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Bergers demain : la filière ovine laitière française s'interroge sur son avenir (438-septembre)

Publié le par Groupe Economie du Bétail GEB (Institut de l'Elevage)
Marchés Lait et viande Ovin lait
Jusqu’à récemment, la filière lait de brebis avait la réputation d’être une production solide, voire une filière riche. Elle s’est en effet construite autour de produits sous signes de qualité, qui par le passé ont permis aux éleveurs d’avoir un prix du lait satisfaisant, et elle a su évoluer techniquement. Mais la filière se trouve à présent face à de nouvelles difficultés qui engagent son avenir : dégradation de la pyramide des âges, surcharge de travail dans les exploitations, hausse des coûts de production, effets secondaires des crises rencontrées par d’autres filières européennes, menaces sur les débouchés du coproduit viande…

L’élevage de brebis laitières concerne en France un peu plus de 5 000 exploitations, dont 90% sont localisées dans les trois bassins traditionnels de production de fromages AOP : le Rayon de Roquefort, les Pyrénées-Atlantiques (AOP Ossau-Iraty) et la Corse (AOP Brocciu). Pour chacune de ces zones de montagne, la production de lait de brebis constitue une activité majeure, tant au niveau économique par les emplois qu’elle génère, qu’environnemental, notamment par la valorisation et l’entretien de surfaces pastorales.

 

Jusqu’à récemment, la filière lait de brebis avait la réputation d’être une production solide, voire une filière riche. Elle s’est en effet construite autour de produits sous signes de qualité, qui par le passé ont permis aux éleveurs d’avoir un prix du lait satisfaisant. Cette filière a su évoluer techniquement, en développant des schémas de sélection efficaces pour améliorer les races locales, ainsi qu’un dispositif d’appui technique performant pour accompagner un grand nombre d’éleveurs. Mais la filière se trouve à présent face à de nouvelles difficultés qui engagent son avenir. En effet, après avoir progressé au rythme de 2 à 3% par an au cours des années 1990 et de la première moitié des années 2000, la collecte française de lait de brebis a fortement diminué en 2008. Elle n’a rejoint qu’en 2010 ses niveaux antérieurs, autour de 255 millions de litres, et a plafonné depuis lors.

 

L’installation est aujourd’hui devenu un problème majeur, avec trop peu de jeunes qui s’installent par rapport aux éleveurs qui partent à la retraite ou parfois même abandonnent la production. Si jusqu’au début des années 2000 la filière ovine laitière pouvait s’enorgueillir d’avoir des éleveurs jeunes, ce n’est désormais plus le cas : entre les deux derniers recensements agricoles (2000 et 2010), la proportion de chefs d’exploitation de plus de 50 ans est passée de 26 à 37%. Compte tenu de cette évolution démographique, on peut s’attendre à avoir dans les années qui viennent une forte diminution du nombre d’exploitations détenant des brebis laitières?: elle devrait être deux fois plus rapide qu’au cours des deux dernières décennies. Cela pourrait conduire à avoir moins de 4 000 exploitations ovines laitières à l’horizon 2020. Et parmi les trois bassins, c’est la Corse, où plus d’un éleveur sur deux a plus de 50 ans, qui paierait le plus lourd tribut…

 

L’augmentation de la charge de travail liée à l’agrandissement des exploitations et à la diminution de la main-d’œuvre familiale, les problèmes d’accès au foncier ou de transmission du capital d’exploitation sont des raisons fréquemment évoquées pour expliquer la chute des installations. Mais la dégradation de la rémunération du travail apparaît de plus en plus comme étant un élément déterminant de la baisse d’attractivité du métier d’éleveur. Comme pour l’ensemble des secteurs d’élevage, les éleveurs de brebis laitières sont confrontés à une forte progression du coût des matières premières : aliments achetés, engrais, carburants… Entre 2005 et 2012, l’indice des prix d’achat des moyens de production agricole (Ipampa) pour la filière ovine laitière a bondi de plus de 30% alors que dans le même temps, le prix du lait a progressé de seulement 5 à 10% selon les bassins. Le plafonnement de la consommation de fromages au lait de brebis, tant en France qu’en Europe du Sud et aux Etats-Unis, a en effet fortement pesé sur les prix. D’autant plus que les crises connues par les filières espagnoles et italiennes ont laissé d’importants excédents et ont contribué à modifier la carte des échanges européens.

 

Dans ce contexte, les éleveurs ont enregistré au cours de ces dernières années une baisse importante de leur revenu : en 2011, malgré la revalorisation des aides PAC, la rémunération moyenne des éleveurs suivis dans les Réseaux d’élevage n’a pas dépassé 0,8 SMIC par unité de main-d’œuvre dans les Pyrénées-Atlantiques et de 1,1 SMIC dans le bassin de Roquefort.

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