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Influence de la prolongation de la lactation sur la santé de la mamelle chez la chèvre

Publié le par Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
De manière générale, des chèvres infectées, maintenues en lactation, constituent des réservoirs de bactéries pour les autres animaux du troupeau. Il s'agit là d'un facteur de risque que l'on peut minorer en prenant en compte les résultats de concentrations cellulaires dans les critères de choix des animaux à garder en lactation et en privilégiant les animaux présumés sains.

Les lactations longues : une pratique de plus en plus courante

De plus en plus souvent, les éleveurs maintiennent en lactation une partie de leurs chèvres pendant des durées de plus de 16 mois (environ 490 jours) et parfois pendant plusieurs années consécutives. Il peut parfois s’agir d'une alternative à la réforme anticipée de chèvres en échec de reproduction. Dans d'autres cas, on observe un recours choisi aux lactations longues (absence de mise à la reproduction), pratique également en adéquation avec un besoin de simplification du travail. La fréquence et la durée des lactations longues a augmenté progressivement au cours des dernières décennies.

Des éléments de réflexion sur l'incidence d'un prolongement de la lactation

Concernant la santé de la mamelle, les travaux relatifs aux lactations longues sont encore peu nombreux et les résultats encore très partiels.

Deux études vont permettre d'apporter des éléments de réflexion.

  

  • un travail sur la maîtrise de la saisonnalité de la production laitière caprine par synchronisation des chaleurs sans traitement hormonal ou par un allongement de la durée de la lactation a été conduit par l'Institut de l'Elevage en partenariat avec le syndicat de contrôle laitier de Vendée, l’Institut Technique des Produits Laitiers Caprins (ITPLC) et l’INRA- SEIA de Rouillé.
    Cette étude a permis de comparer les concentrations cellulaires de primipares soit conduites en lactation prolongée (environ 18 mois; courbe jaune), soit taries puis remises en production l'année suivante (courbe bleue). Le graphique ci-après montre les résultats obtenus. Le statut infectieux des animaux suivis n'était pas connu et n'a donc pas été pris en compte.

Evolution comparée des concentrations cellulaires chez des primipares remises à la reproduction ou prolongées en lactation (Brice et al., 2003)

      

Au cours des 10 premiers mois de lactation, les concentrations cellulaires avoisinent 800000 cellules par ml en moyenne. Par la suite, chez les primipares taries puis remises en production, on observe à l'issue de la période sèche une diminution des concentrations cellulaires que l'on ne retrouve pas chez les animaux non taris.

     

Ces résultats montrent tout d'abord que la période sèche joue un rôle important dans l'assainissement de la mamelle.

Les primipares conduites en lactation longue présentent ici des concentrations cellulaires plus élevées que celles présentant deux lactations successives : 1238 000 cellules par ml pour les "lactations longues" contre 774 000 cellules par ml pour les autres.

     

  • une seconde étude a été conduite plus récemment (2011) par Céline Charpin (RHÔNE-ALP'ELEVAGE/CRIEL Sud-Est)

Ce travail a été réalisé à partir des données recueillies du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 auprès des adhérents au Contrôle Laitier et mises à disposition à des fins statistiques par la FIDOCL, Fédération des Organismes de Conseil Élevage du Sud-Est.

Les résultats portent sur les 1825 chèvres conduites en lactation longue depuis le 1er janvier 2008 de 149 élevages des départements du Rhône, de la Drôme, de la Loire, de l’Isère, de l’Ardèche, de la Haute-Savoie, de l’Ain et de la Saône et Loire.

Faute de disposer d'analyses bactériologiques, le statut infectieux des animaux a été estimé à partir des résultats individuels de concentrations cellulaires des 10 premiers mois de la première campagne.

Trois classes ont été définies : animaux présumés sains au bout de 10 mois, animaux présumés infectés par des pathogènes mineurs, animaux présumés infectés par des pathogènes majeurs.

L'évolution moyenne des résultats cellulaires de ces trois catégories d'animaux est illustrée ci-dessous :

 

Evolution des concentrations cellulaires des chèvres en lactation longue
en fonction de leur statut infectieux présumé défini à l'issue des 10 premiers contrôles

     

 

 Quelle que soit la catégorie de chèvres observée, les concentrations cellulaires augmentent en moyenne tout au long de la période de suivi (jusqu'au 20ème mois de lactation).

Si l'on considère uniquement les chèvres présumées saines à l’issue des 10 premiers mois de lactation (342 chèvres dont 216 primipares et 126 multipares), on constate que plus de 65 % d'entre elles conservent ce statut entre le 11ème et le 20ème mois de lactation.

Inversement, 35 % ont vu leur statut se détériorer.

Dans une certaine mesure, le statut présumé obtenu au cours des premiers mois de la lactation pourrait être en partie prédictif du statut ultérieur des animaux. Les informations manquent encore pour préciser le rôle dans ces résultats, de la gestion du troupeau ou encore de la pression d'infection dans les exploitations concernées.

Les risques de survenue d'infections sont d'autant plus grands que la pression d'infection est élevée. La présence à la traite de chèvres déjà infectées constitue un facteur de risque pour les animaux sains qui entrent en lactation.

 

Comment limiter les risques de contamination des animaux considérés comme sains ?

 

  • la prise en compte du statut infectieux des animaux (ou tout simplement, du critère "cellules") pour les animaux que l'on souhaite maintenir en lactation, est déterminante. Il s'agit là d'un élément de maîtrise des infections mammaires en élevage.
  • la mise en place d’un ordre de traite reste également un moyen de limiter le risque de transmission des bactéries au cours de la traite
 

Pour en savoir plus :

Compte rendu des travaux conduits sur la "Maîtrise de la saisonnalité de la production laitière caprine par synchronisation des chaleurs sans traitement hormonal ou par un allongement de la durée lactation".

Les lactations longues ou prolongées sont étudiées dans la seconde partie du document.

Sont abordées :

  • la description des pratiques et les motivations des éleveurs,
  • la comparaison entre lactations longues et normales, des laits individuels et des laits de mélange : incidence sur les taux, la lipolyse, valeur technologique pour la transformation fromagère.