Retour

Des veaux allaitants en bonne santé : conduite d'élevage adaptée et bâtiments bien conçus

Publié le par Stéphane Mille (Institut de l'Elevage)
Equipements d'élevage Bâtiment Bovin lait Bovin viande Veau de boucherie
La protection de la santé publique globale impose de réduire l’usage des antibiotiques en élevage (plan « Ecoantiobio 2017 » mis en place par le Ministère de l’Agriculture). A l’échelle des élevages, cette problématique est en lien direct avec les objectifs technico-économiques des exploitations. En effet, réduire la mortalité des veaux jusqu’au sevrage, viser un bon développement physiologique et corporel, assurer les performances futures du troupeau et sécuriser les ventes… sont autant de préoccupations qui mettent en évidence l’impact de la santé des veaux allaitants sur le revenu des éleveurs. La question de la santé des veaux nécessite avant tout de s’intéresser globalement à la conduite et aux pratiques d'élevage. Elles ont une incidence directe sur la santé des veaux et de leurs mères et doivent être prévues pour réduire les risques sanitaires. Dans un second temps, et en lien étroit, il est nécessaire de s’intéresser aux conditions de logement des vaches et des veaux, notamment pour permettre à l’éleveur de mettre en œuvre une conduite adaptée.

Conduite et pratiques d’élevage : la santé des veaux en dépend directement

Les étapes clés pour la santé des veaux suivent la chronologie de vie du troupeau de vaches allaitantes, avec trois temps particulièrement importants :

  • la préparation au vêlage et la santé globale des mères : La santé du veau est le reflet étroit de la santé de la mère, qui doit parvenir au vêlage dans les meilleures conditions : état corporel correct, absence de carence et de pathologie chronique, maîtrise du parasitisme, permettent à la mère d’atteindre un niveau immunitaire adapté au contexte que rencontrera le veau à sa naissance.
  • le déroulement du vêlage et les premiers soins aux veaux : Le vêlage et les 48 premières heures de vie du veau représentent une phase clé pour toute la carrière de l’animal. La surveillance doit être optimale et, si elle se justifie, l’intervention pour l’aide au vêlage doit être déclenchée sans attendre et réalisée dans des locaux adaptés. L’hygiène autour du vêlage est capitale, car le veau naissant n’a pas de défense immunitaire. Les premiers soins consistent à s’assurer de la vitalité du veau (respiration), à le tenir au chaud pour qu’il maintienne sa température corporelle, à vider, désinfecter puis sécher le cordon ombilical, et enfin à lui faire prendre le colostrum qui lui apporte énergie et première barrière immunitaire pour entrer dans la vie. De son côté, la mère a des besoins alimentaires et en eau importants juste après le vêlage. Elle doit se remettre des efforts et du stress de la mise-bas, adopter son veau et engager au mieux le démarrage de la lactation.
  • le suivi sanitaire et d’élevage des veaux jusqu’au sevrage : Durant les trois premières semaines, la vigilance devra rester importante : surveillance du cordon, tétée, absence de diarrhée, de troubles respiratoires et de problèmes articulaires.

Très tôt, le suivi alimentaire du veau s’avère capital. En complément du lait de sa mère, le veau doit avoir accès à de l’eau dès les premiers jours et à un aliment fibreux et à du sel à partir de 2 semaines. En effet, il engage très tôt l’évolution morphologique de son appareil digestif pour acquérir progressivement sa capacité à ruminer et assurer son développement.
Jusqu’au sevrage, les mesures de prévention des risques sanitaires pour les veaux doivent être prises en fonction des problèmes dominants au sein de l’élevage. Il est primordial de limiter le microbisme en respectant la densité animale, en séparant les classes d’âge, en veillant aux quarantaines lors d’introductions d’animaux, en luttant contre les nuisibles et intrus pouvant véhiculer des pathogènes.

Le suivi sanitaire tient compte également des interventions spécifiques conduites jusqu’au sevrage :

  1. l’écornage, à pratiquer de préférence entre 3 et 4 semaines (voir la plaquette « Ecorner les jeunes bovins, efficacement, facilement et sans douleur » (Aupiais et al., 2016)),
  2. les anticoccidiens et autres déparasitages,
  3. les vaccinations éventuelles contre les troubles respiratoires. Dans tous les cas, chaque intervention et/ou pathologie identifiée doit être enregistrée pour être analysée avec le vétérinaire lors du bilan sanitaire d’élevage.

Après le vêlage, s’assurer d’une bonne prise de colostrum… et disposer pour cela des équipements adaptés

Des bâtiments et équipements adaptés pour les veaux, et pour les étapes clés de la conduite d’élevage


Tout au long de la vie du veau, les équipements d’élevage, en bâtiment et au pré, doivent permettre de satisfaire leurs besoins physiologiques et de mettre en œuvre les pratiques d’élevage. En reprenant la chronologie et les étapes clés identifiées au paragraphe précédent, on établit le cahier des charges synthétique de conception et d’utilisation des bâtiments pour veaux allaitants.

 

Besoins des animaux ou de conduite d’élevageIncidence sur la conception ou les aménagements dans le bâtiment
PREPARATION des mères AU VELAGE
Aloter en visant un écart d’âge des veaux de 3 semaines maximum au sein d’un lot. 
  • Taille des cases des vaches adaptée à la conduite et cohérente avec l’effectif global du troupeau.
  • Si des réallotements sont pratiqués à la suite des vêlages, prévoir des cases d’isolement / tri et des couloirs de circulation des animaux.
 
Surveiller l’arrivée des vêlages. 
  • Couloirs de surveillance et de circulation des hommes.
  • Utilisation possible d’équipements d’aide à la détection des vêlages, installés dans le bâtiment (caméra) ou sur les animaux.
 
Tenir compte du gabarit des vaches et de leur difficulté de mobilité en fin de gestation. 
  • Eviter les différences de niveau de sol dans la zone de logement des vaches en fin de gestation (dernier mois).
    • pas de quai d’alimentation avec une marche haute. Préférer une aire paillée sans quai ou une aire paillée avec aire d’exercice.
 
VELAGES
Intervenir dans de bonnes conditions, uniquement si nécessaire. 
  • Cases de vêlage à proximité des zones de vie des vaches, pratiques, bien équipées et accessibles (voir croquis 1 ci-dessous).
  • 15 à 20 m² par case de vêlage, avec une longueur disponible de 4 à 5 m (alignement vêleuse).
 
Alimenter / abreuver facilement une vache juste après le vêlage, même si elle présente des difficultés de locomotion.Dans la case de vêlage :
  • pas de quai autonettoyant.
  • un abreuvoir et un râtelier accessibles pour l’animal et faciles à approvisionner / surveiller par l’éleveur (à défaut, pouvoir facilement apporter « un plateau repas » à l’animal).
 
PREMIERS SOINS AU VEAU ET ADOPTION PAR SA MÈRE (2 PREMIERS JOURS)
S’assurer du bon démarrage du veau, prodiguer les premiers soins, surveiller, intervenir si besoin. 
  • Equiper et utiliser la case de vêlage / adoption, pour :
    • réanimer un veau -> dispositif de suspension à proximité.
    • réaliser les premiers soins de routine -> surface suffisante, protection / mère, équipements à proximité (eau, lumière, matériel et pharmacie d’élevage…).
    • surveiller/aider à la prise de colostrum puis à l’apprentissage de la tétée
      -> barrière de protection latérale.
 
Tenir un veau au chaud juste après vêlage ou un jeune veau malade. 
  • Disposer de quelques niches individuelles déplaçables. La niche est positionnée dans la case de vêlage ou à proximité immédiate pour maintenir le contact avec la mère.
Attention, il faut pouvoir nettoyer facilement la niche après chaque passage de veau -> zone de lavage à proximité.
DEMARRAGE DES VEAUX (3 PREMIÈRES SEMAINES)
Loger les jeunes veaux dans de bonnes conditions, à l’abri des courants d’air et de l’humidité, sans les confiner ni compromettre l’ambiance générale du bâtiment.Créer 2 zones de ventilation différenciée dans le bâtiment :
  • Pour des cases à veaux positionnées sur le long pan du bâtiment (à l’arrière des cases des vaches).
    • un appentis avec décalage de toiture permet de loger les veaux. Les entrées d’air peuvent y être modulables et différentes de celles de la zone de logement des vaches.

 
  • Pour des cases à veaux positionnées entre les cases des vaches.
    Deux alternatives pour offrir aux veaux une protection temporaire durant leurs 3 premières semaines de vie (pas au-delà, au risque de les confiner et favoriser les troubles respiratoires) :
    • installer un cadre amovible recouvert d’un géotextile sur une partie de la case des veaux. Ce cadre sera relevé au-delà de 3 semaines et pour le curage (voir photos ci-dessous).
    • positionner dans la case à veaux une niche collective déplaçable (3 à 4 places).
 

Si l’effectif du troupeau le justifie, on peut dédier tout ou partie d’un bâtiment à la préparation des vêlages, aux naissances et au démarrage des veaux (bâtiment de naissage) et l’équiper en conséquence. L’éleveur dispose ainsi d’un outil parfaitement adapté et fonctionnel pour ces trois périodes clés et dimensionné pour l’effectif concerné sur cette période. Les animaux y séjournent environ 2 mois (1 mois avant, 1 mois après vêlage). En dehors de cette période, ils peuvent être logés dans des bâtiments plus simples, voire à l’extérieur.

CROISSANCE DES VEAUX

Offrir aux veaux une zone de repos spécifique et leur permettre d’accéder facilement à la tétée, à l’eau et à l’alimentation solide.

Surveiller et intervenir facilement.
Entretenir et curer la litière.

 
  • Equiper chaque lot de vaches, d’une case à veaux, distincte de celle des vaches, avec :
    • portillon sélectif pour l’accès à la tétée (accès contrôlé ou non),
    • abreuvoir spécifique,
    • pierre de sel à disposition,
    • auge et/ou râtelier accessible dès les 15 premiers jours, éclairement naturel permettant si possible aux veaux de « profiter du soleil »,
    • accès faciles pour l’éleveur et le matériel.

  --> voir croquis 2 ci-dessous.
Surfaces recommandées selon l’âge des veaux :

 

< 1 mois1 m² / veau
De 1 à 3,5 mois1,5 m² / veau
> 3,5 mois2 à 2,5 m² / veau

 

  • Disposer dans la case à veaux ou à proximité immédiate d’installations permettant de contenir les animaux et d’intervenir en sécurité.
 
INTERVENTION SUR UN ANIMAL A ISOLER, DANS LE BÂTIMENT OU À PROXIMITÉ SUR LE SITE
Disposer d’une infirmerie permettant de respecter une barrière sanitaire vis-à-vis du reste du troupeau, pour :
  • réaliser un vêlage difficile, une césarienne,
  • mettre en observation et/ou soigner un animal,
  • isoler un animal contagieux.
 
 
  • Sur place :
    • sol stable, facile à nettoyer, confortable (béton + paille, ou béton + tapis caoutchouc),
    • parements faciles à nettoyer,
    • une place de cornadis, avec un système de maintien latéral,
    • libre-service à foin + abreuvoir,
    • accès faciles pour les intervenants,
    • éclairage adapté / intervention de nuit.

 

  • A proximité immédiate :
    • eau chaude + prise électrique,
    • matériel d’intervention et la pharmacie.

 

  • Des équipements complémentaires :
    • Palan,
    • lampe chauffante, niche à veau,
    • salle obstétricale (césariennes, vêlages difficiles).
 
NETTOYAGE – DESINFECTION et GESTES d’HYGIENE
Choisir des matériaux faciles à entretenir et nettoyer.Surfaces non poreuses / nettoyage des déjections et souillures :
  • éviter le bois brut de sciage --> bois raboté, ou ajout parement lisse, ou autre matériau,
 
  • murs en contact des animaux et déjections, lisses ou enduits.
 
Nettoyer (curer litières et aires exercice, tremper, décaper), désinfecter si nécessaire, respecter un vide sanitaire.A faire dans tout le bâtiment en fin d’hivernage… mais aussi parfois en cours d’hiver sur certaines parties du bâtiment (cases à veaux, isolement).

Appliquer les règles d’hygiène et de sécurité sanitaire.
 
  • Éviter l’entrée de pathogènes dans le bâtiment :
    • par les Hommes : « protéger » le point d’entrée des intervenants dans le bâtiment.
      • pas d’entrée directe dans la stabulation = entrée par local technique ou local sanitaire.
      • lave botte + brosse et pédiluve au point d’entrée.
    • par les Animaux :
      • zone de quarantaine : animaux introduits dans le troupeau.
      • dans un bâtiment, éviter le mélange d’espèces animales et de catégories d’âges différentes.
  • Pouvoir assurer la propreté des mains :
    • lavabo, savon et essuie main à proximité à utiliser par les intervenants et l’éleveur, avant ET après les interventions.
  • Accéder facilement aux matériels et équipements :
    • pharmacie d’élevage à proximité.
  • Pouvoir nettoyer facilement le matériel d’élevage :
    • zones de lavage avec point d’eau et écoulement.
  • Gérer les déchets d’élevage et de soin, lutter contre les nuisibles.
 

Croquis 1 : configuration et équipements d’une case de vêlage / adoption (dans le cas d’une case d’isolement entre les lots de vaches)

 

Croquis 2 : configuration et équipements d’une case à veaux (dans le cas de veaux à l’arrière des lots)
 

En complément des cases de vêlage / adoption, une niche individuelle positionnée à proximité immédiate permet de tenir un veau au chaud.

Ne pas oublier les « règles de base » de conception et d’utilisation des bâtiments

Qu’il s’agisse d’optimiser la santé et le bien-être des animaux, mais plus largement de répondre aux autres enjeux d’une exploitation d’élevage (travail, environnement, coûts et charges induites), un bâtiment d’élevage doit AVANT TOUT être adapté aux contraintes de site, et conçu pour répondre aux choix de conduite d’élevage (gestion reproduction, déroulement vêlages, régime alimentaire, mode gestion déjections, …).


Il est utile de rappeler quelques grands principes :

  • éviter les mélanges de catégories d’animaux,
  • offrir des surfaces suffisantes aux animaux (selon leur âge, leur niveau de production),
  • entretenir correctement les litières,
  • ventiler en tenant compte des périodes d’utilisation et des besoins spécifiques des plus jeunes veaux, mais sans compromettre l’ambiance générale du bâtiment.

UNE PUBLICATION FAIT LE POINT COMPLET SUR LE SUJET

Dans le cadre du plan « Ecoantiobio 2017 » mis en place par le Ministère de l’Agriculture, l’Institut de l’Elevage a mobilisé et piloté un groupe de travail composé d’interlocuteurs de la santé animale (SNGTV, GDS, Ecole vétérinaire de Nantes) et de conseillers en bâtiments.
Ces réflexions ont abouti à la publication d’un document de 84 pages. Il fait le point sur les conditions de logement des veaux allaitants et de leurs mères pour des bâtiments permettant de mettre en œuvre des conduites d’élevage adaptées. Ce document comporte de nombreuses illustrations et détails d’aménagements. Il a pour but de sensibiliser les éleveurs et de favoriser les échanges entre les éleveurs, les acteurs de la santé en élevage, les conseillers en bâtiment.

Télécharger gratuitement      Acheter la brochure chez ACTA éditions