Programmation prénatale chez les vaches laitières
De récents travaux suggèrent que la performance d’un animal (ex : production laitière) peut être affectée par des évènements survenant très tôt dans sa vie, voire avant sa naissance (pendant la gestation). En exploitant les données de la base nationale bovine, nous avons étudié différents facteurs prénataux (avant la naissance) susceptibles d’affecter les performances adultes des vaches à un niveau populationnel. Les facteurs étudiés dans notre étude peuvent être regroupés en trois catégories : (1) les caractéristiques maternelles (âge au premier vêlage, parité et santé de la mamelle pendant la gestation), (2) les technologies de la reproduction (semence sexée et transfert embryonnaire) et (3) l’environnement climatique au cours de la gestation (effet du stress de chaleur).
Les performances adultes de dizaines de milliers de vaches Holstein et Montbéliarde ont été comparées à leurs performances attendues, prédites par leurs index génomiques, calculés sans la prise en compte de leurs propres performances. Pour un facteur considéré (par exemple : vache issue de semence sexée ou de semence conventionnelle), des écarts systématiques entre performances observées et attendues peuvent être interprétés comme un effet prénatal, ou une « programmation prénatale ».
Des effets généralement faibles
Plusieurs facteurs prénataux ont été testés sur la production et la composition du lait, la stature de la vache, la fertilité (génisse et vache) et la santé de la mamelle (mammites cliniques et score cellulaire). Ces effets sont généralement faibles et varient selon la race étudiée.
Par exemple, les vaches Montbéliardes issues de semence sexée ont une production laitière diminuée de 52 kg en première lactation par rapport aux vaches issues de semence conventionnelle. Cet effet n’est cependant pas retrouvé en race Holstein. La parité de la mère est également associée aux performances laitières, mais avec des effets opposés selon la race : en race Holstein, les performances augmentent avec la parité de la mère, alors qu’elles diminuent en race Montbéliarde. L’effet des vagues de chaleur pendant la gestation de la mère sur les performances des vaches nées de ces gestations est quant à lui similaire entre races et apparait légèrement négatif lorsque le stress intervient au début de la gestation. Comme pour les autres facteurs étudiés, l’ordre de grandeur est assez limité (quelques dizaines de kg de lait par lactation) mais il est important de souligner que les vagues de chaleur étaient encore assez rares sur la période d’étude. D’une manière générale, les caractéristiques maternelles, les technologies de reproduction testées ainsi que l’environnement climatique influencent faiblement les performances des vaches laitières.
Pour la filière, les considérations pratiques sont limitées et la prise en compte de tels effets dans les modèles d’évaluation génétique n’apporterait qu’un gain de précision marginal.
Pour aller plus loin
Ces travaux font l'objet d'articles scientifiques :
- Fouéré C., Sanchez M.P., Boussaha M., Fritz S., Vinet A., Kiefer H., Boichard D., Hoze C. 2024. A large population study to assess the magnitude of prenatal programming in dairy cattle. J Dairy Sci., 107:5913–5923
- Vinet A., Fouéré C., Cuyabano B.C.D, Mattalia S., Vallée R., Barbat A., Bertrand C., Hoze C., Boichard D. Long-lasting effects of in utero heat stress on subsequent performances of heifers and primiparous cows. (accepté dans J. Dairy Sci.).
Corentin Fouéré réalise la thèse GenEpi (interactions génétique-épigénétique chez les bovins laitiers) au sein de l’UMT eBIS. Cette thèse est dirigée par Mekki Boussaha (INRAE) et Didier Boichard (INRAE), avec le co-encadrement de Marie-Pierre Sanchez (INRAE) et Chris Hozé (Eliance). APIS-GENE et l’ANRT (dispositif CIFRE) co-financent la thèse.
Aurélie Vinet a réalisé une thèse sur l’analyse du déterminisme génétique de la tolérance à la chaleur des bovins au sein de l’UMT eBIS. Cette thèse a été dirigée par Didier Boichard (INRAE), avec le co-encadrement de Beatriz Cuyabano (INRAE). Cette thèse a reçu le soutien financier des projets d’APIS-GENE (projet CAICalor) et du programme Horizon 2020 de l’Union Européenne pour la recherche et l’innovation sous le n°101000226 (projet Rumigen).