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Des indicateurs génomiques de résistance à la paratuberculose en race Normande

Publié le par Marie-Pierre Sanchez (INRAE), Sébastien Fritz (Eliance), Didier Boichard (INRAE)
Bien-être Santé Bovin lait
La paratuberculose représente un enjeu sanitaire et financier majeur pour la filière bovine. L'UMT eBIS a développé des indicateurs génomiques de résistance à cette maladie, désormais disponibles pour la race Normande, permettant l'identification des animaux résistants et l'amélioration de la gestion des troupeaux exposés.

La paratuberculose : une maladie complexe et insidieuse

La paratuberculose, causée par Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis (MAP), est une maladie mycobactérienne qui touche principalement les ruminants domestiques à travers le monde. En Europe, le secteur bovin est particulièrement vulnérable, avec près de la moitié des troupeaux infectés et une prévalence intra-troupeau atteignant 20 %. Les animaux peuvent être contaminés in utero ou plus fréquemment, durant leurs premiers mois de vie, par l'ingestion de matières fécales infectées par la MAP. Après l’infection, une longue phase de latence, pouvant durer plusieurs années, précède l’apparition des symptômes.

Les signes subcliniques de la paratuberculose incluent une perte de poids, une baisse de la production laitière, ainsi qu'une réponse immunitaire humorale irrégulière et une excrétion fécale continue. Ces symptômes sont difficiles à détecter et les animaux infectés peuvent propager la maladie durant des années. Au fil du temps, la maladie évolue vers une entérite granulomateuse chronique et, dans sa forme clinique, se manifeste par une diarrhée chronique et une émaciation sévère, entrainant finalement la mort de l'animal. Aucun traitement efficace n'existe actuellement et la vaccination est limitée en raison du risque d'interférence avec les diagnostics de la tuberculose bovine. Les méthodes de diagnostic courantes, telles que la culture fécale, le test ELISA sur sérum ou lait, et la PCR fécale, présentent des sensibilités et spécificités variables selon le stade de l'infection, rendant ainsi le contrôle de la paratuberculose extrêmement complexe, avec des impacts négatifs sur le bien-être animal et l’économie.

Le projet PARADIGM et l’implémentation d’indicateurs génomiques en race Holstein

INRAE et Eliance, en collaboration avec les réseaux sanitaires (GDS France) et APIS-GENE, mènent depuis longtemps des recherches visant à améliorer la résistance génétique à la paratuberculose chez les bovins. Dans le cadre du projet PARADIGM, conduit en races Holstein et Normande, il a été démontré qu’il existe un déterminisme génétique de la résistance à cette maladie, basé sur des phénotypes fiables obtenus par des tests sérologiques et PCR répétés. L’héritabilité de ce caractère a été estimée à environ 15%, ce qui est comparable à celle des cellules somatiques du lait, un caractère sélectionné avec efficacité depuis plus de 20 ans pour améliorer la résistance aux mammites. L’étude a également mis en évidence des régions du génome, des gènes, et des variants candidats influençant la résistance à la paratuberculose (Sanchez et al., 2020).

En race Holstein, les données issues de ce projet, combinées à de nouvelles sérologies recueillies par les GDS du Grand Ouest, ont permis de constituer une population de référence suffisamment grande pour réaliser une évaluation génomique pilote relativement précise de la résistance à la paratuberculose (CD = 0.55 dans une population de validation ; Sanchez et al., 2022). Cette évaluation génomique, réalisée via l’approche dite Single Step, a permis depuis 2022 de calculer en routine des index génomiques de la résistance à la paratuberculose, traduits en indicateurs génomiques (très sensible, sensible, standard, ou résistant) permettant ainsi d’écarter les animaux les plus sensibles et d’utiliser des taureaux apporteurs de résistance dans les élevages exposés à la maladie. Cet outil génomique vient donc compléter les plans sanitaires élaborés par les GDS pour améliorer le contrôle de la maladie en race Holstein.

Implémentation des indicateurs génomiques en race Normande

En race Normande, des efforts supplémentaires en matière de recueil des sérologies (GDS Grand Ouest et GDS France) et de génotypage (APIS-GENE) ont permis de constituer une population de référence comprenant 34 400 vaches, dont 5 759 génotypées, disposant de phénotypes relativement fiables (Figure 1). Cette population a permis de produire des index génomiques presque aussi précis que ceux obtenus en race Holstein (CD = 0.50 dans une population de validation).

Figure 1 – Constitution de la population de référence et calcul des index génomiques en race Normande

L’évolution génétique de la résistance à la paratuberculose a également été estimée en calculant les index génomiques moyens par année de naissance des taureaux et des vaches. Les résultats montrent une absence de dégradation de la résistance génétique à la paratuberculose, avec même une légère amélioration (Figure 2), probablement en lien avec la faible corrélation positive observée entre les index de résistance à la paratuberculose et de production laitière. Des résultats similaires avaient été obtenus en race Holstein (Sanchez et al., 2022).

Figure 2 – Evolution génétique des index de résistance à la paratuberculose en race Normande

De plus, ces index génomiques ont été utilisés pour évaluer un facteur de risque au sein d’une population de validation. Comme illustré en Figure 3, une vache Normande exposée à la maladie qui a un index de 1 (résistante) a deux fois moins de risque de développer la maladie qu’une vache avec un index de 0 (standard). De même, une vache présentant un index de -1.5 (très sensible) a presque deux fois plus de risque d’être atteinte de paratuberculose qu’une vache avec un index de 0 (standard).

 

Figure 3 – Facteur de risque associé aux index génomiques dans une population de validation en race Normande

Depuis le 5 avril 2024, soit deux ans après la race Holstein, les éleveurs de race Normande peuvent bénéficier des nouveaux indicateurs génétiques de résistance à la paratuberculose. Cette innovation renforce la lutte contre cette maladie insidieuse et répandue chez les bovins, à l’évolution fatale. La combinaison des plans de maîtrise sanitaire et des plans d’accouplements génomiques offre aux éleveurs de nouveaux moyens pour gérer de manière proactive la maladie et améliorer ainsi la santé et la productivité de leurs troupeaux. Sous réserve d’obtenir des populations de référence de taille suffisante, cette approche pourrait également être étendue à d’autres races bovines, ouvrant la voie à une gestion encore plus efficace de la paratuberculose dans l’ensemble du cheptel bovin.

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