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Dépistage du CAEV chez les caprins par ELISA sur lait de tank (SEROCAPTANK)

Présentation réalisée par Nicolas Ehrhardt (OMACAP) dans le cadre du webinaire sur la santé caprine coanimé par l'UMT PSR et l'OMACAP

Publié le par Nicolas Ehrhardt (OMACAP), Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
L'analyse sérologique des laits de tank constitue une méthode simple et économique pour repérer les élevages potentiellement indemnes et estimer la séroprévalence dans les troupeaux infectés. Nicolas Erhardt revient sur les principes et résultats disponibles au sujet de cette approche

Contexte et objectifs :

Le CAEV est une maladie virale présente dans la grande majorité des élevages caprins en France, mais l’impact de l’infection est très variable selon les élevages. Cette variabilité s’explique par les pratiques d’élevage, pouvant favoriser ou limiter la diffusion du virus et l’expression clinique de la maladie (modalités d’allaitement, logement…), mais aussi par la diversité des génotypes viraux présents en France et la forte capacité de ces virus à évoluer au sein d’un élevage.

des indicateurs cliniques

La situation des troupeaux au regard du CAEV repose d’abord sur des indicateurs cliniques.

  • La présence de « gros genoux »,
    Symptôme le plus spécifique du CAEV, peut facilement être repérée en observant, voire en palpant les articulations des carpes. D’autres articulations peuvent également être atteintes. L’impact de ces arthrites, d’évolution très lente, peut être quantifié en faisant le bilan annuel du nombre de réformes dues à des boiteries. L’impact du CAEV peut être considéré comme important en particulier dans les cas où des réformes sont constatées dès la première année de lactation. Il est en revanche sous-estimé pour les chèvres plus âgées du fait de la présence fréquentes d’autres symptômes concomitants conduisant à la réforme.
  • Par ailleurs, la présence de formes mammaires de CAEV (indurations et atrophies de la mamelle et baisses de production) peut difficilement être objectivée, les symptômes étant très comparables à ceux provoqués par certaines infections bactériennes de la mamelle.

L'apport des analyses sérologiques

La situation d’un troupeau peut également être caractérisée par des analyses sérologiques sur prélèvements de sang d’une fraction ou de la totalité du troupeau. Ces analyses peuvent permettre d’attester l’absence de la maladie et, pour les élevages infectés, d’estimer la proportion de caprins séropositifs ou l’âge moyen de séroconversion. Cette information peut notamment permettre d’évaluer l’efficacité des mesures de prévention de l’infection chez les jeunes et l’intensité de la transmission du virus entre adultes.

La mise au point d’une méthode d’analyse sérologique sur lait de tank vise à faciliter l’accès aux échantillons et limiter les coûts pour connaître la situation des troupeaux à grande échelle. Une étude norvégienne (Nagel-Alnes 2016) a permis d’évaluer la possibilité d’utiliser sur lait de tank un test sérologique pour surveiller la situation de troupeaux caprins assainis. Les résultats étant encourageants, la possibilité d’utiliser cette analyse pour les troupeaux français devait être évaluée, tenant compte des différences entre les typologies d’élevage (taille des troupeaux…) et les génotypes viraux présents dans chaque pays. Par ailleurs, la possibilité d’estimer la séroprévalence dans les élevages infectés n’avait pas été évaluée.

Objectifs de l'étude SEROCAPTANK

Les objectifs de l’étude SEROCAPTANK étaient d’évaluer les possibilités d’utiliser le kit ELITEST - MVV/VAEC sur lait de tank (protocole modifié) pour :

  • repérer de nouveaux élevages caprins potentiellement indemnes de CAEV
  • évaluer la proportion de caprins séropositifs dans les élevages infectés

Protocole mis en oeuvre dans le cadre des travaux

Cette étude a été réalisée à partir des échantillons de laits de tank collectés par le LILCO en régions Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Centre. Un courrier d’information a été diffusé en juillet 2020 par les laiteries concernées à tous les éleveurs potentiels, soit environ 1400 élevages.

Au total, les laits de tank de 231 élevages ont été testés, dont :

  • 31 élevages qualifiés et 12 élevages récemment déqualifiés (recensement par les GDS des 3 régions auprès de chaque DD(CS)PP). Le dépistage officiel était réalisé moins d’un an avant le prélèvement de lait de tank et portait sur 25% du troupeau pour les élevages officiellement indemnes ou sur 100% du troupeau pour les élevages en cours de qualification. Pour les deux élevages les plus récemment déqualifiés, un échantillon de lait de tank avait pu être prélevé au moment du dernier dépistage officiel réalisé (avant réforme des caprins séropositifs).
     
  • 115 élevages candidats :
    • Un questionnaire en ligne sur les pratiques d’élevage et la situation clinique a été renseigné par 31 éleveurs.
    • Des visites d’élevage dans 6 élevages supplémentaires ont permis de préciser ces informations et faire des prélèvements de sang sur 50 chèvres adultes, en représentant les différents millésimes. Ces élevages ont été choisis pour représenter des résultats de laits de tank intermédiaires entre les valeurs minimales (obtenues pour les élevages officiellement indemnes) et les valeurs maximales observées.
    • Des investigations comparables ont été réalisées dans 6 élevages participant à l’étude CABRIMAM (Anses), pratiquant l’élevage des chevrettes sous les mères, dont 2 élevages ne présentant aucun signe clinique et 4 élevages fortement impactés.
  • 130 élevages tirés au sort (sondage stratifié par département), dans l’objectif d’évaluer la proportion d’élevages infectés à l’échelle régionale, en tenant compte des limites de sensibilité du test sur lait de tank.

La stabilité des résultats d’analyse des laits de tank a été évaluée, notamment pour 71 élevages testés en août 2020 et en mai 2021.

L’effet des conditions de conservation des laits (congélation, bronopol, incubation 36°C/20min) a été évalué.

Principaux résultats

 

Les résultats permettent de confirmer l’intérêt de l’analyse de lait de tank avec le kit utilisé et le protocole modifié.

 

Ce test a en effet permis de repérer la présence d’un très faible nombre d’animaux positifs dans 2 élevages venant d’être déqualifiés. Cependant, parmi les 12 élevages récemment déqualifiés, le résultat de 2 élevages ne se distinguait pas de ceux des élevages officiellement indemnes. C’était le cas également d’un élevage candidat présentant un animal faiblement positif parmi 30 animaux testés sur un effectif de 100 caprins.

Repérage des élevages susceptibles d'être indemnes

La capacité de détection du test sur lait de tank n’a pas pu être définie précisément, mais elle apparait suffisante pour repérer les élevages potentiellement indemnes, et les engager dans une démarche de qualification à partir d’analyses de sang sur l’ensemble des caprins adultes. Pour les élevages déjà qualifiés, le test sur lait de tank pourrait être complémentaire aux analyses de sang (réalisées une fois par an sur une fraction du troupeau) pour assurer une surveillance plus régulière (mensuelle ou trimestrielle) et portant sur l’ensemble du troupeau en lactation.

Saturation du test en cas de séroprévalence élevée

Pour les élevages infectés, le test a permis de distinguer les élevages faiblement ou fortement infectés, mais il saturait pour les élevages présentant une séroprévalence apparente supérieure à 80%, voire dès 50% pour certains élevages en fonction du prélèvement testé et des conditions d’analyses en laboratoire, celles-ci ne pouvant être totalement reproductibles entre les différentes manipulations. Le développement de témoins internes est nécessaire pour évaluer les variations des conditions d’analyse et estimer plus précisément le seuil de séroprévalence pour lequel le test sur lait de tank sature.

Des suivis cliniques et des analyses nécessaires en complément pour surveiller et suivre l'impact des changements de pratiques

Dans tous les cas, le test sur lait de tank ne semble pas adapté pour estimer précisément la séroprévalence, ou évaluer des variations modérées de séroprévalence au sein d’un élevage. Pour les élevages mettant en place des mesures de prévention de l’infection des jeunes (séparation avant tétée et distribution de colostrum sain), le maintien d’une transmission du virus entre caprins adultes aboutit souvent à des séroprévalences élevées à l’échelle du troupeau (> 80%) et donc un résultat sur lait de tank saturé, malgré une nette amélioration de la situation clinique. Pour ces élevages, le critère de suivi le plus pertinent reste donc la surveillance des symptômes, en particulier des gros genoux, et des analyses de sang peuvent être utiles en complément pour évaluer à quel âge en moyenne les caprins deviennent séropositifs. En revanche, le suivi de 3 élevages récemment déqualifiés a permis de constater une augmentation importante du résultat sur lait de tank, associé à une augmentation importante de la séroprévalence.

Règles d'interprétation proposées

Les règles d’interprétation suivantes ont été proposées dans le cadre de l’étude :

  • DO < 0.30 : élevage présentant une séroprévalence très faible à nulle
  • 0.30 < DO < 1 : élevage infecté présentant une séroprévalence inférieure à 20%
  • DO > 2.25 : élevage infecté présentant une séroprévalence supérieure à 50%

N.B. : ces règles doivent être adaptées en fonction des conditions d’analyses

Retrouver le diaporama

Perspectives

L’organisation d’un dépistage à l’échelle départementale ou régionale peut permettre de répondre efficacement au besoin d’augmenter le vivier d’élevages indemnes, en repérant les élevages pouvant être intégrés au dispositif de qualification en cours de mise en place au niveau des GDS (cf. référentiel GDS France). Les résultats peuvent également être utilisés pour renforcer les actions de conseil auprès des élevages infectés, sans pour autant constituer un indicateur précis de la séroprévalence.

Le laboratoire interprofessionnel laitier (LILCO - Surgères), qui a participé à l’étude SEROCAPTANK, peut soit analyser des laits de tank, soit étudier la possibilité de transfert de méthode de sorte que tous les laboratoires utilisent le même protocole. La coordination des démarches et la mise en commun des résultats doit permettre de faciliter l’organisation du dépistage et améliorer les modalités de mise en œuvre des tests et d’interprétation des résultats, en lien avec l’OMACAP et le laboratoire de référence CAEV (Maison-Alfort).

Pour en savoir plus :

Nicolas EHRHARDT, Vétérinaire FRGDS Nouvelle-Aquitaine, animateur OMACAP : contact(at)omacap.fr

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