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La buvée de colostrum : un sujet à ne pas négliger

Publié le par Pauline Martin (INRAE)
Santé Qualité des produits laitiers Génomique Bovin lait Bovin viande
S'il y a un sujet à ne pas négliger, y compris en vache allaitante, c'est bien l'importance de la buvée du colostrum par les veaux, dans les premières heures qui suivent leurs naissances. En effet le colostrum contient tous les composants nutritionnels nécessaires à la survie du veau. De plus, il est particulièrement riche en immunoglobulines (Ig), ces protéines majeures qui conditionnent l’immunité des animaux. Lorsque l'on sait que la paroi intestinale est perméable à l'absorption de ces anticorps seulement durant les premières 24h, on comprend tout l'intérêt d'une tétée précoce qui favorisera le transfert de l'immunité passive de la mère à son veau.

Le colostrum correspond aux premières secrétions émises par la mamelle après la mise-bas. D’aspect jaunâtre et plus épais que le lait, il doit transmettre au veau tous les composants nutritionnels dont il a besoin dans ses premiers jours. Mais le colostrum est également particulièrement riche en immunoglobulines (Ig), protéines majeures de l’immunité et qui jouent un rôle de défense essentiel pour le veau le temps que son propre système immunitaire soit efficace, ce qui prend plusieurs semaines. Les toutes premières tétées sont particulièrement importantes, l’intestin du veau ne pouvant absorber les immunoglobulines que pendant les premières 24h. Cette transmission d’anticorps de la mère au petit via le colostrum est qualifiée de transfert de l’immunité passive.


Différentes études menées chez la vache laitière ont permis d’établir un lien entre la réussite de ce transfert de l’immunité et la survie du veau ainsi que ses performances ultérieures. Un seuil minimal de 10mg d’Ig par mL de sérum a été défini chez les jeunes veaux pour considérer que le transfert de l’immunité s’est déroulé convenablement. De la même manière, un colostrum contenant moins de 50 mg d’Ig/mL est considéré de mauvaise qualité. Toutefois, la vache allaitante était la grande absente de ses études qui nécessitent de traire. Les aspects génétiques, pour lesquels un grand nombre d’animaux est requis, étaient également souvent laissés de côté. Ces dernières années, une expérimentation a été menée sur les primipares charolaises des fermes expérimentales INRAE de Bourges et du Pin-au-Haras, qui a permis de collecter des échantillons de colostrum et de sérum sur 360 couples mère-veau.

 

Qualité du colostrum des Charolaises

Après dosage des Immunoglobuline (Ig), les résultats ont montré qu’en moyenne, les charolaises avaient un colostrum un peu plus riche en Ig que leurs homologues laitières. Néanmoins, 16% des vaches avaient un colostrum qualifié « de mauvaise qualité ». Parallèlement, 22% des veaux n’atteignaient pas le seuil de réussite du transfert de l’immunité passive. La corrélation phénotypique entre la concentration en Ig dans le colostrum de la mère et celle du sérum du veau n’était que de 0,2, soulignant l’importance d’autres facteurs tels que la quantité de colostrum bue et les moments de buvée.

Des niveaux faibles d’Ig dans le sérum du veau étaient associés à de moins bonnes performances de croissance et davantage de problèmes de santé. La survie des veaux était également particulièrement associée puisqu’en comparant les 76 veaux en échec de transfert (<10mg/mL) aux 160 veaux l’ayant particulièrement bien réussi (>20mg/mL), on constate que les 7 veaux morts dans la première semaine, ainsi que 90% des veaux morts à 3 ou 6 mois (toutes causes de mort confondues), étaient des veaux en échec de transfert.

L’ensemble de ces résultats très marquants doivent alerter les éleveurs sur l’importance de la réussite du transfert de l’immunité passive et de l’attention portée aux veaux nouveau-nés pour s’assurer d’un niveau correct de buvée de colostrum pendant les premières heures de vie. Une analyse génétique a par ailleurs permis d’estimer des héritabilités modérées : autour de 0,3 pour le colostrum et 0,4 pour le sérum du veau. Ces héritabilités, couplées à la variabilité existante entre les animaux, pourrait permettre la mise en place d’une sélection sous réserve d’un phénotypage à plus large échelle.