UMT Pilotage de la Santé des Ruminants Dossiers et publications Détail article 

Etude des causes et des moyens de prévention de la mortalité des chèvres

Présentation réalisée par N. Ehrhardt (OMACAP, FRGDS Nouvelle Aquitaine) dans le cadre du Webinaire Santé Caprine UMT PSR et OMACAP

Publié le par Nicolas Ehrhardt (OMACAP), Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
La mortalité des chèvres est un des indicateurs de la santé des troupeaux caprins suivis par l’OMACAP. Plusieurs enquêtes permettent de mieux évaluer les causes mais surtout les moyens d'action pour en réduire la fréquence

La mortalité des chèvres est un des indicateurs de la santé des troupeaux caprins suivis par l’OMACAP.

    

Deux enquêtes pour estimer les causes de mortalité et préciser les facteurs associés

  

Une première enquête a été réalisée en 2018 à partir des données de l’équarrissage de 172 fermes de référence du réseau INOSYS entre 2010 et 2017. Les niveaux de mortalité observés étaient très variables d’un troupeau à l’autre, mais la relative constance des taux de mortalité au sein des troupeaux permettait de supposer que ces situations s’expliquaient par les pratiques et/ou le statut sanitaire des élevages. Les données du suivi technico-économique n’ont cependant pas permis d’identifier les facteurs expliquant les différences entre les taux de mortalité des chèvres. Les élevages ayant un caractère relativement plus « intensif » (en termes de : quantité de lait produit et de concentré distribué par chèvre, taille des troupeaux, …) présentaient en moyenne des niveaux de mortalité plus faibles. Des niveaux de mortalité plus élevés pouvaient dans certains cas ne pas être associés à des pathologies, mais à un possible défaut de collecte pour abattage. 

   

Une deuxième enquête a ainsi été réalisée en 2019 auprès d’un échantillon de 33 élevages représentant des typologies et des taux de mortalité variés, dans l’objectif de mieux identifier les causes de mortalité des chèvres et les facteurs associés. L’objectif était notamment d’investiguer finement les pratiques des éleveurs parvenant à maintenir des niveaux de mortalité inférieurs à 5% des chèvres par an.

A l’issue d’un suivi des mortalités pendant au moins un an, un questionnaire a été soumis par les conseillers de ces élevages (CA 17-46-79 et TCEL 37) en ciblant 4 catégories de mortalité.

 

Répartition des causes de mortalité lors d’un suivi de 22 élevages pendant un an
(n = 516 chèvres mortes)

 

 

Traumatismes et infections génitales :

          

Les mortalités liées à des traumatismes ou infections de l’appareil génital suite aux mises-bas représentent 23% des mortalités, soit en moyenne 1,8% des effectifs de chèvres. Elles sont rencontrées dans presque tous les troupeaux caprins, mais peuvent représenter moins de 1% des effectifs.

    

Les principaux moyens identifiés par les éleveurs pour assurer le bon déroulement des mises-bas sont la sélection des chèvres mises à la reproduction, la préparation nutritionnelle, la surveillance et l’assistance aux mise-bas.

Les problèmes liés à la taille et au positionnement du fœtus nécessitent des interventions vétérinaires anticipées pour permettre un bon pronostic, mais sont souvent décevantes dans le cas contraire.

L’antibiothérapie est une solution efficace et fréquemment utilisée pour limiter les conséquences des infections post-partum, d’où une faible part des mortalités liées à ces infections. Le cas des métrites gangréneuses est cité par seulement deux éleveurs, dont un confronté à des pertes très importantes. Le recours à la vaccination contre cette pathologie n’était pas une solution connue par les éleveurs concernés.

   

Maladies nutritionnelles et métaboliques :

   

L’entérotoxémie représente le principal trouble digestif d’origine alimentaire conduisant à de la mortalité. Elle correspond à 25% des causes de mortalité des chèvres et est présente dans la majorité des troupeaux. Des conséquences importantes sont constatées dans 8 élevages sur 33, de façon très ponctuelle pour trois élevages, et de façon plus régulière pour cinq autres élevages. Leur impact est jugé très important, sans compter les autres conséquences directes de ces troubles digestifs (tarissement et réforme) et le déclenchement de différentes pathologies infectieuses latentes.

    

La maîtrise de la ration constitue le premier facteur de prévention cité, notamment par l’apport de fourrages fibreux et ayant de bonnes valeurs nutritionnelles, et sous réserve de maîtriser les transitions pour les fourrages les plus riches. L’intégration de compléments (argiles, bicarbonates de Na, levures…) est par ailleurs très fréquente, mais ne corrige pas un déséquilibre de la ration.

La vaccination reste peu utilisée bien que jugée efficace, notamment en raison de la difficulté d’anticiper les cas accidentels d’entérotoxémie.

Listériose et toxémie de gestation sont peu fréquentes au cours du suivi, bien que ces pathologies puissent potentiellement avoir des conséquences importantes en cas de non maîtrise de l’alimentation (acidose, défaut de préparation et conservation des enrubannages/ensilages, état d’engraissement excessif au tarissement…). L’apport de compléments (levures et propylène) est un facteur sécurisant efficacement ce risque, bien qu’en théorie pas nécessaire si l’alimentation est maîtrisée.

 

Maladies contagieuses chroniques et aiguës

    

Pathologies chroniques (amaigrissement, boiterie…)

Les pathologies chroniques occasionnent 12% des mortalités enregistrées lors du suivi, dont moins de la moitié font l’objet d’un diagnostic de suspicion ou confirmé.

  • Le diagnostic clinique des causes d’amaigrissement est en particulier souvent difficile. La présence de paratuberculose n’est confirmée ou suspectée que dans une minorité des élevages, ce qui limite la prise en charge de cette maladie pourtant présente dans la majorité des troupeaux.
  • La présence de CAEV est mieux connue mais reste souvent uniquement suspectée.
  • Les tumeurs nasales enzootiques sont signalées par un élevage, cette maladie virale étant relativement rare dans sa forme hyper-pathogène.
  • Le parasitisme occasionne très peu de morts dans les 22 élevages suivis.

    

Ces pathologies s’expriment beaucoup plus par de la réforme que de la mortalité dans la majorité des troupeaux, excepté dans certains cas où la politique ou la capacité de réforme est limitée, ou dans certaines formes d’évolutions rapides de ces maladies (paratuberculose associée à des problèmes nutritionnels et haemonchose).

 

Pathologies aiguës (mammites, pneumonies, arthrites…)

  • Les mammites représentent 13% des causes de mortalité (67 cas) et sont surtout dues à des mycoplasmes (41 cas).
  • Les mycoplasmes sont par ailleurs responsables de 9 mortalités suite à des arthrites ou pneumonies. Un impact clinique important des mycoplasmes est signalé par 3 éleveurs, notamment à cause des réformes occasionnées (108 chèvres suite à des mammites).
  • Les pneumonies occasionnent 7% des mortalités et sont principalement attribuées aux pasteurelles.

La fréquence de ces pathologies « accidentelles » est probablement fortement influencée par le choix de l’échantillon d’élevages ciblé.

 

Moyens de prévention des pathologies contagieuses chroniques et aiguës :

  • Le dépistage des maladies contagieuses et le diagnostic des cas cliniques doivent globalement être renforcés pour permettre aux éleveurs de mieux surveiller l’apparition et mesurer l’impact des maladies présentes dans leur troupeau, et en cas de problème ou de risque élevé de mettre en place des mesures de lutte adaptées.
  • La connaissance des maladies présentes et absentes dans un troupeau est par ailleurs nécessaire pour permettre aux éleveurs de mieux prendre en charge les risques en cas d’achats ou ventes d’animaux, notamment pour prévenir l’introduction des maladies jusque-là absentes. Seuls 8 éleveurs déclarent ne jamais recourir à des achats de caprins pour le renouvellement ou l’amélioration génétique. Lors d’achats, les mesures de gestion mises en avant sont souvent limitées, notamment à cause de la méconnaissance du statut sanitaire des élevages vendeurs.
  • La séparation immédiate des chevrettes à la naissance, moyen incontournable de prévention du CAEV et de la paratuberculose, est réalisée dans la majorité des élevages (23/29). Un colostrum « sécurisé » est distribué pour 14 élevages.
  • La traite des primipares avant les multipares est respectée dans 22 élevages sur 29. La traite des chèvres infectées en dernier est moins fréquente (12 élevages). Le contrôle de la machine à traire est fait tous les ans dans tous les élevages.
  • La réforme précoce des chèvres suspectées atteintes de maladies contagieuses, ou plus globalement en baisse de production, constitue un des principaux moyens de prévention de la mortalité, mais aussi de la transmission des maladies contagieuses. Elle est citée par 10 éleveurs, les autres élevages pouvant être limités dans la rapidité de la réforme par le lien affectif avec leurs animaux (cité par 7 éleveurs), des problèmes de collecte (4 éleveurs) ou de capacité de renouvellement, notamment lors de problèmes sanitaires importants. Ces critères peuvent varier en fonction des échantillons d’élevages ciblés.
  • La vaccination concernant les pathologies listées précédemment est globalement peu mise en œuvre.

 

 Conclusion

  

La mortalité représente souvent une faible part des conséquences des pathologies. Elle ne représente donc qu’un indicateur parmi d’autres à prendre en compte lors de l’évaluation de la situation sanitaire d’un élevage. Elle est en revanche facile à recenser et caractériser, et très intéressante pour alerter les éleveurs sur la majorité des pathologies graves potentiellement observées chez les chèvres.

 

Un guide d’investigation des causes de mortalité des chèvres et de leurs facteurs de risque ou de prévention a été élaboré dans le cadre de cette enquête. Il sera adapté pour une diffusion plus large afin de promouvoir une meilleure utilisation des moyens de prévention et de lutte existants.

   

Contact : contact(at)omacap.fr