Les données de séquence permettent de mieux comprendre le déterminisme des caractères d'intérêt en race Saanen
Le projet « 1000 génomes caprins »

Depuis le lancement du projet « 1000 génomes caprins », dénommé VarGoats en 2016, le nombre de génomes caprins séquencés dans le monde s’est accéléré. Aujourd’hui, nous disposons de 1159 animaux issus de 134 races différentes. Côté français, grâce à la collaboration entre INRAE, Capgènes, les associations de races et Idele, des animaux des races Alpine et Saanen (≈40 animaux par race) et des races Angora, Créole, Fossés, Lorraine, Poitevine, Provençale, Pyrénées, Rove, Savoie (≈15 animaux par race) ont été re-séquencés.
L’intérêt des données de séquence
L’intérêt majeur de disposer de telles données est d'accéder ainsi à une information beaucoup plus dense et riche sur le génome qu'avec la puce SNP (exemple : 74 millions de SNP dans les données « VarGoats » versus 57 000 SNP sur la puce V2). Ceci permet de mieux décrire la diversité génétique, de mieux comprendre le déterminisme des caractères, d’avoir accès plus directement aux mutations causales et d’améliorer la précision des évaluations génétiques.
Des premiers résultats prometteurs en race Saanen
Dans le cadre de la thèse d’Estelle Talouarn, une des questions abordées visait à affiner une région du chromosome 19 contenant un QTL important en race Saanen, car il contrôle 11 caractères (caractères laitiers, cellules, morphologie mamelle, production de semence) avec des effets allant de 5 à 20% de la variabilité génétique. En revanche cette zone est complexe car elle est très grande et elle contient un très grand nombre de gènes. L’apport des données de séquence a été bénéfique à plusieurs niveaux :
Détection de nouveaux SNP d’intérêt
D’une part, 784 nouveaux SNP du chromosome 19 ont été identifiés comme fortement impliqués dans le contrôle d’au moins un des 11 caractères. Parmi eux, les 178 les plus pertinents ont été ajoutés sur la 2eme version de la puce SNP Illumina (disponible depuis septembre 2020). Ainsi, tous les animaux génotypés à partir de cette date (en particulier en race Saanen) seront caractérisés à ce QTL, ce qui sera utile pour développer une évaluation génomique plus précise et pour poursuivre les recherches.
Des profils de boucs très différents
D’autre part, il a été possible de caractériser la variabilité génétique singulière en race Saanen française dans la zone du QTL, au regard des autres races françaises et des autres populations Saanen élevées à l’étranger. En effet, la race Saanen présente un haplotype Hs (combinaison de marqueurs) singulier dans la région, relativement fréquent (50 %) et qui est quasiment absent en Alpine (<1%). Une combinaison de l’information à 3 SNP présents sur la puce permet de simplifier cette information et de répartir les animaux en 3 groupes : 1 (homozygotes de type HsHs), 2 (hétérozygote Hs Hautre) et 3 (homozygotes Hautre Hautre). Ainsi, il a été possible de répartir tous les boucs d’IA dans ces 3 groupes et de confirmer que leurs performances correspond à un profil très particulier : le groupe 1 homozygotes HsHs (37% des Saanen, 0.4% des Alpine) comprend des animaux de grande taille avec des bonnes performances laitières, une moins bonne morphologie de la mamelle, des cellules somatiques en plus grand nombre ; le groupe 3 (20% des Saanen, 77% des Alpine) correspond à des profils opposés ; le groupe 2 (43% des Saanen, 23% des Alpine) intègre des animaux intermédiaires.
Ces résultats apportent des éléments de compréhension des différences observées depuis longtemps entre races, notamment la corrélation génétique plus élevée entre le lait et la morphologie de la mamelle dans la race Saanen par rapport à la race Alpine. Sur le plan de l’application, l’information du « groupe » est diffusée en routine à Capgenes pour chaque nouvel individu génotypé depuis décembre 2020. Cela permettra de piloter plus finement la sélection conjointe des caractères laitiers et morphologie de la mamelle, en plus des index.