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[SOMMET 2024] Accompagner les AOP et IGP laitières à l'adaptation au changement climatique

Publié le par Delphine Neumeister (Institut de l'Elevage), Florence Bedoin (Institut de l'Elevage), Sylvain Dernat (INRAE UMR Territoires), Hubert Dubien (CNAOL)
Climat Démarches de différenciation Bovin lait
Le changement climatique met directement au défi les filières sous IG en modifiant notamment la disponibilité, la qualité et la quantité des ressources alimentaires dans les terroirs. De ce fait, l'accompagnement collectif des filières d'élevage est un enjeu majeur pour mettre en place des transitions durables (Lema et al., 2021 ; Scotti et al., 2023). Cependant, cela soulève des questions complexes sur la mise en œuvre pratique dans les secteurs sous IG (Dernat et al., 2022).

Interview sortie de conférence

Le projet ADAoPT

Le projet ADAoPT cherche à mobiliser l'ensemble du collectif dans les filières fromagères françaises, y compris les transformateurs, les distributeurs et les acteurs du territoire (conseillers, utilisateurs…). Six filières sous IG pilotes ont pour objectif de concevoir et mettre en œuvre leurs propres stratégies collectives pour faire face aux transitions, notamment climatiques.

Les méthodes utilisées pour mobiliser les producteurs varient selon deux critères :

  1. spatial/organisationnel : d'une approche à grande échelle couvrant l'ensemble du territoire de l'IG (AOP Laguiole, AOP Picodon) à un petit groupe de travail local dédié (AOP Camembert de Normandie, AOP Mont d'Or),
  2. thématique/systémique : d'un focus sur les questions technico-économiques (AOP Valençay, AOP Mont d'Or, AOP Laguiole) à une compréhension globale (AOP Picodon, IGP Tomme de Savoie).

Une analyse longitudinale complète a été mise en place pour suivre les territoires pilotes de manière transversale.

A l’image de Slimi et al. (2021), nos résultats mettent en évidence la nécessité de développer de nouvelles méthodes et structures d'appui qui faciliteront la conception et l'action des collectifs sous IG. Ils soulignent également quelques premiers leviers mobilisables pour sensibiliser les collectifs et passer à l’action :

  • L’approche systémique à l’échelle territoriale, qui considère le changement climatique comme un enjeu parmi d’autres, mais une clé d’entrée utile pour élaborer une stratégie globale de filière. Ainsi, la mobilisation du jeu sérieux La Grange (Dernat et al., 2023) a permis à deux territoires pilotes (AOP Picodon, IGP Tomme de Savoie) de raccrocher la réflexion aux autres grands enjeux des IG.
  • La sollicitation et l’implication des structures commerciales et techniques des IG (coopératives, GIEE, transformateurs etc.) facilitent la mise en œuvre de leviers d'expérimentation pour l'adaptation, la sensibilisation et la formation, grâce au déploiement de moyens financiers et humains (AOP Laguiole, AOP Camembert de Normandie).

Plus globalement, le projet ADAoPT démontre la difficulté de mobiliser les collectifs, malgré la diversité des méthodes participatives utilisées. Cela rejoint d’autres travaux réalisés sur d’autres filières (Berthet & Hickey, 2018). Nos résultats vont toutefois plus loin et montrent qu’en IG plusieurs paramètres limitent spécifiquement l’accompagnement à la transition et la mise en action :

  • La vaste étendue géographique de certaines IG et, par conséquent, l'hétérogénéité inhérente des systèmes de production et des conditions climatiques. Il en résulte une répartition inégale des ressources et une difficulté à prendre des décisions pour mettre en œuvre des stratégies d'adaptation climatique à l'échelle du secteur.
  • Le manque de gouvernance claire avec une organisation traditionnelle descendante, qui délègue généralement l'étude d'un sujet à un groupe de travail non représentatif et limité.
  • La plupart des leviers d'adaptation sont imaginés au niveau du maillon production, qui n'est pas en mesure de porter le débat sur des sujets qui englobent l'ensemble de la filière en raison d'obstacles politiques, économiques et sociologiques. De ce fait, les acteurs de l'aval ont parfois tendance à ignorer ou à sous-estimer l'enjeu de la transition et de l'adaptation de l'ensemble de la chaîne alimentaire.
  • La dépendance vis-à-vis des transformateurs et/ou des distributeurs, qui peuvent restreindre les choix de la filière, et des agriculteurs en particulier.
  • Le chevauchement et parfois le manque de coordination entre les différents acteurs de l'accompagnement sur les territoires, générant une sur-sollicitation des filières sur des sujets similaires mais poursuivant des objectifs différents.