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Eleveur de ruminants : L’attractivité du métier en question

Dossiers techniques de l'élevage n°7

Publié le par Anne-Charlotte Dockès (Institut de l'Elevage), Emmanuel Beguin (Institut de l'Elevage), Christophe Perrot (Institut de l'Elevage), Maxime Marois (Institut de l'Elevage), Alizée Chouteau (AFPF), Benoît Rubin (Institut de l'Elevage), Elsa Delanoue (Institut de l'Elevage - IFIP - ITAVI), Margaux Gelin, Jocelyn Fagon (Institut de l'Elevage), Jean-Marc Bèche (CNIEL), Caroline Troy (IFCE), Delphine Neumeister (Institut de l'Elevage), Guillaume Mathieu (Institut de l'Elevage), Christine Guinamard (Institut de l'Elevage), Sophie Chauvat (Institut de l'Elevage)
Elevage et Société Travail Attractivité - Installation Bovin lait Bovin viande Caprin Equin Ovin lait Ovin viande Veau de boucherie
Face à la crise démographique que connait l'élevage, renforcer l'attractivité des métiers est un enjeu crucial si l'on veut éviter la dégradation de nos territoires ruraux et l'importation d'une part grandissante de notre alimentation. Il s'agit de progresser conjointement sur l'image des métiers, leur accès et les conditions de leur exercice. Le n°7 des Dossiers Techniques de l'Elevage est consacré à ce sujet : il présente une analyse détaillée de la situation actuelle, les atouts et difficultés des métiers de l'élevage, des pistes concrètes de solution ainsi que des perspectives d'avenir.

Face à la grave crise démographique que connait le secteur de l’élevage de ruminants, renforcer l’attractivité des métiers de l’élevage est un enjeu majeur pour assurer l’équilibre de nos territoires ruraux comme la souveraineté de notre alimentation.

Trois axes de réflexion sont à prendre en compte pour traiter de ce sujet, qui chacun sont à la fois porteurs d’atouts et de difficultés.

 

L’image des métiers de l’élevage est ambivalente. Les citoyens expriment leur confiance dans les éleveurs et ont conscience des progrès qu’ils ont réalisé en réponse aux attentes sociétales. Les métiers sont perçus comme porteurs de sens et de passion, proches des animaux et de la nature, permettant une réelle autonomie de décision. En revanche, la controverse est toujours vive sur les questions de l’environnement, de l’éthique animale ou des modèles de développement. Les métiers sont mal connus du grand public, perçus comme essentiellement masculins, peu rémunérateurs et exigeants en travail. Cela limite l’idée et l’envie d’accéder à ces métiers. Des actions de communication sont engagées par les éleveurs eux-mêmes pour faire connaître et aimer leurs métiers, mais les discours négatifs sont encore prégnants et les jeunes femmes ne sont pas toujours suffisamment considérées comme des repreneuses potentielles.

 

L’accès aux métiers d’éleveur est à la fois très bien balisé et encadré, avec un parcours de formation et d’accompagnement très riche, qui limite les échecs de ceux qui en viennent à bout. Mais le parcours est complexe, il n’est pas toujours suffisamment ouvert aux personnes qui ne sont pas issues du milieu agricole qui ne le connaissent pas ou peinent à s’y retrouver. Il n’est pas non plus toujours adapté pour les projets atypiques en termes de type d’exploitation ou d’âge à l’installation. Il existe aussi un réel décalage entre les attentes des porteurs de projets qui recherchent plus souvent des fermes de taille modeste, pour des installations individuelles, avec un logement, un parcellaire regroupé et un accès facile au pâturage et l’offre d’élevages à céder. Du côté des salariés, de nombreuses offres d’emploi existent mais ne sont pas toujours pourvues et connaissent un turn-over élevé. Les compétences managériales des chefs d’exploitation sont en outre à renforcer pour faciliter l’intégration et la pérennisation des salariés.

 

Les conditions d’exercice des métiers, enfin, présentent des attraits en cohérence avec les attentes des porteurs de projet. Ils sont porteurs de sens, de valeurs, ils offrent de l’autonomie dans les décisions et l’organisation, ils sont en contact avec la nature et les animaux. Ils offrent de réelles perspectives d’épanouissement professionnel. Toutefois, plusieurs problématiques semblent déterminantes pour améliorer les conditions d’exercice des métiers de l’élevage. Tout d’abord, la question du revenu des éleveurs et de la rémunération des salariés est essentielle pour attirer de nouveaux actifs dans les filières d’élevage. Ensuite, les conditions de travail souvent difficiles de ces métiers ont tendance à les éloigner des aspirations sociétales en termes de qualité de vie. De nombreux exemples d’éleveurs satisfaits de ces deux volets clés que sont le travail et le revenu existent, mais ils ne sont pas majoritaires, ni toujours mis en avant.

 

L’attractivité des métiers des filières d’élevage dépend également de l’attractivité des territoires ruraux. De manière paradoxale, ils sont perçus à la fois comme un lieu de vie idéal et un territoire en déclin. Selon une enquête réalisée par l’Ifop en 2018, auprès d’un échantillon représentatif de la population française, il existe un décalage de perception entre 46 % de la population française qui associent les territoires ruraux à des difficultés socio-économiques, et 62 % des ruraux qui sont satisfaits d’y vivre et les lient à « une qualité de vie remarquable ». L’attractivité des territoires ruraux est conditionnée à la présence de services publics, d’une offre d’emplois suffisante, de solutions de mobilité et à la qualité des réseaux numériques. La mise en oeuvre du télétravail (notamment pour les conjoints), de la télémédecine et d’autres services à distance peuvent améliorer leur attractivité. De même, préserver l’environnement, afin de préserver la qualité de vie au contact de la nature, est crucial (Familles Rurales, 2018).

Ainsi, pour faciliter le renouvellement des actifs non-salariés en élevage, nous insistons sur la nécessité d’ouvrir davantage le métier aux personnes qui ne sont pas d’une famille agricole, en favorisant les formes progressives d’installation, et de droit à l’essai ou à l’erreur dans les formes sociétaires. Nous suggérons également d’accompagner les insertions progressives de salariés en élevage ou d’apprentis comme chef ou cheffe d’exploitation. Rendre le métier plus attractif pour les jeunes femmes, qu’elles soient ou non issues du milieu agricole, semble tout à fait prioritaire pour rééquilibrer les pyramides des âges. Les filières qui remplacent les partants, comme les filières de petits ruminants, sont aussi celles qui attirent les jeunes femmes. Enfin, la double activité représente la moitié des installations en élevage allaitant et mérite une reconnaissance complète et un accompagnement spécifique.

Ces idées, comme d’autres, sont décrites dans le livre blanc de la CNE sur l’attractivité des métiers en élevage de ruminants, qui présente 27 propositions pour mieux accompagner, conseiller et former les entrants, pour faciliter les transmissions et les installations et pour recréer du lien entre élevage et société.