonctive.

La présence de sécrétions respiratoires qui deviennent progressivement mucopurulentes s'accompagne, si la maladie progresse, d'une ulcération et d'une nécrose des lésions.

En savoir plus sur la maladie