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JPO Pradel 2020 - Atelier 4 Fonctionnement de la nouvelle salle de traite du Pradel

Se poser les bonnes questions, pour faire les bons choix !

Publié le par Jean-Louis Poulet (Institut de l'Elevage), Alice Hubert, Alice Pradier (Ferme Expérimentale du Pradel)
A travers les travaux réalisés autour de la mise en fonctionnement de la nouvelle salle de traite de la ferme du Pradel, l'atelier "traite" de la JPO 2020 a fait état d'une part des questions à se poser lorsqu'un éleveur souhaite changer ou faire évoluer son installation de traite et, d'autre part, a mis en évidence les conséquences d'un changement de machine à traire sur la qualité microbiologique du lait.

Faire évoluer ou changer son installation de traite

3 grandes questions fondamentales pour des choix assumés :

 

  • Quels sont mes objectifs à la traite ?
  • Quels configurations et matériels de traite choisir pour atteindre mes objectifs ?
  • Comment rendre la traite sûre et agréable, pour moi et mes chèvres ?

 

Objectifs à la traite : ne pas penser que « cadence de traite » !

Souvent une des premières questions posées par l’acheteur potentiel d’une installation de traite est « Combien de chèvres à l’heure ? ». La cadence de traite atteignable, théoriquement d’ailleurs par de simples calculs, est effectivement un indicateur mais très relatif, les cadences variant pour un même type d’installation en fonction des jours et des trayeurs, et n'est en aucun cas suffisant pour faire le bon choix.

 

La première question à se poser doit porter sur l’existant : mon installation actuelle, si elle existe, peut-elle évoluer, et si cela parait valable, jusqu’à quel niveau ? Ce n’est qu’une fois ce constat fait, en notant points faibles mais aussi points forts de l’existant, qu’il devient possible de s’orienter objectivement vers une évolution de l’existant ou vers la mise en place d’une nouvelle installation.

 

Il faut mettre au centre de la réflexion les effectifs en présence, côté chèvres et côté trayeurs. On ne peut bien dimensionner sans avoir en tête le nombre de chèvres et/ou de lots à traire, en formalisant correctement les effectifs minimum et maximum. De même, il faut être au clair sur la répartition des tâches des intervenants à la traite, pour avoir le nombre de trayeurs potentiels, présents simultanément dans la fosse de traite ou alternant en fonction des moments.
Fort de ces premiers éléments chiffrés, on peut ensuite se fixer assez rapidement sur la durée maximale de traite que l’on peut espérer et/ou tolérer. Elle impactera fortement de fait le dimensionnement et le niveau d’équipement.

 

Enfin, il faut fixer ses pratiques de traite et d’hygiène, imaginer un déroulé de traite, mais aussi des alternatives potentielles, en cas d’évolutions voulues ou subies. Ces investissements faits dans la rigueur et l’adaptation des pratiques pèsent certes parfois sur des cadences revues à la baisse, mais garantissent normalement une traite de qualité, c’est-à-dire complète, rapide et asymptomatique. Moins de tracas donc, qui à gérer peuvent être chronophages et souvent impactent sur la charge mentale des éleveurs. Il faut passer le temps qu’il faut, pour bien faire les choses, plutôt que simplifier en amont pour avoir à gérer des problèmes en aval !

 

Configurations de traite : fonction des objectifs fixés !

Quand les objectifs sont clairs, il devient beaucoup plus simple de penser dimensionnement et configuration de traite.

Les nombres de postes et places de traite se décident en fonction des éléments évoqués précédemment (effectifs animaux à traire, capacités de travail, déroulé de traite imaginé), mais bien sûr aussi en fonction des capacités financières de l’exploitation. Cette dernière considération pèse d’ailleurs lourdement dans les choix du niveau d’équipement, simple ou double (6 postes par quai, 12 postes donc, ou 6 postes passant d’un quai à l’autre par exemple), du nombre de chèvres par poste à chaque lot de circulation (1 poste par chèvre ou 1 poste pour 2, 3 voire parfois 4 chèvres, ce qui n’est pas non plus toujours sans conséquences sur le positionnement des faisceaux trayeurs sous les mamelles).

 

Par conséquence, l’installation pourra être conçue autour de lactoducs en ligne basse (sous les quais) ou en lignes intermédiaire (au-dessus des quais et à moins de 1,25 m) ou haute (entre 1,25 m et 2 m maximum d’élévation du lait), ces dernières options permettant le simple équipement, mais complexifiant en général la possibilité de traites de qualité. Enfin, les ramifications de lactoducs multiples, pourront être bouclées ou non, pour augmenter les capacités en traite, malheureusement en engendrant des particularités pour le nettoyage (obligation de vanne(s) de circulation des solutions de lavage).

 

A ce stade, et pour cette partie, reste à définir le niveau d’assistance et/ou d’automatisation de traite souhaitée, qui fait évoluer les traites de « manuelles » et simples à « assistées », par des automatismes, capteurs et compteurs. Ces options doivent être adaptées à l’installation support et aux possibilités du (ou des) trayeur(s) à les utiliser et les entretenir correctement. Il faut alors absolument intégrer coûts d’investissement et de fonctionnement (consommables, entretien…). Le trayeur reste de toute façon décisionnaire et responsable du bon déroulement de la traite, toute automatisée que soit l’installation !

 

Traite sûre et agréable : éleveur et animaux y gagnent !

La traite n’est durable que si elle est un moment sans risques et agréable, tant pour le (ou les) trayeur(s) que pour les chèvres. C’est le principe du « OneWelfare » : si la traite se passe bien, Hommes et animaux y gagnent et interagissent positivement.

 

Il faut limiter les risques, de glissades, de chocs électriques, de se cogner. Les revêtements et équipements doivent être adaptés à une utilisation en milieu contraignant (humidité et poussière). Il faut favoriser les espaces lumineux et bien ventilées, permettant des atmosphères sèches et tempérées, une bonne visibilité et un confort visuel.

 

Enfin, il faut adapter le poste de traite, au(x) trayeur(s) et aux animaux. La hauteur de(s) quai(s) et des éléments de contention des animaux doivent permettre d’avoir des zones de travail accessibles et adaptées. Ne pas négliger également l’accessibilité (visuelle à minima ou pour intervention au mieux) aux organes essentiels (régulateur de vide, pompe à vide, manomètre…), aux commandes des matériels et au petit matériel de traite !

 

Rester objectif et raisonnable ! S’informer et se faire accompagner par des conseillers spécialisés si besoin !

 

 

Et la qualité microbiologique du lait dans tout cela ?

Un remplacement ou une rénovation de machine à traire sera l’occasion pour le biofilm en place d’évoluer, voire de se renouveler. En effet, la machine à traire voyant passer du lait tous les jours dans ses circuits et étant relativement humide le reste du temps, il n’en existe pas sans biofilm. Le biofilm est défini comme étant une véritable communauté de micro-organismes, généralement enfouis dans une matrice protectrice, produite par les micro-organismes et s’installant de manière privilégiée là où il y a des résidus organiques et minéraux. Ce biofilm, invisible à l’œil nu, est accroché aux différentes surfaces (inox, caoutchouc…) de la machine à traire. Il se décroche partiellement à chaque passage de lait. On parle alors d’ensemencement ou de contamination du lait, selon la nature des micro-organismes présents et le devenir du lait.

 

En contexte de transformation à la ferme du lait cru, cet apport de micro-organismes au lait par le biais de la machine à traire revêt son importance. Le projet CMaFLAuRA, co-financé par l’appel à projet Pepit de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et par l’ANICAP, a pour objectif d’étudier, sur la période 2019-2021, l’évolution du biofilm de l’installation de traite de la ferme expérimentale caprine du Pradel, depuis sa mise en route et selon différentes modalités de nettoyage. Il s’agit, en plus de l’analyse des microflores présentes, d’étudier le pouvoir acidifiant du lait et sa fromageabilité grâce à l’atelier de transformation en Picodon AOP de la ferme.

 

Les prélèvements de biofilm réalisés sur l’ancienne et les nouvelles machines à traire du Pradel, ainsi que ceux réalisés dans de précédentes études dans un plus grand nombre de fermes caprines, nous permettent de mieux connaître les différents groupes microbiens généralement présents dans ces biofilms. Ainsi, le biofilm présent dans les installations de traite caprines est majoritairement composé de flores d’affinage, de flores lactiques mais aussi de flores indésirables tels que les Pseudomonas spp. Les levures et moisissures sont présentes en moins grande quantité, de même que les coliformes. Il est également possible dans certains cas de trouver des flores potentiellement pathogènes.

 

Un certain nombre de facteurs influencent la nature et la proportion des micro-organismes présents. On voit au travers des premiers résultats de CMaFLAuRA que le changement d’installation de traite a modifié partiellement le biofilm, on retrouve par exemple les flores d’affinage en plus grande quantité, à l’inverse des levures et moisissures. Ces changements peuvent être imputés aux modifications de conception de l’installation, à l’état neuf de tous les consommables mais aussi à l’ambiance du bâtiment qui a probablement été impactée par l’agrandissement de la chèvrerie.

 

En effet, un certain nombre de facteurs entrent en jeux dans la composition du biofilm. Les principaux, en relation directe avec la machine à traire sont :

• la conception de l’installation de traite, plus elle est complexe (coudes, longueur des canalisations et tuyaux…) et plus le nettoyage sera difficile favorisant ainsi l’installation et le développement du biofilm ;

• l’état d’usure des parties consommables (particulièrement en caoutchouc), de base plus propices à l’installation du biofilm que les parties inox, elles le seront d’autant plus qu’elles sont usées ;

• la procédure de nettoyage, les paramètres majeurs que sont la température, la concentration et l’alternance des produits, le temps de contact et la turbulence de la solution ainsi que le drainage et le séchage de l’installation de traite ont chacun une influence importante sur l’efficacité du nettoyage. Par exemple, le graphique présentant les biofilms dans les installations de traite de la ferme expérimentale caprine du Pradel compare les proportions des différents groupes microbiens du biofilm obtenu avec 2 procédures : une avec alcalin chloré et une avec alcalin non chloré. On remarque que les niveaux de flores (d’intérêt fromager comme indésirables) sont quasiment tous plus élevés avec la procédure utilisant l’alcalin non chloré ;

• la conception des zones où l’eau est plus ou moins à même de stagner comme les coupelles de lavage ou les points bas sans purge efficace. L’eau stagnante est un milieu favorable au développement bactérien, particulièrement celui des Pseudomonas spp.

 

Mieux connaître ces facteurs est important pour mieux maîtriser le biofilm de la machine à traire et notamment pour éviter la prolifération de flores indésirables.