Retour

Un nouveau test fonctionnel pour l’analyse des variants d’épissage du gène DGAT1 bovin

Publié le par Arnaud Boulling (INRAE)
Choix des reproducteurs Evaluations et index Génomique Performances et phénotypes Ressources génétiques Bovin lait
Les variants d’épissage jouent un rôle important dans l’apparition des anomalies génétiques et l’élaboration des caractères complexes. Récemment, nous avons mis au point un nouveau test fonctionnel pour analyser les variants d’épissage de DGAT1 chez le bovin, afin de mieux comprendre leurs effets sur la fonction de ce gène ainsi que leur impact sur les caractères laitiers.

 

L’épissage, un mécanisme clé de l’expression des gènes

L’épissage est une étape clé de l’expression des gènes qui intervient après la transcription de l’ADN en « pré-ARN ». Au cours de l’épissage, les introns des pré-ARN sont excisés pour obtenir un ARN mature (appelé aussi transcrit), qui sera ensuite traduit en protéine ou assurera directement certaines fonctions cellulaires (Figure 1).

 

Figure 1 : Illustration du mécanisme d’épissage (source : National Human Genome Research Institute). Lors de l’expression d’un gène, celui-ci est transcrit en un pre-ARN non mature, duquel sont excisés les introns pour obtenir un ARN mature. Cette dernière étape s’appelle l’épissage. Dans cet exemple, il s’agit d’un ARN messager dont le devenir est d’être traduit en une protéine.  DNA = ADN, RNA = ARN non mature, mRNA = ARN messager mature.


Des variants génétiques localisés dans les gènes peuvent altérer l’épissage et entrainer des changements qualitatifs ou quantitatifs des transcrits. L’impact fonctionnel de ces variants d’épissage sur l’expression des gènes et leur contribution dans l’élaboration des phénotypes a été en premier lieu étudié chez l’homme. De récentes études montrent que chez le bovin également, les variants d’épissage jouent un rôle important non seulement dans l’émergence des anomalies bovines, mais aussi dans les caractères plus complexes en production ou en santé par exemple1.

 

Comment savoir si un variant impacte directement l’épissage d’un gène ?

La manière la plus simple et la plus directe de constater l’effet d’un variant sur l’épissage d’un gène est d’extraire l’ARN à partir de tissus provenant d’un animal porteur du variant. L’extrait est ensuite analysé pour visualiser la structure du transcrit émanant de ce gène, et constater un éventuel défaut d’épissage. Cette méthode pose plusieurs difficultés :

  • Il faut avoir accès au tissu, ce qui n’est pas toujours réalisable,
  • L’analyse des tissus ne permet pas de savoir si l’effet observé in vivo est dû au variant d’intérêt ou à un autre variant se trouvant à proximité de celui-ci.

Pour pallier cette limite, il est possible de développer des tests fonctionnels in vitro afin de caractériser spécifiquement l’effet d’un variant, en faisant abstraction des autres variants à proximité. Par ailleurs, ce type de méthode ne nécessite pas un accès préalable aux tissus de l’animal porteur. Le plus performant d’entre eux est le test « gène complet » ou « Full-Length Gene Assay » (FLGA). Basé sur l’utilisation de vecteurs d’expression et de lignées cellulaires, il permet d’évaluer l’effet d’un variant génétique sur l’épissage d’un gène dans des conditions proches de ce qui a lieu in vivo (Figure 2).

 

Figure 2 : Principe du test FLGA. Dans un premier temps, le gène à analyser est introduit dans un ADN circulaire appelé vecteur d’expression (1). Puis, le variant à analyser est incorporé dans cette construction (sur cet exemple, le C est remplacé par un T) (2). Les constructions avec ou sans le variant sont introduites en parallèle dans des cellules en culture afin d’exprimer le gène (3). Enfin, la comparaison des ARNs extraits des cellules ayant reçu chacune des deux constructions permet de déterminer si le variant à un effet sur l’épissage (4).

 

Qu’en est-il de l’impact des variants du gène DGAT1 sur l’épissage de ses transcrits ?

Le gène DGAT1 joue un rôle majeur dans le métabolisme des graisses et la synthèse des triacylglycérides. Il est bien établi que des mutations dans ce gène peuvent avoir un impact sur la qualité du lait. Deux variants génétiques diminuant la fonction de DGAT1 ont été identifiés à ce jour chez le bovin :

  • Le variant p.K232A est relativement fréquent. Il altère la fonction de l’enzyme codée par DGAT1, et plus récemment, une étude a montré qu’il pourrait aussi avoir des effets sur l’épissage du gène.
  • Le variant p.M435L est rare. Il provoque un défaut d’épissage entraînant la formation d’une protéine tronquée et non fonctionnelle.

Nous avons développé un FLGA pour réanalyser l’effet des variants p.K232A et p.M435L sur l’épissage de DGAT1. Ce test a bien confirmé l’effet de p.M435L sur l’épissage, mais a infirmé l’hypothèse selon laquelle le variant p.K232A pouvait aussi altérer par lui-même l’épissage de DGAT1, au-delà de son effet sur la fonction de la protéine.

 

Perspectives

Maintenant qu’un FLGA est disponible pour le gène DGAT1 bovin, il sera possible d’analyser de nouveaux variants susceptibles d’affecter l’épissage de ce gène, et de déterminer leur impact potentiel sur les caractères laitiers.

 

Pour en savoir plus...

Gaiani N, Bourgeois-Brunel L, Rocha D, Boulling A. Analysis of the impact of DGAT1 p.M435L and p.K232A variants on pre-mRNA splicing in a full-length gene assay. Sci Rep. 2023 Jun 2;13(1):8999. doi: 10.1038/s41598-023-36142-z. PMID: 37268760; PMCID: PMC10238528.
URL : https://www.nature.com/articles/s41598-023-36142-z

 

 

------

1Xiang, R., Fang, L., Liu, S., Macleod, I.M., Liu, Z., Breen, E.J., Gao, Y., Liu, G.E., Tenesa, A., CattleGTEx Consortium, Mason, B.A., Chamberlain, A.J., Wray, N.R., Goddard, M.E., 2022. Gene expression and RNA splicing explain large proportions of the heritability for complex traits in cattle (preprint). Genomics. https://doi.org/10.1101/2022.05.30.494093

Documents à télécharger