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Valorisation des maïs "sécheresse" 2022

Publié le par Julien Jurquet (Institut de l'Elevage)
Alimentation - Abreuvement Cultures fourragères
La sécheresse 2022 a été très précoce et longue. Elle s’est accompagnée de plusieurs épisodes caniculaires et est particulièrement généralisée sur le territoire avec le double effet du stress « thermique » et « hydrique ». Ces effets diffèrent selon l’état des cultures et le stade de végétation du maïs sur lequel ces stress se sont manifestés dès la fin juin. Le "stress hydrique" perturbe la floraison et la fécondation, réduisant donc le développement des épis. Le manque d'eau réduit la photosynthèse et la production de matière sèche. Il empêche aussi la migration des éléments nutritifs vers les grains. Le stress "thermique" s'est rajouté au stress "hydrique". Les températures caniculaires amènent la plante à consommer ses sucres pour survivre et entraînent une lignification de la tige. Les feuilles "brûlées" pénaliseront davantage l'appétence que la valeur énergétique.

Avancer la date d’ensilage

Lorsque l’épisode de sècheresse actuel a impacté le maïs fourrage très précocement dans son cycle de végétation (semis tardif, plante réduite, épis non fécondés), il faut sans doute ensiler avant début septembre. Sinon le repère par plante suivant peut être suivi : plus de six feuilles « grillées » par brûlure ou asséchement, doit entraîner la décision d’ensiler. Si l’impact a lieu sur un semis normal d’avril-mai, la teneur en matière sèche de la plante entière doit guider la date de récolte (ne pas dépasser 40 % de MS au champ.  Mais dans tous les cas de figure, la décision doit être prise en fonction de sa propre situation en réalisant un diagnostic de la situation.

Pour aller plus loin sur ce sujet, consultez la note d’Arvalis

Des valeurs énergétiques variables

Le maïs "sécheresse" a une valeur énergétique variable selon son stade et aspect à la récolte, et la présence de grains. La pauvreté en grains et la dessication aident à évaluer la valeur énergétique (tableau 1). Les maïs "grillés" sont ceux présentant des tiges et feuilles sèches du haut en bas de la plante.

 

Tableau 1 : Evaluation de la valeur énergétique des maïs ayant souffert de la sécheresse (INRA 2010)

Type de maïs

Stade à la récolte

Grain

Appareil végétatif

Valeur énergétique (INRA 2010)

 

UFL/kg MS

UFV/kg MS

"Anormaux"

floraison ;

0,8 à 1,5 m haut

absence ou peu de

grains : 0 à 10 % de grains

(0 à 500 grains/m2)

tige et feuilles vertes

0,85 – 0,88

0,75 – 0,78

tige et feuilles vert-jaune

0,78 – 0,85

0,68 – 0,75

tige et feuilles sèches

0,75 – 0,78

0,65 – 0,68

1 mois après floraison ;

18 à 25 % MS

il manque des grains sur l'épi : 10 à 30 % de grains

(500 à 1500 gr/m2)

feuilles vertes au-dessus de l'épi

0,85 – 0,90

0,75 – 0,80

tige et feuilles sèches

0,80 – 0,85

0,70 – 0,75

plus d'un mois après

floraison ;

plus de 25 % MS

il manque des grains sur l'épi : 10 à 30 % de grains

(500 à 1500 gr/m2)

feuilles vertes au-dessus de l'épi

0,85 – 0,88

0,73 – 0,76

tige et feuilles sèches

0,82 – 0,85

0,70 – 0,73

l'épi est presque rempli : 30 à 40 % de grains (plus de 1500 gr/m2)

feuilles vertes au-dessus de l'épi

0,88 – 0,92

0,76 – 0,80

tige et feuilles sèches

0,83 – 0,88

0,70 – 0,75

"Normaux"

secs

plus de 35 % MS

l'épi est normal : 40 à 50 % de grains

tige et feuilles sèches

0,90 – 0,92

0,78 – 0,80

Institut de l'Elevage – Arvalis, 2003

 

Faire des analyses pour savoir

Cette évaluation est insuffisante pour coller à la réalité de chaque exploitation. Arvalis a d'ailleurs montré récemment que des maïs desséchés avec peu de grain peuvent conserver de bonnes valeurs énergétiques. Une analyse s'impose donc. Une analyse sur le fourrage "vert" à la récolte (MS, MM, MAT, CB, amidon, digestibilité enzymatique Aufrère) permet d'apprécier la composition de la plante, d'estimer la valeur énergétique par le modèle M4 (Andrieu et Aufrère, 1996) et d'apprécier les valeurs PDI du maïs. La prudence est de mise sur l'interprétation de la valeur énergétique parce qu'une partie de ces maïs est atypique (faible teneur en MS et proximité de la floraison, très forts taux en MS et CB). 
Il est intéressant de classer les maïs d'une région selon une typologie telle que ci-dessus et de pratiquer des analyses sur une douzaine de silos par classe de maïs. On dispose ainsi de valeurs moyennes et de variabilité qui permettra d'affiner les conseils quant à l'utilisation du type de maïs concerné. 

Si le maïs n'a pas été prélevé à la récolte, une analyse sur le fourrage fermenté est possible sur les mêmes critères pour les maïs. La teneur en amidon permet d'estimer la teneur en grains du maïs.

Une moindre ingestibilité de ces maïs

L’ingestibilité des maïs "sécheresse" est généralement moindre qu’un maïs normal mais elle peut être néanmoins très variable ; une estimation au cas par cas s’imposera. Afin d’améliorer la conservation et l’ingestion, on recherchera à couper d’autant plus court que le maïs sera sec et pauvre en grains (5 mm).

Priorité à la bonne conservation:
Maïs récoltés précocement à moins de 25 % de MS ⇒ tapis de paille ou pulpes pour absorber les jus.
Les maïs récoltés secs seront difficiles à tasser correctement. Pour conserver sa valeur alimentaire à l'ensilage, il faut empêcher l'entrée d'air. Il est impératif de soigner le désilage en maintenant une double rangée continue de boudins sur le front de silo. Le front d'attaque doit être rectiligne pour empêcher la reprise de fermentations (moisissures, échauffements) facteurs de pertes et de baisse d'ingestion. L'outil de désilage ne doit pas ébranler le tas ni permettre d'entrées d'air (fourche, chargeur). 

La complémentation de ces maïs

L'ingestion de l'ensilage de maïs est une clé du rationnement quand ce fourrage représente une part importante de la ration ; un maïs récolté très sec (à plus de 40 % MS) et moyennement conservé peut être moins bien consommé qu'un ensilage plus pauvre en grains et en MS. L'évaluation de l'ingestion est faite par pesée de distributrice ou par avancement de silo en ayant estimé la densité au préalable.

Consulter la table d’aide

Une approche de l'ingestion:
Par comparaison avec les maïs normaux, l'ingestion de ces maïs sera diminuée de 15 à 25 % pour les maïs sans ou avec peu de grains ; parmi ceux-ci, les maïs les plus verts (< 25 % MS) et les plus desséchés (> 30 % MS) seront les plus pénalisés. Ceux à 27 – 30 % MS seront sans doute les mieux consommés du lot, de 10 à 20 % pour les maïs manquant de grain. Le même effet de la teneur en MS à la récolte que précédemment est attendu, un peu amoindri par la meilleure digestibilité de ce lot de maïs, et de 0 à 10 % pour les maïs à épi presque rempli. Pas de baisse pour ceux récoltés avec des feuilles vertes, -1 kg de MS environ pour ceux récoltés avec des tiges et feuilles sèches.

La moindre valeur énergétique de ces maïs peut être corrigée par l'utilisation de céréales introduites dans la ration fourragère à condition d'en étaler la consommation sur la journée. Pour des vaches laitières, on visera 0,90 à 0,92 UFL / kg MS de ration semi-complète ou complète. Le maïs grain peut être utilisé en remplacement du blé dans les rations à plus de 30 % de concentrés. Les céréales sont broyées ou aplaties grossièrement. 

Pour les taurillons l'apport de céréales se fera sur la base de la teneur en grain du maïs en supplément du plan de complémentation en céréales pratiqué avec des maïs normaux (tableau 2).

 

Tableau 2 : Quantité de céréales supplémentaire pour corriger les maïs sècheresse pour taurillons

% de grains dans la MS

plante entière

Apport supplémentaire de céréales

(kg brut/jour)

> 45 %

40 – 45 %

35 – 40 %

30 – 35 %

< 30 %

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

Le rumen doit valoriser un fourrage fréquemment plus riche en parois. La complémentation azotée doit être assurée en veillant particulièrement à éviter tout déficit entre PDI et à maintenir un bon équilibre pour la balance protéique du rumen pour maximiser le développement des microbes de la panse. 

S'assurer de la rumination des animaux 

Les maïs pauvres en grains et riches en MS peuvent donner lieu à des apports importants en concentrés. Pour assurer le bon fonctionnement du rumen, par une salivation suffisante en particulier, l'apport de 1,5 à 2 kg de foin ou de 0,5 à 1 kg de paille est un élément de régulation des animaux. Leur observation en stabulation, et le niveau du taux butyreux pour les vaches laitières, sont de bons indicateurs de fonctionnement.

Pour aller plus loin

Ensiler ou non ? Un diagnostic préalable s'impose (ARVALIS, 2022