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Monte Naturelle et filiations incomplètes : des obstacles à la sélection génomique ?

Publié le par Jérôme Raoul (Institut de l'Elevage)
Génomique Ovin viande
La part de la monte naturelle et la connaissance des filiations paternelles sont très variables dans les programmes de sélection ovin viande français. Ces deux facteurs affectent potentiellement l’intérêt de la sélection génomique pour ces schémas. A l’aide de simulations, les progrès génétiques ont été évalués pour des stratégies de sélection génomique et classique de programmes basés exclusivement sur la monte naturelle et caractérisés par des degrés de connaissance variable des filiations paternelles.

 

Trois scénarios testés

 

Trois stratégies d’utilisation de l’information génomique ont été comparées à une stratégie de sélection classique :

  • l’assignation de parenté sur marqueurs moléculaire,
  • la sélection génomique basée sur une population de référence de mâles,
  • la sélection génomique basée sur une population de référence incluant des mâles et des femelles.

 

La modélisation de l’organisation de la sélection s’est inspirée du fonctionnement de la plupart des races ovin viande françaises :

  • jeunes mâles sélectionnés sur ascendance parentale et regroupés en stations, puis sélectionnés sur performances propres, les meilleurs étant utilisés pour le renouvellement des mâles du noyau de sélection.
  • répartition aléatoire des jeunes mâles entre les élevages de sélection et dépendante des besoins de renouvellement, un jeune mâle ne pouvant pas être affecté à son élevage de naissance.
  • béliers utilisés pendant un maximum de quatre années, une partie aléatoire des mâles étant réformée en fonction de leur âge chaque année.

 

Pour la stratégie classique, cinq populations ont été simulées variant selon le taux de filiations paternelles connues (0, 25, 50, 75 ou 100%).

 

Pour la stratégie « assignation », l’ensemble des accouplements sont réalisés sans paternité et les pères des agneaux candidats, issus des meilleures mères (Mères à béliers) étaient assignés. Pour les agnelles, nous avons testé différentes proportions de taux d’assignation paternelle (25, 50, 75 ou 100%). Pour cette stratégie, les étapes de sélection sont réalisées sur la base d’index classique.

 

Pour les stratégies de sélection génomique, les étapes de sélection sont réalisées sur la base d’index génomique estimés par la méthode du single-stepGBLUP : les jeunes males sont génotypés dans leur première année et les meilleurs sur index génomique sont sélectionnés pour renouveler les béliers réformés.

Dans la stratégie « population de référence mâles », tous les béliers luttant dans les élevages (pères des candidats) étaient génotypés.

Dans la stratégie « population de référence mâles + femelles », une proportion des agnelles (après tri) étaient annuellement génotypées (25, 50 ou 100%) en plus des mâles.

 

 

Des gains génétiques supérieurs grâce à l'information génomique

 

L’utilisation de l’assignation de paternité permet un gain supérieur à la stratégie classique pour la même proportion de filiations paternelles connues hormis à 100% pour laquelle les stratégies sont équivalentes. Ce gain supérieur est dû à la connaissance exhaustive des paternités des agneaux issus des meilleurs mères car l’assignation permet de cibler a posteriori les agneaux dont on souhaite la paternité.

 

La stratégie de sélection génomique basée sur une population de référence « mâles » a donné un gain plus élevé que la sélection classique quelle que soit la quantité de filiations paternelles connues. Bien que les filiations paternelles inconnues réduisent les gains génétiques, elles ne semblent pas constituer un obstacle à la mise en place de la sélection génomique.

 

Le génotypage de femelles a permis un gain nettement supérieur par rapport à la stratégie basée sur le seul génotypage des mâles. Pour la taille de population simulée, le gain obtenu pour 25% de femelles génotypées n’est pas amélioré par une proportion croissante de ces génotypages.

 

Gain génétique pour différentes stratégies de sélection selon le taux de filiations paternelles connues et le taux de femelles génotypées

 

Stratégie Taux de femelles génotypées (%) Taux de filiations paternelles connues (%) Progrès génétique (%) 1
Classique 0 0 100
25 102
50 106
75 121
100 142

Assignation
25 25 113
50 50 122
75 75 131
100 100 141


Sélection génomique –

population de référence = mâles


0
0 110
25 130
50 142
75 149
100 163


Sélection génomique –

population de référence = mâles + femelles

25 25 193
50 50 194
75 75 187
100 100 198

1 (100%=0.081 écart-type génétique)

 

 

Des pistes pour l'avenir

 

Ces résultats indiquent que les stratégies de sélection génomique pourraient générer des gains génétiques supérieurs pour les schémas avec des filiations paternelles incomplètes et basés exclusivement sur la monte naturelle. Cependant, les coûts de génotypage doivent être pris en compte et une comparaison équitable nécessiterait d'évaluer les différentes stratégies à un coût similaire ou de prendre en compte les coûts et les revenus associés à chaque stratégie. Le passage à la sélection génomique ne modifierait pas la gestion des mâles. La rentabilité de la sélection génomique dépendrait donc de l'équilibre entre les coûts de génotypages et les gains génétiques supplémentaires et donc de la capacité individuelle et collective des sélectionneurs à valoriser économiquement ces gains génétiques supplémentaires.

 

Cette publication a été réalisée dans le cadre de l'UMT GPR et a bénéficié de l'appui financier du Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté Alimentaire.