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Traitement au tarissement chez les petits ruminants

Publié le par Dominique Bergonier (ENV Toulouse), Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
Santé
Chez les petits ruminants, comme chez les bovins laitiers, le tarissement peut être mis à profit pour assainir le troupeau sur le plan de la santé mammaire. Quelles sont les bases pour raisonner et conduire une antibiothérapie hors lactation chez les ovins et les caprins ?

Les principes généraux du tarissement et de l’antibiothérapie hors lactation répondent à un objectif commun à l’ensemble des ruminants laitiers : profiter du tarissement pour assainir le troupeau sur le plan de la santé mammaire. Chez les chèvres et les brebis, certaines particularités doivent être prises en compte : tarissement progressif, longueur de la période sèche, et… absence de spécialité intra-mammaire initialement conçue pour ces espèces.

 

Le diagnostic au cœur de la décision de réforme ou d’antibiothérapie au tarissement

 

Quatre types d’informations potentielles peuvent être valorisés : concentrations cellulaires individuelles (CCI), examens mammaires, CMT et production laitière. L'objectif est de ne pas conserver de mamelles présentant des lésions irréversibles et durablement excrétrices.  

 

  • Utiliser d’abord les résultats d’examens mammaires (en l’absence de CCI surtout) :

Devraient être une cause de réforme la présence d’abcès mammaires ou encore d’asymétrie ou induration marquées.

Les kystes lactés ne constituent pas, en eux-mêmes, un motif de réforme.

 

  • Utiliser ensuite les CCI :

Au moins 2 à 3 CCI devraient être réalisés à des moments clés pour le troupeau avec au moins une analyse en fin de lactation (en évitant le dernier mois). Selon les élevages, un point à la mise à l’herbe peut être intéressant pour maîtriser les élévations cellulaires associées (attention à l’interprétation en raison d’élévations possibles des CCI notamment au démarrage de la mise à l’herbe et plus marquées chez les femelles présentant préalablement des CCI plus élevés). Un contrôle en début de lactation permettra d’évaluer l’infection précoce des primipares ou de disposer d’un indicateur pour mesurer l’incidence d’un traitement au tarissement.

 

En l’absence de symptômes chroniques marqués, les seuils cellulaires suivant sont proposés en fin de lactation comme base de l’antibiothérapie :

  • brebis : 300 000 cell/ml
  • chèvres : 600 000 cell/ml (seuil défini à compter du 1er avril 2021).

 

Les principes d’une antibiothérapie au tarissement

 

Quelles bases bactériologiques et thérapeutiques ?

 

  • Nature des infections mammaires subcliniques :

Les staphylocoques à coagulase négative représentent 75 à 95% des germes isolés en fin de lactation (indépendamment des mycoplasmes). Le reste est principalement constitué par des streptocoques et quelques corynébactéries,…

 

  • Antibiorésistance :

Les résistances aux ß-lactamines sont limitées à la pénicilline G et sont moins fréquentes que chez la vache : 5 à 15% pour S. aureus et 15 à 30% pour les pathogènes mineurs (ovins laitiers).

Des pourcentages plus élevés de souches résistantes existent vis-à-vis de classes d’antibiotiques anciennes : tétracyclines, macrolides,…

Chez les caprins, les informations publiées sont peu abondantes. Des résistances aux pénicillines et aux macrolides sont également décrites.

 

  • Classes d’antibiotiques :

Les classes d'antibiotiques de choix sont les pénicillines, les céphalosporines de première ou deuxième génération, les aminosides (en association),…

 

  • Voie d'administration et efficacité :

La voie parentérale n'est pas recommandée tant pour des raisons d'efficacité (une seule injection sans association avec une administration intra-mammaire est insuffisante), que de sécurité des traitements (antibiorésistance).

La voie intra-mammaire, au contraire, est moins susceptible de sélectionner des bactéries résistantes, et possède une efficacité curative régulièrement démontrée.

 

Pratique de l'antibiothérapie intra-mammaire au tarissement

 

Les spécialités titulaires d'une Autorisation de Mise sur le Marché et les recommandations générales sont présentées ci-dessous (tableau).

 

Un point clé : le nécessaire ciblage de l’antibiothérapie sur les mamelles infectées. En effet, en plus des limites préventives liées à la durée de la période sèche chez les ovins (≥ 3 mois), le traitement sélectif permet de mieux maîtriser les risques septiques liés à la voie intra-mammaire, de limiter le risque de résidus inhibiteurs et d'améliorer le rapport coût/bénéfice global.

Chez la chèvre, les durées de période sèche inférieures à 60 jours doivent amener à être vigilant sur le ciblage du traitement, voire le type de spécialité utilisé (éviter les spécialités à action longue).

 

Pratique du traitement intra-mammaire au tarissement.

Points-clefs Recommandations
Préparation  
  • Tarissement progressif (en particulier chez les ovins)

 

  • Réduction alimentaire modérée (surtout chez les ovins en début de gestation...)
 
Modalités, précautions  
  • Désinfection soignée de l’apex des trayons avant et après injection

 

  • 1 seringue entière par hémi-mamelle, avec insertion atraumatique

 

  • Prévention des contaminations mammaire au tarissement par les 2 pathogènes principaux : A. fumigatus (foins et pailles secs, pas d’élimination des refus sur la litière, ventilation, absence de couchage après les injections,…), P. aeruginosa (décontamination de la machine à traire, absence de zones de couchage humides,…)
 
Spécialités (AMM ovine et/ou caprine)  
  • Nafpenzal® (benzylpénicilline, nafcilline, dihydrostreptomycine), ovins et caprins (MSD)
 
  • Cefovet® HL (céfazoline), ovins (Boehringer Ingelheim)
 

 

Conclusion

 

Le dépistage des mammites subcliniques, point-clef du traitement ciblé, peut aujourd’hui être amélioré dans plusieurs directions. Chez les ovins, les CCI devraient être mis en œuvre plus régulièrement compte tenu de leur fiabilité (et de leur coût modique pour toutes les espèces). Chez les caprins, les CCI devraient être associés à d'autres approches complémentaires compte tenu de leur valeur prédictive modérée pour certaines classes de chèvres (âgées, fin de lactation, lactations longues,…). Dans ce cadre, les comptages cellulaires différentiels pourraient offrir une perspective intéressante.

 

Idéalement, l'antibiothérapie au tarissement devrait être différenciée pour s’adapter aux agents infectieux dominants dans les élevages (mycoplasmes,…) d’une part, et pour tenir compte des fortes différences de durée de période sèche d’autre part (potentiellement courtes chez les caprins et au contraire très longues chez les ovins).

 

Dans tous les cas, traitement au tarissement et réforme ciblée doivent s’accompagner des différentes mesures préventives adaptées à la situation de chacun des élevages.