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CR EVANHOTY : Évaluation de l’implication des filières porcine et bovine dans les yersinioses humaines en France et de l’évolution de Yersinia enterocolitica par l’utilisation de techniques moléculaires discriminantes

Publié le par Martine Denis (ANSES), Anne-Sophie Le Guern (Institut Pasteur), Carole Feurer (IFIP), Clémence Bièche-Terrier (Institut de l'Elevage)
Qualité des produits carnés Hygiène et sécurité Bovin viande Autre filière
Les enjeux du projet EVANHOTY a permis d'évaluer la part de transmission des zoopathogène Yersinia enterocolitica dans les filières viandes bovines et porcines deux enquêtes au stade de l'abattoir. Pour la filière bovine, sur 430 animaux prélevés, aucun ne s'est révélé porteur de biotype pathogène de cette bactérie.

Bien que la notification des cas de yersinioses humaines et de la présence de Yersinia enterocolitica dans les aliments et chez les animaux soit obligatoire dans la plupart des États membres de l'Union européenne, ce n'est pas le cas en France alors que cet agent Yersinia enterocolitica est soumis à la directive 2003/99/CE portant sur la surveillance des zoonoses et des agents zoonotiques et qu’il est le troisième agent responsable de diarrhée humaine d'origine bactérienne en Europe, après Campylobacter et Salmonella.

Yersinia enterocolitica est une bactérie ubiquitaire qui peut être retrouvée dans de nombreux environnements tels que les boues, les sols contaminés, les eaux de surfaces. Yersinia enterocolitica a également de nombreux réservoirs animaux, qu’ils soient domestiques, de rente ou sauvages. Cette bactérie a été isolée par exemple chez les bovins, les ovins, les porcins, les sangliers, les lagomorphes, les caprins, les rongeurs, la volaille ou encore les chiens et les chats.

Yersinia enterocolitica est subdivisée en 5 biotypes (BT) pathogènes, 1B, 2, 3, 4 et 5, alors que le biotype 1A est considéré comme non pathogène pour l’Homme et fréquemment retrouvé dans l’environnement. En France, parmi les biotypes de Yersinia enterocolitica, le BT4 est celui qui est le plus fréquemment isolé chez les cas humains (71,1 %), suivi par le BT2 (25,4 %) et le BT 3 (2 %). Sur la base des biotypes, il apparait évident que la filière porcine est une source importante de Yersinia enterocolitica de BT4 ; 91,9% des souches porcines ont ce biotype, or ce biotype BT4 est également celui qui est le plus isolé lors d’infections humaines (71,1% des cas humains sont dus au BT4). La filière porcine en France est donc une source avérée de souches susceptibles d’être pathogènes pour l’Homme.

Le BT2 concerne quant à lui 25,2% des cas humains ; or ce biotype est peu retrouvé chez le porc, mais plus particulièrement isolé des bovins/ovins/caprins. Il y a peu de données de prévalence sur Yersinia enterocolitica en filière bovine. Deux études anglaises indiquent une prévalence en Yersinia enterocolitica de 6,3 et 4,5% sur matière fécale, et une étude allemande donne une prévalence de 1,6%. Cependant, même si cette production est identifiée comme une source de BT2, aucune donnée n’est disponible en France sur le portage de Yersinia enterocolitica pathogènes dans la filière bovine. Pour s’assurer que cette production est bien une source principale de Yersinia enterocolitica pathogènes pour l’Homme, il convient dans un premier temps d’acquérir des données de prévalence de Yersinia enterocolitica et de connaitre la distribution des biotypes au sein de cette filière bovine. Il est primordial de pouvoir mieux évaluer ce risque pour l’homme ; d’autant que la consommation de viande bovine (veau inclus) représente 26,3% de la consommation totale de viandes, avec une consommation moyenne individuelle de 22,8kg en équivalent carcasse de viande bovine. Les Français sont les plus gros consommateurs de viande bovine de l’union européenne (FranceAgrimer).

Si sur la base des biotypes, il est admis que les sources probables des cas humains à BT4 et à BT2 sont respectivement le porc et le bovin, ce n’est pas suffisant pour confirmer et évaluer la réelle implication de ces deux filières carnées dans les cas de yersinioses humaines. Il est important que les professionnels impliqués dans ces deux filières puissent avoir des éléments concrets leur permettant d’évaluer efficacement le danger Yersinia enterocolitica vis-à-vis de l’Homme. Cela pourra les amener à reconsidérer les mesures de maîtrise en place dès l’élevage pour voir si elles sont adaptées pour contenir le danger Yersinia enterocolitica et à les faire évoluer si nécessaire. Par ailleurs, il est important que les acteurs des filières puissent envisager de suivre à moindre coût et rapidement les contaminations bactériennes en les orientant vers un outil pouvant répondre à leur attente.

 

C'est l'enjeu du projet EVANHOTY - Évaluation de l’implication des filières porcine et bovine dans les yersinioses humaines en France et de l’évolution de Yersinia enterocolitica par l’utilisation de techniques moléculaires discriminantes, qui a permis de faire état des lieux du portage de Yersinia enterocolitica par les porcs et les bovins, d’évaluer l’implication de ces deux filières dans les yersinioses humaines ainsi que la capacité des souches à traverser la chaîne alimentaire. Les deux enquêtes menées à l’abattoir a permis d’actualiser les données de prévalence en filière porcine et de mettre à jour des données de prévalence pour la filière bovine, données non existantes en France pour cette filière.

Ainsi, pour la filière porcine, sur les 303 porcs prélevés, la prévalence inter-lots de Yersinia enterocolitica pathogènes s’élevait à 14,7 % [8,0%-25,7%], et la prévalence individuelle de Yersinia enterocolitica pathogènes à 4,9 % [3,0%-8,0%]. Même si cette prévalence au cours de ce projet est plus faible que celles préalablement observées dans deux précédentes enquêtes conduites par l’IFIP et l’Anses au début des années 2010, cette enquête confirme que les porcs en France sont porteurs et excréteurs de Yersinia enterocolitica pathogène pour l’homme.

Pour la filière bovine, aucune souche de Yersinia enterocolitica pathogène n’a été isolée, indiquant que sur l’échantillonnage de 430 bovins, la prévalence est de 0%. Il était attendu d’avoir des souches de BT2 car le CNR a dans sa collection des souches de BT2 isolées de bovins/ovins/caprins, et ce biotype est retrouvé dans 25,2% des cas humains en France. Les études précédentes qui indiquent que la présence de la bactérie est faible dans les matrices fécales et ne traduisent pas forcément le réel portage de bactérie par les bovins au moment de l’abattage. Pour préciser notre étude, il serait intéressant 1) de tester des écouvillonnages d’amygdale de bovin comme prélèvement, car la bactérie à un tropisme amygdalien du moins chez le porc, et 2) de réaliser des sérologies pour la détection d’anticorps anti-Yersinia ce qui pourrait permettre de savoir si les bovins ont été en contact avec la bactérie sans pour autant l’excréter dans les fèces. Une autre possibilité est que le portage de Yersinia enterocolitica par les bovins ne soit pas asymptomatique (possibilité de signes cliniques tels que les diarrhées ou la fièvre), ce qui exclurait au moins ces animaux de l’abattage, tant que leurs symptômes persisteraient.

Quoi qu’il en soit, il apparait suite à cette étude que la filière viande ne serait pas une voie de transmission de ces pathogènes zoonotiques entre les bovins et les humains.