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Des coproduits pour faire face à un déficit fourrager

Publié le par Benoit Rouillé (Institut de l'Elevage)
Dans de nombreuses régions françaises, les conditions climatiques de l'année ont entrainé des déficits de pluie qui ont pénalisé les récoltes aussi bien d'herbe que de maïs. Les stocks fourragers sont donc mis à mal. Une des pistes pour combler rapidement un déficit fourrager est celle des coproduits. Ces derniers, utilisables dans l'alimentation des animaux d'élevage, ont plusieurs origines : les coproduits de l'industrie agro-alimentaire (pulpes de betteraves, lactosérum, drêches de brasserie, etc.), les coproduits disponibles directement sur l'exploitation (paille de céréales, canne de maïs, paille de pois, etc.) et les coproduits de retrait des filières fruits et légumes (pommes, carottes, pommes de terre, etc.). Ils représentaient un volume de plus de 12 millions de tonnes de matière sèche toutes filières confondues en 2015 (RESEDA, 2017).

1. Choisir un coproduit parmi la large gamme disponible

Avant d’incorporer un coproduit dans l’alimentation des animaux, l’éleveur doit définir la place qu’il souhaite lui donner dans son plan de rationnement : une solution de dépannage ponctuelle (sécheresse, stocks insuffisants), une réaction face à une très bonne opportunité (prix attractif), ou une utilisation régulière. Dans le cas d’une sécheresse comme cette année, il faut, plus que d'habitude, veiller à l’utiliser le mieux possible dans son plan d’alimentation.

Différents types de coproduits existent en France et sont utilisables par les animaux d’élevage. En voici quelques exemples :

  • les coproduits ligno-cellulosiques (paille de céréales, canne de maïs) ont des valeurs énergétique et azotée faibles. Ils sont peu digestibles et nécessitent un apport de complément énergétique pour maintenir l’équilibre de la ration. Les récoltes de paille sont souvent déterminantes sur le prix et la disponibilité de ce type de fourrage.
  • les coproduits de l’industrie laitière (lactosérum) sont utilisés pour leurs qualités énergétiques et sont disponibles tout au long de l’année en lien avec la transformation laitière. Ils remplacent aisément un aliment énergétique de la ration mais doivent être rationnés.
  • les coproduits de la brasserie (drêches), disponibles toute au long de l’année mais surtout dans les zones productrices de bière, sont riches en énergie et en azote. Ils sont à utiliser dans l’alimentation d’animaux ayant de forts besoins, malgré la faible solubilité de l’azote.
  • les coproduits des fruits et légumes (carotte, pomme, agrume, maïs doux) ont des teneurs très variables en énergie et azote en fonction du coproduit considéré. Attention aux effets laxatifs et acidogènes. Leur disponibilité est très variable en fonction de la récolte concernée et elle est habituellement faible à cette période. Elle l’est encore plus dans les conditions actuelles.
  • les coproduits de la pomme de terre (pulpe, purée, pelure) présentent une faible teneur en azote mais une richesse en amidon. Un apport de fibres est conseillé en complément. Certains d’entre eux sont disponibles pour la période estivale.
  • les coproduits du raisin (marc, pulpe) sont pauvres en énergie et en azote et peu disponibles en ce moment. Ils sont à réserver aux animaux ayant de faibles besoins. Un apport d’azote soluble est conseillé en complément de ces coproduits.
  • les coproduits des agrocarburants (tourteaux, drêches) sont riches en énergie et également en azote. Ce sont des concentrés dont les effets sur les performances des animaux sont maintenant bien documentés et faciles à utiliser en alimentation animale. Il faut néanmoins veiller à ne pas dépasser 5% de matière grasse dans la ration avec les tourteaux gras. Ils sont facilement disponibles tout au long de l’année mais restent principalement utilisés par les fabricants d’aliments du bétail et ne représentent donc pas une solution prioritaire pour faire face à la sécheresse.

2. Vérifier la disponibilité des principaux coproduits

Les volumes disponibles des différents coproduits peuvent varier en fonction de la répartition de la production de la matière première sur l’année. Le tableau 1 présente les volumes et la saisonnalité de la disponibilité de quelques coproduits utiles en alimentation animale.

Tableau 1 : disponibilité et prix de coproduits majeurs en France

Coproduits Volume (tonnes de MS) Période de disponibilité
Tourteau de colza 2,7 millions Toute l'année
Lactosérum 51 000 Toute l'année
Drêches de brasserie 35 000 Toute l'année
Coproduits de pomme de terre 35 000 Toute l'année
Fruits et légumes 420 000 (variable) Automne, hiver et printemps
Coproduits de conserverie 43 000 Eté et automne
Pulpe de betterave surpressée 475 000 Eté
Drêches de blé 420 000 Toute l'année
Corn Gluten Feed 390 000 Toute l'année

(sources : Réséda 2017)

Malgré des variations saisonnières, certains coproduits sont disponibles tout au long de l’année car la matière première utilisée l’est également (graines de colza pour les tourteaux ou lait pour le lactosérum). Ces coproduits, du fait de leur régularité, ont très souvent un marché bien établi. Les volumes disponibles sont donc limités. Dans les prochaines semaines, il sera donc possible d’utiliser des coproduits de pomme de terre, des drêches de brasserie ou d’éthanol, des mélasses ou encore du lactosérum.

En revanche, d’autres productions sont plus saisonnées comme les pulpes de betteraves fraîches ou surpressées. Là encore, le marché de ces coproduits ne permet pas (ou peu) de dégager des coproduits d’opportunité. Les volumes sont en règle générale utilisés dans les régions productrices de betteraves, sauf pour la pulpe de betteraves déshydratée. Les coproduits de conserverie peuvent être distribués aux animaux dans les semaines à venir. Il en sera de même pour ceux issus de la filière maïs.

D’autres enfin sont plus occasionnels comme les fruits et légumes. Ils sont constitués d’écarts de tri ou de retraits du marché pour cause de surabondance. Ces coproduits peuvent représenter une alternative intéressante mais très ponctuelle en termes de volume et au niveau géographique, et ces volumes sont difficiles à prévoir sur l’année.

Les différents types de coproduits doivent donc permettre de constituer des stocks pour faire face à un déficit marqué en période de sécheresse. Il faudra donc privilégier des coproduits habituellement moins utilisés comme la paille de poisIls donnent en effet de la marge en terme de volume, alors que les coproduits plus classiques sont déjà fidélisés auprès d’utilisateurs réguliers (éleveurs et courtiers).

La compétition d'usage, notamment avec la méthanisation, peut tendre la disponibilité et le prix de ces coproduits.

Pour aller plus loin, des études régionales permettent d'apporter des informations sur des territoires restreints :

3. Calculer l’intérêt économique avant utilisation

Pour évaluer au mieux l'intérêt économique des coproduits dans un contexte précis, l'Institut de l'Elevage a construit un outil d'optimisation économique novateur et performant : Optim'Al. A partir de la ration distribuée aux animaux dans un élevage, Optim’Al permet de choisir les aliments les plus économiques pour satisfaire les besoins nutritionnels du troupeau, tout en respectant les recommandations nutritionnelles de l’Inra. Deux modules sont aujourd’hui disponibles : vaches laitières et bovins viande. Dans le cas d'un déficit fourrager, notamment lié à une sécheresse, le raisonnement économique peut donc être traité de façon fiable et rapide avec cet outil, pour tous les types d'aliments, y compris les coproduits.

NB : cet outil a été développé en partenariat par l’AFZ et Idele. Une première version a été produite en 2014 et sa mise à jour intégrant les nouveautés INRA18 a été prise en charge par le programme Cap Protéines.

Une formation est disponible au catalogue Idele : session OPTIM

Pour plus d'informations sur l'outil, cliquez sur Optim'Al

4. Procéder à des analyses chimiques pour bien connaître les caractéristiques du coproduit

Il est également nécessaire de réaliser une (ou plusieurs) analyse(s) du (ou des) coproduit(s) que l’éleveur choisit d’utiliser. De l’information est déjà disponible auprès des industriels et vendeurs. L’ANIA met d’ailleurs à disposition des industries agro-alimentaires un outil d’aide à la valorisation des coproduits en alimentation animale (identification du coproduit, du process de fabrication, analyse de risque et conseils de stockage). Cela doit permettre d’améliorer la connaissance du coproduit afin d’optimiser son utilisation dans le rationnement. Les conditions seront ainsi réunies pour une bonne utilisation.

Le Comité National des Coproduits a également publié un guide pour la prévision de la valeur nutritive des coproduits pour les ruminants.

5. Anticiper les besoins en stockage des coproduits

Enfin, les conditions de stockage à la ferme doivent être pensées de façon à bien conserver les coproduits achetés. Si aucun problème n’est répertorié pour les coproduits secs (>85% MS), il faut en revanche être particulièrement vigilant avec les coproduits humides (<30% MS). Outre les difficultés de transport, la relative fragilité du coproduit oblige à une distribution très rapide aux animaux (dans les 48 heures en général) ou à un stockage sous forme d’ensilage. Ils sont d’ailleurs très souvent utilisés dans des zones proches des usines de production.

Les chiffres concernant le coût de production ou le prix de revient contenus dans cette publication ne peuvent pas être considérés comme des indicateurs de référence pour la contractualisation calculés par IDELE dans le cadre prévu par la loi EGALIM 2. Pour en savoir plus consultez nos pages Indicateurs de référence pour la contractualisation.