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Bien utiliser la paille de céréales dans l'alimentation des bovins et ovins

Une ressource intéressante pour économiser des fourrages

Publié le par Jean Devun, Philippe Dimon, Jean-Pierre Farrié, Laurence Sagot (Institut de l'Elevage)
Alimentation - Abreuvement Gestion du pâturage Cultures fourragères Ovin lait Bovin lait Bovin viande Caprin Ovin viande
La paille de céréales est un aliment pauvre en sucres solubles, en matières azotées, en minéraux et en vitamines. C’est un fourrage encombrant et peu digestible. Mais bien complémentée, c’est une ressource utilisable dans les rations des ruminants pour pallier le déficit de stocks fourragers ou le manque d’herbe au pâturage. Pour des animaux à besoins modérés, la paille est même le fourrage le plus simple à utiliser. Cet article fait le point sur les précautions à prendre lorsque la paille est utilisée comme fourrage principal et donne des exemples de rations pour les bovins viande et les ovins allaitants.

 

1. Rations à base de paille de céréales : les principes à respecter

La paille de céréales est un fourrage dont les valeurs nutritives sont nettement inférieures à celles de l’herbe ou des foins ou ensilages qu’elle est amenée à remplacer dans un contexte d’économie de stocks (voir tableau 1).

Afin d’assurer une bonne ingestibilité de ce fourrage par les animaux auxquels elle est distribuée, quelques recommandations doivent être respectées.

 

Tableau 1 : Principales valeurs nutritives des pailles de blé, d’orge et de pois (par kg de MS)

 

UFL

UFV

PDIA

PDIN

PDIE

UEB

Paille de blé

0,42

0,31

11

22

44

1,8

Paille d’orge

0,44

0,33

12

24

46

1,8

Paille de pois

0,53

0,42

21

42

60

1,27

Source Tables Inra, 2007

 

Ÿ Conservation des pailles : attention aux moisissures !

Une paille poussiéreuse, terreuse, piquée par des moisissures sera moins bien consommée. Une attention particulière doit être apportée aux moisissures lorsque le printemps a été humide.

A condition qu’elles aient été récoltées sèches et qu’elles soient stockées à l’abri de l’humidité, toutes les pailles de céréales et la paille de pois peuvent convenir.

 

Ÿ Digestibilité de la paille : un point faible à travailler

 

La digestibilité de la paille doit être améliorée : pour cela il conviendra d’apporter l’azote soluble et les glucides rapidement fermentescibles qui font défaut. Plusieurs solutions sont envisageables comme l’ajout d’aliment liquide (5 à 10 % de la quantité de paille distribuée), de concentrés azotés (environ 100g de tourteau de soja ou 150 g de tourteau de colza par kg de paille) ou de coproduits bien pourvus en azote et en sucres solubles (Corn Gluten Feed ensilé ou sec, drèches, …).

 

Parallèlement, il sera nécessaire d’apporter des minéraux et vitamines : la forme la plus pratique est un AMV enrichi en oligo-éléments et en soufre. Le rapport Caabsorbable/Pabsorbable devra au final se situer entre 1,2 et 1,5.

 

La paille peut être distribuée comme fourrage unique, avec une complémentation en concentré importante. Mais le plus souvent il est préférable de l’associer à du foin ou à de l’ensilage distribués en quantité limitée.

Les parts respectives des pailles et des autres fourrages seront ajustées en fonction de l’importance du déficit fourrager, du coût des produits de remplacement, et des animaux à alimenter.

Lorsque la paille est introduite en forte proportion dans le régime surveillez particulièrement l'abreuvement, qui doit être accessible et à volonté.

 

ŸEtaler la distribution du concentré quand l’apport dépasse 3 kg/j/animal

Pour éviter les flambées fermentaires dans le rumen et optimiser la valorisation du concentré apporté, il est indispensable de fractionner l’apport en plusieurs repas lorsque la quantité quotidienne de concentré dépasse 35 % de la MS de ration totale.

 

2. Rations à base de paille pour les génisses d’élevage et les vaches allaitantes

La paille peut remplacer une part importante des fourrages manquants. Elle peut constituer le principal fourrage de la ration chez les génisses âgées de plus de 15 mois ou chez des vaches allaitantes avant le 8ème mois de gestation.

 

  • Vaches après sevrage : compléter avec 1,5 à 2 kg de concentrés ou avec un aliment liquide sachant que sa mise en œuvre est exigeante en travail. La paille seule ne permet pas de maintenir les vaches en état.
  • Vaches suitées : rajouter 2 kg de concentrés aux préconisations indiquées pour les vaches après sevrage pour éviter leur tarissement.
  • Génisses de 1 à 2 ans : même si la paille fortement complémentée peut être une solution, une distribution de foin complété par 1 kg de concentré/jour est à préférer pour assurer une croissance minimale de 400 g/j.

 

Les génisses de moins de 1 an doivent recevoir uniquement de fourrages de meilleure valeur alimentaire pour garantir leur développement.

 

[Pratique] Des exemples de rations sont proposés dans le tableau 2.

 


Tableau 2 : Exemples de rations à base de paille de céréales destinées à des vaches allaitantes et génisses d’élevage (en kg brut/jour/animal)

 

 

Génisses de 20 mois

(450 kg de poids vif)

Vaches à fort développement

(+ de 700 kg de poids vif)

 

GMQ 500 g/j

GMQ 500 g/j

GMQ 700 g/j

Avant vêlage

Après vêlage

Ration de base

Paille + concentré

Paille + foin

Paille + ensilage

Paille rationnée

Paille + foin

Paille + foin

Paille + ensilage

Paille de céréales

4

3

3

5

5

6

6,5

Aliment liquide

-

-

-

0,5

-

-

-

Ensilage d’herbe 30 % MS

-

-

8

-

-

-

17

Foin de prairie naturelle

-

3

-

-

5

5

-

Céréale aplatie

2

1,5

2,5

3

3

3(*)

2,4

Luzerne déshydratée

2

1

-

-

-

-

-

Pulpe de betterave déshydratée

-

-

-

2

-

-

-

Tourteau de soja 48

0,3

0,3

0,35

0,4

0,4

1

0,8

AMV (en g)

(formule P-Ca)

80

(10-10)

70

(10-15)

80

(10-20)

200

6-24)

150

(6-24)

150

(6-24)

100

 (6-24)

 (*) + 1 kg supplémentaire de céréales ou pulpes déshydratées si les vaches présentent un état corporel faible au vêlage

 

3. Rations à base de paille pour les jeunes bovins en engraissement

Pour cette catégorie d’animaux à forts besoins, la paille aura pour but d’apporter le support fibreux nécessaire au bon fonctionnement du rumen.

La quantité de concentré dans la ration de ces animaux est nécessairement importante, dépassant nettement 50 % de la matière sèche ingérée. Des règles spécifiques doivent alors être appliquées pour éviter des troubles digestifs ou métaboliques :

 

Distribuer la paille en brins longs et à volonté

  • Les traitements mécaniques réalisables en ferme (hachage, lacération) n’augmentent ni l’ingestion ni la digestibilité de la paille, mais réduisent la fibrosité de la ration.
  • Avec une mélangeuse distributrice, il faut chercher à obtenir des brins dont la longueur correspond au mufle de l’animal, soit 8 à 10 cm dans le cas de jeunes bovins

 

Répartir les consommations de concentré dans la journée :

  • Jusqu’à 6 kg par jour, fractionner en 2 ou 3 apports. Au-delà il faut impérativement qu’il y ait du concentré en permanence, de façon à éviter une surconsommation au moment de la distribution.
  • L’addition de bicarbonate de sodium (à raison de 150 à 200 g/jour) et de magnésium (30 à 50 g/jour) est recommandée pour prévenir les risques d’acidose.

 

Réaliser des transitions progressives

Augmenter la quantité de concentré d’1 kg par semaine.

 

Etre attentif aux indicateurs d’acidose

Congestion des muqueuses et des couronnes (yeux, mufle, onglons), baisse d’ingestion.

 

4. Rations à base de paille pour les ovins viande

Malgré sa faible valeur alimentaire, la paille de céréales peut constituer la ration des brebis et agneaux. Son intérêt est variable selon le type et le stade physiologique des animaux (tableau 4).

 

Tableau 3 : Intérêt d’une ration à base de la paille par catégorie d’animaux

 

Type d’animaux Intérêt d’une ration à base de paille
Agneaux sous la mère  préconisée
Agneaux en finition  préconisée
Brebis allaitantes  possible
Brebis en fin de gestation  possible
Brebis à l’entretien possible
Brebis en flushing et en lutte possible

 

Pour les agneaux, l’utilisation de la paille en substitution du foin de graminées n’entraîne pas de modification des performances ni de la qualité de carcasse. par ailleurs, l'indice de consommation en concentré reste inchangé. C'est donc en priorité à cette catégorie d'animaux qu'elle peut être réservée.

En ce qui concerne le cheptel reproducteur, la paille est à réserver aux brebis à faibles besoins. Dans tous les cas, un apport de concentré reste nécessaire pour équilibrer la ration. Pour les brebis allaitantes, il est envisageable de rationner les quantités de foin et de laisser la paille à volonté dans un souci d’économiser le premier fourrage. Lorsque les quantités de concentré distribuées par brebis deviennent élevées (supérieure à 1 kg/jour), un fractionnement des apports en 2 repas est indispensable afin de limiter les acidoses. La luzerne ou la pulpe de betteraves déshydratées complètent souvent les rations à base de paille dans les régions proches des zones de production.

Si les conditions de récolte et de conservation sont bonnes, la paille de céréales est un fourrage bien consommé. On peut compter entre 1 et 1,5 kg pour une brebis allaitante et environ 1 kg pour les autres stades physiologiques (refus compris). Les niveaux d’ingestion sont en revanche beaucoup plus variables lors d’un apport de paille au pré, en cas de pénurie d’herbe. Il est alors conseillé soit de rentrer les brebis en bergerie.

 

 

[Pratique] Des exemples de rations sont proposés dans le tableau 4.

 

 

Tableau 4 : Exemples de rations avec de la paille de céréales offerte à volonté pour des brebis allaitantes (quantités de concentré en kg/brebis/jour)

 

  1 seul agneau allaité
 
2 agneaux allaités
 
  6 premières semaines de lactation Au-delà de 6 semaines de lactation 6 premières semaines de lactation Au-delà de 6 semaines de lactation
Triticale 0,6 0,5 0,8 0,6
Tourteau de colza 0,5 0,3 0,7 0,5
CMV type 7/21 0,04 0,04 0,04 0,04

 

 

La paille de pois : entre une paille de céréales et un foin

 

La paille de pois protéagineux présente une valeur alimentaire intermédiaire entre celle d’une paille et celle d’un foin. Elle peut constituer le seul fourrage de la ration des brebis et être offerte à volonté. Mais attention ! Ses qualités de récolte et de conservation influencent fortement l’apparition de problème sanitaire. La paille doit en effet être récoltée aussitôt après le battage et être très sèche sinon le risque de développement de moisissures dans les balles est important.

 

5. Des équivalences pour estimer les besoins

A titre d’exemple, pour remplacer 10 tonnes de foin, il faut compter :

  • 7 tonnes de paille + 22 quintaux de céréales + 9 quintaux de tourteau de colza
  • 7 tonnes de paille + 32 quintaux d’aliment complémentaire
  • 7 tonnes de paille + 27 quintaux de luzerne déshydratée + 10 quintaux de céréales

Les chiffres concernant le coût de production ou le prix de revient contenus dans cette publication ne peuvent pas être considérés comme des indicateurs de référence pour la contractualisation calculés par IDELE dans le cadre prévu par la loi EGALIM 2. Pour en savoir plus consultez nos pages Indicateurs de référence pour la contractualisation.