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Des dizaines d’anomalies génétiques impactant la survie des jeunes bovins révélées par une nouvelle approche méthodologique

Publié le par Florian Besnard
Génomique Climat Bien-être Santé Bovin lait

L'élevage bovin est un secteur clé de l'agriculture française, soutenu par un réseau solide d'éleveurs, vétérinaires et chercheurs. La consanguinité croissante au sein des races bovines conduit à l'émergence d'anomalies génétiques récessives qui affectent la santé des individus porteurs de deux copies mutées d’un même gène. La diffusion large de certaines lignées de taureaux d'insémination augmente parfois la fréquence de ces anomalies. Face à ces enjeux, notre pays a été l’un des premiers à se doter d’un réseau de surveillance appelé Observatoire National des Anomalies Bovines en 2002, dont le rôle est de recueillir les signalements et les prélèvements biologiques de veaux anormaux, susciter les recherches et informer les professionnels. Toutefois cette stratégie repose sur l’observation de signes cliniques distinctifs et ne permet pas de repérer des mutations responsables de troubles immunitaires ou métaboliques dont les manifestations peuvent être confondues avec des maladies d’origine environnementale (par exemple causées par des agents pathogènes ou une alimentation inadéquate).
 

Afin d’identifier ces anomalies génétiques invisibles, les généticiens d’INRAE, en partenariat avec IDELE, ELIANCE, les quatre écoles vétérinaires françaises et les principaux organismes et entreprises de sélection français ont développé une nouvelle approche basée sur l’étude des parcours de vie de millions de bovins en mettant à profit les grands jeux de données de généalogie, phénotype, génotype et séquence de génomes générés à des fins de sélection.
L’analyse initiale a porté sur plus de 500 000 individus génotypés pour 50 000 marqueurs dans le cadre des évaluations génomiques, dont les parents ou grand-parents ont aussi été génotypés. L’approche novatrice, dite HHED (Homozygous Haplotype Enrichment/Depletion) mapping, identifie les régions du génome enrichies en homozygotes chez les génisses mortes de causes naturelles avant l’âge adulte et déficitaires chez les vaches laitières par rapport au nombre attendu selon les génotypes de leurs ancêtres. Les effets de ces régions ont été validés et précisés en analysant les performances pour de nombreux caractères d’intérêt et l’historique de vie d’une population de validation comprenant 8,8 millions de bovins. Des mutations candidates pour ces régions ont été identifiées en analysant les génomes de 1 869 animaux incluant les taureaux les plus influents de 70 races bovines. Enfin, l’ajout de ces mutations à la puce de génotypage pour les évaluations génomiques a permis de recruter des veaux porteurs homozygotes et des contrôles pour une caractérisation phénotypique fine des anomalies génétiques étudiées.

Cette approche, appliquée aux trois principales races laitières françaises (Holstein, Montbéliarde et Normande) dans une étude preuve de concept publiée dans Genome Biology, a détecté 33 nouvelles régions du génome liées à une surmortalité juvénile et/ou une réforme anticipée des bovins femelles homozygotes (portant deux copies anormales d’un même gène). Des mutations candidates ont été identifiées pour huit de ces loci, et trois ont fait l’objet d’analyses fonctionnelles détaillées. L'une des découvertes majeures est la description du syndrome BLIRD (Bovine Leucocyte Intestine Retention Defect) en race Holstein, causé par une mutation du gène synthétisant l’intégrine beta 7 (ITGB7), une protéine d'adhésion cellulaire essentielle à l'immunité intestinale. Le fait que cette anomalie génétique n’ait pas été détectée auparavant alors qu’elle existait depuis au moins 40 ans dans cette race bovine, la plus nombreuse et la plus étudiée au monde, illustre la puissance de la nouvelle approche décrite dans cet article. Depuis la communication de résultats préliminaires au congrès WCGALP en 2022, d’autres équipes de recherche européennes, américaines et australiennes ont confirmé les effets délétères du syndrome BLIRD sur la survie, la croissance et les performances laitières des femelles atteintes.

La caractérisation et la contre sélection progressive de ces anomalies devrait améliorer la santé et la durabilité des élevages bovins. En France, environ 29 000 veaux homozygotes pour au moins un locus de surmortalité juvénile naissent chaque année, générant des coûts de plusieurs millions d'euros.

 

Pour en savoir plus

Florian Besnard était étudiant en thèse, titulaire d’une bourse CIFRE d’IDELE, cofinancée par l’ANRT et APIS-GENE. Cette étude a bénéficié du soutien financier d’APIS-GENE (projets Selvig2 et Effitness), de l’Union Européenne, et de la région Occitanie (projet SeqOccIn ; FEDER-FSE MIDI-PYRENEES ET GARONNE 2014-2020)

Il a ainsi contribué à la publication de nombreux articles scientifiques :

Ses travaux ont également fait l’objet de communications en congrès :

Florian a désormais rejoint Eliance, toujours au sein de l'UMT eBIS.

Contact : florian.besnard(at)eliance.fr