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La qualité de la viande pour un avenir durable : l’UNECE se penche sur la question

Publié le par Clémence Bièche-Terrier (Institut de l'Elevage)
Qualité des produits carnés Démarches de différenciation Bovin viande Ovin viande
En parallèle du Congrès International sur la Science et la Technologie de la Viande de 2019 (ICoMST), l’UNECE a organisé un workshop international sur les différentes facettes de la qualité des viandes, en lien avec le développement durable. De la qualité sensorielle aux dernières innovations technologiques de traçabilité des produits, en passant par les normes de qualité internationales, les intervenants ont su lier qualité des produits, lutte contre le gaspillage et durabilité des filières viande.

A l’occasion du rassemblement d’équipes scientifiques internationales travaillant sur la viande pour le congrès de l’ICoMST 2019, la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe (UNECE) a organisé un workshop sur la maîtrise de la qualité des viandes dans le cadre de la durabilité des filières. En particulier, la section spécialisée dans la standardisation des viandes de l’UNECE a introduit ces rencontres sur les intérêts des standards de l’UNECE pour les filières viandes :

 

  • confiance des partenaires,
  • facilitation  du commerce international équitable,
  • diminution des barrières commerciales,
  • établissement de repères communs entre vendeurs et acheteurs,
  • promotion de la qualité supérieure des produits,
  • transparence et traçabilité pour les acheteurs et consommateurs…

 

Les bonnes pratiques internationales, les standards, les guides de cette Commission accompagnent les pays de l’Union Européenne pour assurer la qualité des produits, établir des relations de confiance entre les différents maillons et ainsi assurer des relations de confiance durables au sein de la filière.

 

La nécessité de produire des données accessibles, intéropérables et réutilisables pour maîtriser la qualité des viandes

Les activités de recherche sur les animaux d’élevage visent notamment à sélectionner des animaux performants, résilients, robustes, adaptables aux changements climatiques et produisant des denrées de qualité pour les consommateurs (perception en bouche, santé, nutrition, impact environnemental…). Pour atteindre ces objectifs les scientifiques ont besoin de données fiables, répétables et comparables, à l’échelle locale et internationale.

L’intervention de Jean-François Hoquette de l’INRAE sur cette thématique a permis de souligner le manque de données disponibles dans les filières viandes, particulièrement sur la qualité en bouche des produits. Celles qui ont été publiées à ce jour sont difficilement comparables entre elles (différences dans les protocoles, spécificité des pays, définitions variables des critères…). Plus généralement, la diversité des origines et des méthodes d’acquisition de ces données et leur absence de standardisation rendent leur traitement global très difficile.

 

Il est cependant reconnu que la création et l’enrichissement de bases de données sont très utiles pour modéliser et prédire les propriétés des animaux et de leurs produits, tels que les viandes. Des projets de cette envergure nécessitent :

 

  • la construction de réseaux d’équipes de recherche et de professionnels du secteur à l’échelle internationale,
  • l’adoption d’un langage commun avec des définitions standardisées des critères de qualité pour pouvoir les investiguer correctement.

 

Deux projets allant dans ce sens sont actuellement engagés à l’échelle européenne : Animal Trait Ontology of Livestock (ATOL) et Smartcow, auquel participe l’Institut de l’Elevage.

 

Maitriser la qualité des viandes pour assurer la durabilité des filières de production

L’importance de la qualité des viandes pour la durabilité des filières

Face à l’image négative croissante des viandes en Europe, les tendances actuelles sont plutôt à la diminution de la consommation de viande. Cependant si les consommateurs tendent à manger moins de viande, ils en attendent une qualité supérieure, tant à la dégustation que dans les critères qui touchent à la production (impact environnemental, bien-être animal…). Pour répondre à ce challenge, les filières viandes européennes pourront s’orienter vers d’autres marchés internationaux où la consommation continue à s’accroitre (ex : Chine), mieux valoriser les co-produits afin de réduire le gaspillage et rentabiliser au mieux les carcasses, diversifier leurs offres en développant des  produits de viandes et légumes mélangés… Il faudra aussi veiller à concurrencer les alternatives de « viandes artificielles », notamment en assurant une qualité en bouche supérieure qui permettra de mieux répondre aux attentes des consommateurs.

 

Les recherches européennes pour maîtriser de la qualité de la viande en bouche se sont beaucoup reposées sur les travaux australiens du système MSA, qui permet de donner un score à 4 dimensions pour évaluer un morceau de viande : tendreté, flaveur, jutosité et appréciation générale, mis en relation avec la production des viandes (caractéristiques des animaux, qualité des carcasses, maturation…). Plusieurs projets basés sur l’adaptation de ce système ont été menés à l’échelle internationale, notamment avec des équipes françaises (dont l’Institut de l’Elevage), polonaises, irlandaises et nord-irlandaises. Ces études de dégustations à grande échelle ont permis de générer des données standardisées sur la qualité en bouche des viandes bovines.

 

Un des objectifs principaux est d’enregistrer ces données dans une base de données internationale en ligne afin de les rendre disponibles aux équipes de recherche internationales pour réaliser des modélisations, prédictions, simulations de scénarii, afin de progresser dans la maîtrise de la qualité en bouche des viandes bovines, sous le patronage de la fondation International Meat Research 3G Foundation. Cette fondation a notamment pour mission de former des évaluateurs de la qualité des carcasses et des viandes pour l’Europe, selon les critères développés dans les études internationales. Les fruits de ces collaborations scientifiques permettront de soutenir sur le long terme les filières de production de viandes bovines européennes, en les aidant à produire des viandes correspondant aux attentes des consommateurs en termes de qualité en bouche, et ainsi à assurer leur durabilité.

 

Des repères pour identifier les viandes de qualité en Europe

Christophe Denoyelle du Service Qualité des Carcasses et des Viandes de l’Institut de l’Elevage a présenté le Label Rouge, signe de viandes de qualité supérieure en France. L’obtention de ce label repose sur le respect de critères de production et de distribution des viandes afin d’optimiser leur potentiel (couleur de la viande et du gras, tendreté, odeur, flaveur, satisfaction globale). Il s’agit d’un engagement de toute la filière pour produire des viandes de qualité supérieure pour une certification de qualité garantie grâce à la traçabilité individuelle des produits, de l’animal jusqu’à l’assiette du consommateur. A l’heure actuelle, il existe 16 certifications Label Rouge pour le bœuf. Les objectifs pour la filière française sont que 40% de la production de viande bovine répondent aux critères de cette certification, et que ces critères de production soient complétés par de nouveaux items (ex : impact environnemental, bien-être animal…). Les critères de qualité en bouche seront aussi révisés (ex : évaluation du persillé), afin de diminuer les risques de déception des consommateurs à la dégustation d’un produit labellisé.

 

D’autres initiatives sont en cours de développement dans différents pays. Trois d’entre elles ont été présentées lors de ce workshop :

 

  • BeefQ (Beef Eating Quality) qui vise à qualifier les carcasses des bovins élevés au Pays de Galles en termes de potentiel de qualité en bouche, en utilisant les repères du système MSA ;
  • ALMTech (Advanced Livestock Measurement Technologies) développe en Australie des technologies pour calculer le pourcentage de viande maigre ainsi que le taux de persillé, pour les viandes bovines et ovines, et pour mettre en relation ces données avec la qualité de ces viandes à la consommation ;
  • Parmi les projets de la fondation européenne International Meat Research 3G Foundation, figure le développement d’un système de communication européen auprès des consommateurs, garantissant un niveau de qualité réel pour chaque morceau de viande, sur le modèle des notes par étoiles du système australien MSA, qui synthétiserait les scores globaux atteints par chaque produit selon les critères d’élevage, de production, de préparation, de propriété des viandes…

 

Développer de nouveaux outils pour une meilleure maîtrise de la qualité des viandes

Pour assurer la durabilité des filières de production, il est nécessaire de disposer d’outils permettant de prédire la qualité des viandes avant leur mise sur le marché. Ces nouveaux outils reposent sur des technologies de pointe qui permettent d’obtenir des résultats globaux en peu de temps :

 

  • L'absorptiométrie biénergétique à rayons X (DXA) assistée par ordinateur permettant de calculer la composition des carcasses (notamment en terme de répartition des gras), est une technologie particulièrement développée par ALMTech pour les filières bovine et ovine ;
  • Les techniques par spectroscopie de masse (ex : Rapid evaporative ionisation mass spectrometry REIMS)  permettent d’obtenir des profils quantitatif et qualitatif des lipides présents (acides gras et phospholipides).

 

Les profils lipidiques et la répartition des gras étant le résultat de plusieurs facteurs amont (caractéristiques des animaux, mode d’élevage, alimentation, finition…), ces données permettront d’orienter les pratiques pour obtenir les meilleurs résultats en termes de qualité des viandes.

 

Par ailleurs, les recherches portent aussi sur les déterminants de la flaveur des viandes, investigués à l’aide des méthodes de type spectroscopie de masse et chromatographie en phase gazeuse. Les investigations portent notamment sur l’identification de marqueurs volatiles spécifiques de flaveurs de la viande, qui permettront d’anticiper l’appréciation des produits par les consommateurs. Les résultats obtenus lors d’études récentes ont montré les relations entre les composés volatiles de la flaveurs et la maturation, la quantité et répartition des gras, l’alimentation des animaux, le type de muscle, le conditionnement, la méthode de cuisson… De nouvelles méthodes d’analyse automatique des composés volatiles de la viande sont en cours de validation. La compréhension de l’impact de différents facteurs sur la flaveur de la viande permettra à la filière d’optimiser le potentiel des produits de viandes bovines pour satisfaire au mieux les attentes des consommateurs dans la durée.

 

Performance, nutrition et qualité sensorielle : le triple challenge des filières viande

Le workshop s’est conclu sur le challenge à relever pour les filières de production de viandes : combiner les performances des animaux d’élevage, les apports nutritionnels des viandes et leurs qualités sensorielles. Les résultats d’études récentes ont montré qu’il était possible d’identifier des animaux qui ont à la fois de hauts potentiels en termes de qualité bouchère et des muscles bien persillés et riches en acides gras polyinsaturés. Par contre, les performances d’élevage sont plutôt corrélées négativement avec les qualités sensorielles des viandes. L’approche multifactorielle et multicritère est indispensable pour assurer la durabilité des filières viandes. Il reste donc une marge de progrès à franchir dans la gestion de la production de viande pour optimiser la qualité globale des produits entre les trois dimensions prises en compte : performances, nutrition, qualité sensorielle. C’est une des missions à laquelle travaille l’UNECE, notamment à travers le développement des standards de qualité européens pour la viande et la formation d’évaluateurs agréés.

 

 

Cet article est issu de la publication de la revue Viande et Produits Carnés VPC-2020-36-2-1 parue le 28 avril 2020, co-écrit par Liliana Annovazzi-Jakab (UNECE), Ian King (AUS-MEAT & AUS-QUAL, Australie), Jean-François Hocquette (INRAE, France), Linda Farmer (Agri-Food and Biosciences Institute, Royaume Uni), Jerzy Wierzbicki (Polish Beef Association, Pologne), Christophe Denoyelle (Idele, France), Nigel Scollan (Institute of Global Food Security, Royaume Uni), Honor Calnan (Murdoch University, Australie), Rod Polkinghorne (Birkenwood Pty Ltd, Australie), Nicholas Birse (Institute of Global Food Security, Royaume Uni), Graham Gardner (Murdoch University, Australie), et Marie-Pierre Ellies(Bordeaux Science Agro, France).