Une mutation prometteuse mise en évidence chez la brebis laitière

La mutation R96C de SOCS-2, présente naturellement chez certaines brebis, a été identifiée comme un facteur associé à l’inflammation mammaire 1, c’est-à-dire à une augmentation très importante des concentrations du lait en cellules somatiques (CCS). La protéine SOCS-2 intervient dans la régulation de diverses voies de signalisation, en réponse à des hormones et à des cytokines dont les fonctions sont essentielles. La mutation conduit à l’inactivation fonctionnelle de la protéine. L’objectif du projet REIDSOCS2 était de caractériser les effets de cette mutation sur les brebis laitières en élevage, et d’étudier les mécanismes biologiques sous-jacents qui déterminent l’altération de ces fonctions.
Les effets de la mutation R96C
Le projet REIDSOCS2 a permis de mettre en évidence, grâce à des animaux procréés à l’unité expérimentale INRAE de La Fage, un effet légèrement positif de la mutation R96C sur la production laitière des brebis et un effet délétère sur l'inflammation mammaire. L’analyse bactériologique du lait et l’enregistrement des lésions mammaires associées a confirmé la sensibilité accrue des brebis porteuses de la mutation aux infections mammaires par les staphylocoques3. Ce dispositif a aussi permis de montrer que la mutation était associée à : i) une diminution du taux de réussite à l’insémination artificielle chez les brebis (augmentaton de 30% du risque d’échec de la gestation), sans effet sur la prolificité, et, ii) une augmentation de la perte de toison au cours de la mue (13,6% contre 65,5% pour les animaux porteurs de la mutation). Ces résultats marquants et originaux révèlent la diversité de la pléiotropie du facteur SOCS-24.
Des effets identiques chez la souris
En parallèle, l'équipe IHAP de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse a mené des travaux dans un modèle murin (CRISPR/Cas9), afin de s’affranchir de la variabilité génétique des animaux d’élevage et d’isoler l’effet de la mutation. Comme attendu la taille et le poids des souris porteuses de la mutation à l’état homozygote sont plus grands (d’environ 40%). Les conséquences de la mutation sur la réponse anti-infectieuse ont été étudiées à l’aide d’un modèle de péritonite à Staphylococcus aureus. Ces observations montrent que l’inflammation est plus sévère, avec une sécrétion d’IL6 plus élevée, chez les animaux avec la mutation après 48h, avec un recrutement cellulaire local plus marqué. Ces observations suggèrent un rôle central des macrophages5 et affinent les premières observations du modèle in vivo.
Fréquence dans les populations ovines
L’analyse de plus de 15000 béliers de race Lacaune a montré une fréquence de la mutation défavorable SOCS-2 de 15% en moyenne. Cette fréquence a diminué sur les 15 dernières années : elle est passée de 21% en 2005 à 9% en 2021. La mutation semble quasi absente chez les autres populations de brebis laitières françaises de race Manech Tete Rousse (1 cas recensé en 2022 sur près de 800 typages), Manech Tête Noire, Basco Béarnaise et Corse.
Gestion de la mutation dans les populations en sélection
Différentes méthodes pour prendre en compte cette mutation dans le contexte de la sélection génomique ont été testées6. Les méthodes d’évaluation pondérées, et l’ajout du SNP SOCS2 parmi les marqueurs de la puce à ADN 50K ovine commercialisée par Illumina, ont apporté des gains de précisions sur les prédictions (respectivement +3,99% et +0,26% en moyenne), laissant envisager la possibilité d’une sélection plus efficace. La méthode Gene Content était également intéressante car elle a permis de dissocier la valeur génétique due au gène SOCS-2 de celle provenant des autres gènes (polygène).
La sélection actuelle en race Lacaune permet de diminuer la fréquence de l’allèle défavorable SOCS-2, tout en améliorant la résistance aux mammites expliquée par le reste du génome. En parallèle, il a été proposé aux entreprises de sélection (Conféderation Générale de Roquefort et OVITEST) une stratégie d’élimination progressive des reproducteurs mâles porteurs de l’allèle défavorable et l’évitement des accouplements qui génèrent des homozygotes mutés.
Références
1 Rupp R., Senin P., Sarry J., Allain C., Tasca C., Ligat L, Portes D., Woloszyn F., Boucher O., Tabouret G., Lebastard M., Caubet C., Foucras G., Tosser-Klopp G. A point mutation in suppressor of cytokine signalling 2 (Socs2) increases the susceptibility to inflammation of the mammary gland while associated with higher body weight and size and higher milk production in a sheep model. PLoS Genet 2015, 11(12): e1005629.
2 projet REIDSOCS (ANR 2016-2021), Robustesse, Efficacité, Inflammation et maladies sous le contrôle de SOCS2
3 Oget C., Allain C., Portes D., Foucras G., Stella A. Astruc J.M., Sarry J. Tosser-Klopp G., Rupp R. A validation study of loci associated with mastitis resistance in two French dairy sheep breeds. Genet Sel Evol. 2019 Feb. 13;51(1):5. doi: 10.1186/s12711-019-0448-8.
4 Oget C. Effet pléiotrope de la mutation R96C dans le gène SOCS2 chez la brebis laitière. Theses, Institut National Polytechnique (Toulouse), November 2019. URL hal.inrae.fr/tel-02788966.
5 Hassel C., Gausserès B., Guzylack-Piriou L., Foucras G. Ductal Macrophages Predominate in the Immune Landscape of the Lactating Mammary Gland. Front Immunol. 2021 Oct. 20;12:754661. doi: 10.3389/fimmu.2021.754661. eCollection 2021.
6 Oget C., Teissier M., Astruc J.M., Tosser-Klopp G., Rupp R. Alternative methods improve the accuracy of genomic prediction using information from a causal point mutation in a dairy sheep model. BMC Genomics. 2019 Sep. 18;20(1):719. doi: 10.1186/s12864-019-6068-4.