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JPO Pradel 2020 - Atelier 1 CAP sur la transformation fromagère fermière

Publié le par Philippe Thorey (Institut de l'Elevage / Le Pradel)
La transformation lactique enchaîne une étape d’acidification/caillage et une étape d’affinage. L’atelier « Cap sur la transformation fromagère » revient sur les points primordiaux de maîtrise de la transformation lactique qui ont été étudiées au fil des ans dans les expérimentations menées au Pradel.

La microflore du lait

Le lait est une matière vivante et, de la sortie de la mamelle à sa mise en transformation, son niveau de flore va être modifié en quantité et/ou en qualité et il est directement impacté par : les trayons des animaux, l’environnement, le trayeur et le matériel de traite et de stockage.

Cette microflore du lait est essentielle à la transformation fromagère (acidification) et la qualité du fromage (impact organoleptique). Avoir peu de microflores peut être un facteur de risque par rapport à la pérennité du lactosérum. Une des dernières expérimentations au Pradel a permis de montrer qu’il est indispensable d’obtenir un lait avec une diversité de flore pour avoir plus de chance de réaliser des fromages satisfaisants, au-delà de leur niveau quantitatif. En transformation fermière, le plus souvent au lait cru, le producteur s’adapte tous les jours au lait de son exploitation. Comme la charge microbienne du lait cru évolue constamment, le fromager fermier doit savoir ajuster ses paramètres technologiques tous les jours.

  

Résultats d'expérimentation

L’hypothèse d’une expérience menée au Pradel en 2019, était basée sur le niveau de flore des laits mise en transformation. Dans les exploitations agricoles fermières, on assiste à un appauvrissement de la flore des laits crus, du aux pratiques d’hygiène de plus en plus rigoureuses, qui pourrait entrainer des défauts d’acidification et de non pérennité du lactosérum. Ce défaut d’acidification oblige le fromager à utiliser un autre moyen d’acidification temporaire.

Dans cette expérimentation, l’appauvrissement du lait a été généré par une pasteurisation. Le lait pasteurisé est ensemencé avec un lactosérum (16 lactosérums mis en œuvre dont 12 issus d’exploitations autre que celle de la Ferme du Pradel) et ensuite repiqué quotidiennement sur du lait pasteurisé pendant une durée de 10 jours. En parallèle la même manipulation (lactosérum, dose, température) est effectuée sur du lait cru.

L’appauvrissement volontaire du lait n’a pas entrainé de défaut d’acidification ni de transformation sur une durée limitée, dans le contexte de la fromagerie du Pradel, où l’ensemencement par le matériel de fabrication, l’air … a sans doute joué un rôle important. De précédentes études ont cependant montré que l’appauvrissement du lait est un facteur de risque de non pérennité du lactosérum.

 

 

Figure 1 : facteurs influençant le déroulement de la phase d'acidification en technologie lactique

 

 

L’ensemencement par des ferments du commerce

Pour l’étape de caillage, on doit apporter au lait soit du lactosérum, soit du ferment direct commercial, soit un ferment souche mère ou grand levain, voire une lactofermentation fermière pour permettre au quotidien une bonne acidification lactique. L’utilisation de bactéries très acidifiantes démarrant trop rapidement limite la latitude au moulage et fragilise le lactosérum, et on risque une perte de diversité.

Une des expérimentations récentes au Pradel a permis de repréciser les conditions d’utilisation des ferments du commerce. Pour bien utiliser des ferments du commerce, il est important de connaître quelques notions de base : bien suivre les consignes du fournisseur, notamment si le ferment peut être repiqué ou pas pour revenir à l’utilisation du lactosérum, adapter les conditions de température et la dose, bien préparer les ferments, surtout si un levain est nécessaire. Il est bon de conduire des essais à petite échelle (10-20 litres de lait par exemple) quand on change de façon d’ensemencer, car le comportement des bactéries n’est pas identique sur chaque lait cru.

Avec les préparations commerciales, l’empirisme n’est pas un bon allié ! Il est notamment important de bien conduire l’étape à la bonne température (plutôt élevée = 22°C minimum en technologie lactique) et conserver cette température tout au long de la coagulation. Les ensemencements indigènes nécessitent en général des températures moins élevées (18°C possible).

Les ensemencements sont à étudier au cas par cas, attention aux mauvaises utilisations. De plus, lorsque l’on utilise des ferments commerciaux, il faut établir des roulements de souches ou de types, pour éviter le développement des bactériophages.

  

Les paramètres technologiques

Les paramètres technologiques qui vont avoir un rôle dans le déroulement de l’acidification sont les suivants :

  • température emprésurage et de caillage,
  • dose et mode d’ensemencement en bactéries lactiques et de surface,
  • type de ferments lactiques,
  • préparation du lait.

 

En transformation de fromages à pâte lactique, on recense deux pratiques principales pour préparer le lait à l’emprésurage:

  • La prématuration (dite aussi maturation « longue et froide ») consiste à reporter le lait de la traite du soir (dans la plupart des cas) durant toute la nuit à des températures comprises à 12°C plus ou moins 1°C, et ensemencer en flore acidifiante pour démarrer l’acidification ;
  • La maturation : courte et chaude, quelques heures à température minimum d’emprésurage = on attend un gain d’acidité avant emprésurage.

Dans les 2 cas, il sera nécessaire de mesurer le gain d'acidité après la préparation pour réajuster et réagir au plus vite afin d'obtenir au terme du caillage, un profil souhaité et un caillé prêt à mouler.

 

Figure 2 : objectifs d'évolution de l'acidité Dornic au cours du caillage

 

La figure 2 montre les cinétiques d’acidification à respecter pour une bonne coagulation lactique. Le profil lent donne en général des pâtes plus fines, alors que le profil rapide permet une meilleure protection par rapport aux pathogènes. Il est souhaitable de se situer entre ces deux types de profil.

Suivant la qualité du lait cru (sa charge microbienne – son aptitude à l’acidification seul), il faudra adapter la préparation du lait pour orienter la courbe d’acidification.

Si cette acidification est réussie, on a toutes nos chances pour que l’affinage soit bien préparé.

Pour la maîtrise du schéma technologique, il est primordial de surveiller les fabrications régulièrement : le thermomètre, l’acidimètre sont nos repères au minimum.

 

L’affinage et les flores de surface

Chaque flore de surface a besoin de conditions spécifiques de développement : température, humidité relative et oxygénation. Bon nombre, et notamment le Geotrichum, ont besoin de température et hygrométrie élevée pour s’implanter. Leur moment d’apparition est différent suivant les flores et dépend du fromage en présence. Certaines flores vont être souhaitées pour des fromagers et cette même flore sera néfaste pour d’autres fromages. Il faut bien les connaître pour pouvoir obtenir le fromage souhaité et savoir les orienter : voir fiches reconnaissance des flores.

En 1er lieu, il faudra s’assurer que la flore voulue soit dans le lait ou dans l’ensemencement et ensuite appliquer les bonnes pratiques pour les développer. Si une flore négative apparait sur les fromages, n’attendez pas pour agir. Les moisissures sont volatiles et donc très vite dispersées.

 

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Intervenants : Vivien Bénézech (ferme du Pradel), Sylvie Morge (Chambre d'agriculture de l'Ardèche) et Sabrina Raynaud (IDELE)

 

Crédit Photo : E.Boullu/FNEC

 

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