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Modalités d'administration des traitements antibiotiques par voie intra-mammaire au moment du tarissement

Publié le par Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
La conduite du tarissement est un élément clef de sa réussite. Il s'agit à la fois de s'intéresser aux modalités de l'arrêt de la traite et aux mesures hygiéniques à appliquer lors de l'administration des antibiotiques. Enfin, la problématique des inhibiteurs ne peut être oubliée...

Réduire le niveau de production des animaux

 

L'arrêt de la traite est toujours délicat, particulièrement chez les animaux à fort niveau de production. Chez la vache, des risques élevés de nouvelles infections au début de la période sèche ont été associés à la dilatation du canal du trayon sous l’effet de la pression intra-mammaire (avec une exposition particulièrement importante pour les vaches qui perdent leur lait) (Serieys, 1997).

La réduction de la production laitière avant l'arrêt de la traite limite la pression intra-mammaire et la dilatation du canal du trayon. Elle pourrait ainsi contribuer à réduire le nombre des nouvelles infections survenant à cette période critique (Serieys, 1997; Dingwell et al., 2004; Rajala-Schultz et al., 2005).

             

Parmi les moyens disponibles pour limiter la production en fin de lactation, on peut citer :

  • l'espacement des traites : traite une fois par jour pendant quelques jours (jusqu'à une semaine),
  • les restrictions alimentaires.

               

L'impact de ces mesures n'a pas été étudié chez la chèvre à l'heure actuelle. Les informations ci-après sont donc issues de travaux réalisés chez la vache et sont présentées pour apporter des éléments de réflexion sur la conduite du tarissement.

               

L’espacement des traites

                 

Plusieurs travaux de recherche conduits chez la vache laitière montrent l'intérêt d'un tarissement progressif (c'est à dire la réalisation d'une traite intermittente, le plus souvent correspondant au passage à une traite par jour pendant quelques jours), sur la santé de la mamelle (Oliver et al., 1990; Newman et al., 2010).

              

Chez la brebis, le tarissement est le plus souvent progressif, par espacement des traites, et dure de 1 à 3 semaines.

Chez la chèvre, différentes modalités de gestion du tarissement se sont développées au cours de ces dernières années : recours à de la monotraite pendant quelques semaines, tarissement progressif fondé sur un espacement des traites (une traite par jour puis une traite tous les deux jours, ...). L'incidence de ces pratiques sur la santé de la mamelle n'a pas été évaluée à ce jour.

Chez la vache, l'arrêt brutal de la traite est largement répandu en raison notamment de son aspect pratique et de son association quasi systématique avec un traitement antibiotique. L'arrêt progressif de la traite n'est encore majoritairement réservé qu'aux femelles les plus exposées aux infections telles que les vaches perdant leur lait, les fortes productrices,... (Serieys, 1997).

                                                  

Quelques éléments à considérer
 
  • On ne peut pas parler de tarissement brutal si l'on effectue une vidange de la mamelle quelques jours après l'arrêt initial de la traite.
              
  • C'est le fait de ne pas traire qui permet à la mamelle de se tarir.
             
  • Lors du tarissement, la mamelle subit une "involution" (réduction des alvéoles,...) ; des défenses spécifiques se mettent en place ; un bouchon de kératine va progressivement obturer le canal du trayon, cette obturation étant majoritairement observée 7 jours après la dernière traite.
 

               

On évitera donc de rouvrir le sphincter du trayon une fois les animaux taris.

                             

Les restrictions alimentaires

                

Les restrictions alimentaires ont pour principal objectif d'accélérer la chute de la production laitière avant l'arrêt de la traite et de faciliter ainsi le tarissement des animaux (moindre rétention de lait).

Chez la vache, l'incidence de la conduite de l'alimentation au moment du tarissement a donné lieu à des résultats controversés (Oliver et al., 1990; Tucket et al., 2007). Selon certains auteurs, la réduction de l'alimentation favoriserait une obturation du sphincter du trayon plus rapide.

                          

On considère à l'heure actuelle que :
 
  • les distributions individuelles de concentrés doivent être réduites ou arrêtées environ une semaine avant l'arrêt de la traite 
 
  • si des changements de fourrages sont réalisés, ils doivent être progressifs (mise en place de transitions alimentaires)  
                         
 
  • les restrictions alimentaires sévères
    (comme la mise à la paille) et les restrictions d’abreuvement doivent être évitées.
 

 

En résumé et contrairement aux idées reçues : éviter les stress...

                     

Limiter les risques de contaminations bactériennes [1]

 

Il faut mettre l’accent sur l’hygiène du traitement et la nécessité de réaliser une introduction de la canule la moins traumatique possible pour préserver l’intégrité du canal du trayon.

              

Mieux vaut réaliser le traitement en salle de traite pour bien observer les mamelles et procéder calmement en prenant bien le temps de la désinfection avant et après traitement. On cherche ainsi à éviter toute contamination de la mamelle qui surviendrait à l’occasion de l'administration du traitement antibiotique. Il s'agit plus particulièrement de prévenir l'apparition de mammites (sur)aiguës ou chroniques imputables à Pseudomonas aeruginosa ou encore à Aspergillus fumigatus.

                           

Pour ce faire des règles simples doivent être observées
 
  • examiner les premiers jets de lait pour repérer l'existence de mammites cliniques : en cas de symptôme, le moment du tarissement doit être repoussé. La chèvre doit en effet être traitée (traitement en lactation) et être traite deux fois par jour jusqu'à disparition des signes cliniques,
 
  • vidanger complètement la mamelle,
 
  • bien désinfecter (pendant une quinzaine de secondes) l'extrémité du trayon à l'aide serviettes désinfectantes (serviettes à usage unique, le plus souvent fournies avec les produits) ou de compresses (ou coton) imbibées d'alcool à 70°,
 
 
  • introduire la canule avec précaution (éviter d'abraser la couche de kératine),
 
  • utiliser une seringue par demi-mamelle : rien ne permet de penser que l’application d’une demi-dose soit suffisante et l'utilisation de demi-seringue constitue un risque de transfert des bactéries d'une demi-mamelle à l'autre,
 
  • désinfecter (trempage) les trayons après traitement,
 
  • veiller à mettre les animaux dans un environnement sain (attention aux litières contaminées, moisies, ...) et à les maintenir éloignés de l'ambiance de traite.
 

 

Gérer les risques d'inhibiteurs

 

Les délais d'attente peuvent différer en fonction des produits employés.

                    

Dans tous les cas, il est important :

  • de se référer aux préconisations du vétérinaire prescripteur qui seul connaît les modalités d’application du produit administré,
  • de respecter des durées de période sèche d'environ 60 jours à laquelle vient s'ajouter la période colostrale (7 jours), de façon à limiter les risques de trouver des inhibiteurs dans le lait à la reprise de la lactation,
  • d'éviter de livrer le lait a minima pendant les 14 jours qui suivent la mise-bas lorsque la période sèche est écourtée. Une recherche d’inhibiteurs peut s’avérer indispensable lorsque la période sèche est inférieure à 4 semaines (cas par exemple d’avortements)
  • de prévenir l’entreprise qui collecte le lait de tout incident susceptible d’occasionner la présence d’antibiotiques dans le lait livré.

 

Ces recommandations ont été acquises à la suite de travaux réalisés avec une spécialité contenant de la pénicilline, de la nafcilline et de la dihydrostreptomycine (Nafpenzal, disposant d'une AMM caprine) : une absence de résidus a été constatée sur les prélèvements collectés 7 jours après mise bas ; en revanche, 13 % des échantillons collectés pendant la période colostrale contenaient encore des résidus d’antibiotiques et parmi ceux-ci 80% provenaient d’animaux dont la période sèche était inférieure à 60 jours ... (Lohuis et al., 1995)

 

Attention donc :

Chez la chèvre, le risque de trouver des inhibiteurs ne peut être négligé, particulièrement lorsque la spécialité employée a une persistance élevée (40 jours pour certaines spécialités) et/ou que la durée de la période sèche est inférieure à une soixantaine de jours.

 

Notes :

 [1]  On parle de "risques septiques".

 

Pour en savoir plus :

 

Bergonier D., de Cremoux R., Berthelot X., 2010. Spécificités du traitement au tarissement chez les petits ruminants. Bulletin des GTV. 56, 215-226.

 

Serieys F. 2005. Le tarissement des vaches laitières. Ouvrage des Editions France Agricole. 224 pp.