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Etude du CAEV et de la lymphadénite caséeuse en Nouvelle-Aquitaine : SEROCAPTANK WP2

Présentation réalisée par Nicolas Ehrhardt (OMACAP, FRGDS NA) dans le cadre du Webinaire coanimé par l'UMT PSR et l'OMACAP

Publié le par Nicolas Ehrhardt (OMACAP)
Le CAEV et la lymphadénite caséeuse sont des maladies chroniques très fréquentes en élevages caprins. Leur maîtrise représente un enjeu majeur pour améliorer la santé et par conséquent le bien-être animal. Leur dépistage à partir d'analyses conduites sur le lait de tank fait l'objet d'un vaste projet appuyé par l'Observatoire des Maladies Caprines

L’OMACAP, programme animé par la FRGDS Nouvelle-Aquitaine, a permis de mettre au point une méthode ELISA pour le dépistage du CAEV et de la lymphadénite caséeuse à partir des laits de tank caprins.

Cette étude a été poursuivie en collaboration avec Capgènes au sein des élevages sélectionneurs en races Alpine et Saanen, ainsi que dans plusieurs élevages de race Poitevine en Nouvelle-Aquitaine.

Objectifs

  • Décrire la séroprévalence et l’impact de ces 2 maladies et les pratiques d’élevage ou mesures de gestion dans différents types d’élevage
  • Valoriser et consolider l’interprétation d’analyses ELISA sur laits de tank
  • Evaluer l’impact économique du CAEV

Matériel et méthode

Des prélèvements de sang et observations cliniques (« gros-genoux » et abcès actifs ou cicatriciels) ont été réalisés par les techniciens de Capgènes et de l’ADDCP sur 10 chèvres primipares et 10 multipares dans 49 élevages (40 en races Alpine ou Saanen et 9 en race Poitevine). Un questionnaire était renseigné lors des visites afin de décrire les pratiques d’élevage pouvant influencer la diffusion et l’expression des deux maladies. Plusieurs prélèvements de laits de tank ont été collectés pour chaque élevage par le laboratoire interprofessionnel LILCO. Les analyses de sang et de lait de tank ont été réalisées au LILCO avec les kits Hyphen Biomed ELITEST CLA et ELITEST MVV/CAEV, en utilisant pour les laits un protocole modifié et une gamme de témoins internes. Des analyses de laits de tank ont également été réalisées sur un échantillon plus large d’élevages adhérents à Capgènes pour notamment renforcer la fiabilité de l’étude de l’impact économique du CAEV.

Principaux résultats :

Les deux maladies sont fréquentes dans l’échantillon étudié, avec 65% des élevages confirmés infectés par le CAEV et 77% par la lymphadénite caséeuse.

Pourcentage de chèvres primipares et multipares séropositives et présentant des signes cliniques de CAEV (gros-genoux) ou de lymphadénite caséeuse (abcès actifs ou cicatriciels) :

 

Primipares

Multipares

% Séropositives

% Clinique

% Séropositives

% Clinique

CAEV*

50%

11%

90%

31%

Lymphadénite caséeuse**

51%

19%

53%

25%

* parmi les élevages présentant au moins un caprin séropositif CAEV (32 élevages) ; ** parmi l’ensemble des élevages, y compris en l’absence de caprins séropositifs en lymphadénite caséeuse (49 élevages)

Résultats détaillés pour le CAEV

Dans les 32 élevages infectés, en moyenne 90% des chèvres multipares sont séropositives.

Dans ces conditions, le test sur lait de tank distingue très nettement ces élevages des 17 élevages ne présentant aucun résultat positif. L’échantillon d’élevages ciblés ne représente pas de situations où la séroprévalence est modérée ou très faible et ne permet donc pas de consolider l’évaluation du test sur lait de tank pour estimer la séroprévalence ou pour détecter de très faibles niveaux de séroprévalence.

La proportion des primipares séropositives est en moyenne de 51%. La variabilité importante entre les élevages peut notamment s’expliquer par les différences d’efficacité des mesures de prévention des infections précoces, celles-ci étant appliquées par la très grande majorité des élevages étudiés. Cependant, le stade de lactation des primipares au moment des prises de sang doit aussi être pris en compte, car la probabilité d’infection augmente significativement au cours de la première lactation par contact ou proximité avec des multipares infectées.

Les analyses de lait de tank ne permettent pas de distinguer les élevages présentant des proportions faibles ou élevées de primipares séropositives.

Dans les 31 élevages infectés, la présence de gros-genoux a été observée chez 31% des multipares et 12% des primipares, et donc une proportion plus faible des primipares séropositives que pour les multipares. Parmi les chèvres séronégatives, la présence de gros-genoux a été détectée chez 6% des chèvres et n’est dans ces cas pas attribuable au CAEV.

Pour la moitié des élevages, des gros-genoux ont été constatés chez au moins une des 10 primipares observées, ce qui témoigne probablement d’un défaut d’efficacité des mesures de contrôle des infections précoces et/ou d’une évolution très rapide de la maladie.

La présence chez les multipares est plus fréquente et peut concerner jusqu’à 9 des 10 chèvres observées. Mais elle n’a pas été détectée dans 5 élevages, présentant pourtant 6 à 10 multipares séropositives, ce qui confirme les limites des examens cliniques pour détecter l’infection. L’impact faible du virus dans certains élevages pourrait en partie s’expliquer par les caractéristiques des souches virales présentes, mais cet impact peut évoluer progressivement voire rapidement si les conditions d’élevages sont favorables à la diffusion et l’expression du virus.

Résultats détaillés pour la lymphadénite caséeuse :

La proportion de chèvres séropositives en lymphadénite caséeuse est en moyenne élevée, mais plus hétérogène que pour le CAEV. Pour 7 élevages, aucun animal n’est détecté séropositif parmi les 20 chèvres testées, mais 5 de ces élevages présentent 1 ou 2 résultats douteux. Dans 4 autres élevages, une seule chèvre est détectée séropositive.

Pour ces 11 élevages, les 2 à 3 résultats d’analyses de laits de tank réalisées sont comparables au témoin négatif du test. C’est le cas aussi d’un élevage présentant 2 chèvres séropositives. En revanche, dans les 37 élevages présentant entre 4 et 20 chèvres séropositives, l’analyse des laits de tank a toujours permis de mettre en évidence l’infection.

La présence d’un résultat proche du témoin de positivité sur un des échantillons de lait de tank dans 3 élevages (présentant entre 4 et 10 chèvres positives) incite à recommander la répétition des analyses à différents stades de lactation pour améliorer la capacité de détection. Par ailleurs, l’interprétation quantitative des résultats bruts (DO) sur lait de tank apparait délicate, malgré une relative corrélation avec la séroprévalence estimée.

La proportion d’animaux porteurs d’abcès est également très variable. Les proportions les plus élevées sont principalement attribuées au microcoque de Morel, autre germe responsable d’abcès et se distinguant de la lymphadénite caséeuse par la précocité et la gravité des symptômes. Dans les 7 élevages suspectés ou confirmés atteints par le microcoque, des abcès sont observés en moyenne sur 64% des primipares et 40% des multipares. En l’absence de suspicion de microcoque et si on écarte les élevages présentant au maximum 2 chèvres séropositives, des abcès sont observés chez 14% des primipares et 28% des multipares, et chacun de ces élevages présentait au moins un abcès. Par ailleurs, dans ces élevages non suspects d’infection par le microcoque de Morel, des abcès sont observés sur 23% des chèvres séropositives et 8% des chèvres séronégatives.

Ces éléments mettent en évidence les limites des tests sérologiques individuels ou des examens cliniques pour dépister la lymphadénite caséeuse à l’échelle d’un animal, et l’intérêt de l’analyse de laits de tank pour dépister cette maladie.

Lors d’achat d’animaux, la présence du microcoque de Morel doit également être envisagée en raison de l’émergence de ce germe particulièrement virulent, mais sa mise en évidence nécessite une recherche spécifique à partir d’un prélèvement de pus.

Dans les élevages infectés, le nettoyage des abcès avant qu’ils ne contaminent le milieu semble être le moyen d’action le plus efficace. Cette mesure devient cependant inapplicable lorsque les abcès sont trop nombreux, notamment chez les chevrettes exposées au microcoque de Morel.

Localisation des nœuds lymphatiques sous-cutanés où peuvent se former les abcès associés à la lymphadénite caséeuse (Corynebacterium pseudotuberculosis) ou à l’infection par le microcoque de Morel (Staphylococcus aureus subsp. anaerobius) (source : Christophe Chartier)

Perspectives :

L’étude menée auprès de 40 élevages en accouplement programmés par CAPGENES et de 9 élevages de race Poitevine a permis d’améliorer la connaissance de la situation sanitaire de ces troupeaux pour le CAEV et la lymphadénite caséeuse. Elle permet ainsi d’améliorer l’efficience du programme de sélection, mais aussi la gestion des mouvements de caprins reproducteurs entre élevages.

Les résultats confortent l’intérêt du dépistage sur lait de tank pour les 2 maladies, en tenant compte toutefois des limites de sensibilité constatées. Différents projets à l’initiative des GDS doivent permettre de valoriser ces outils à grande échelle.

Cette étude apporte également une description précise et inédite de la situation sérologique et clinique pour ces 2 maladies, ainsi que des potentiels facteurs de risque et moyens d’action dans les différents types d’élevages caprins présents en Nouvelle-Aquitaine. Ces informations constituent des références très utiles à la conception et la mise en œuvre d’actions de conseil en élevage.

Pour le CAEV, la mise en évidence de l’impact majeur de l’infection sur la production laitière constitue un argument de poids pour travailler sur cette maladie parfois négligée. Des travaux de recherche devront être poursuivis pour identifier des solutions dans les cas particuliers d’échec de maîtrise du CAEV, ou pour les élevages ne pouvant pas assurer les mesures classiquement préconisées, notamment les élevages pratiquant le pâturage ou l’élevage des chevrettes sous les mères.

Remerciements aux éleveurs participants et aux partenaires du projet :

  • FRGDS Nouvelle-Aquitaine : animation du projet, analyse des données, rédaction du rapport et valorisation des résultats avec le réseau GDS et vétérinaire
  • CAPGENES : responsable de la réalisation des enquêtes en élevage (prises de sang, observations, questionnaire) et extraction et centralisation des données
  • ADDCP : mise en œuvre des enquêtes dans les élevages de race Poitevine
  • LILCO : collecte des échantillons de laits de tank et analyse des sérums et laits
  • IDELE : prestation pour l’analyse économique

Pour contacter l’auteur :

nicolas.ehrhardt.frgds-na(at)reseaugds.com

Projet financé par la région Nouvelle Aquitaine

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