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Estimer la fréquence des infections mammaires à partir des résultats de tank : mode d'emploi

Publié le par Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
Les infections cliniques et subcliniques de la mamelle sont à l'origine d'une augmentation des concentrations cellulaires dans le lait. Les comptages cellulaires du lait peuvent donc être employés comme indicateur de la santé de la mamelle de la chèvre. Au cours de ces dernières années, des règles de décision ont été définies et ont permis le dépistage individuel des infections. Cette information n'est cependant pas disponible dans toutes les exploitations. Des analyses sont en revanche régulièrement conduites sur les laits de troupeaux lorsque le lait est collecté par une entreprise laitière. Les résultats de ces contrôles reflètent l'état sanitaire des élevages vis-à-vis des infections mammaires. Encore faut-il savoir les interpréter...

Estimer la fréquence des infections mammaires à partir des résultats de tank : mode d’emploi

Les résultats présentés ci-après proviennent d'une étude sur la relation entre comptages cellulaires individuels et analyses sur laits de de troupeaux dans 155 exploitations inscrites au contrôle laitier situées en régions Poitou-Charentes et Pays de la Loire.

Les statuts infectieux des chèvres ont été estimés à l’aide de séries de comptages cellulaires. De même, l’estimation de la fréquence des infections à l’échelle de l’élevage repose sur l’observation de plusieurs contrôles.

Des moyennes géométriques de concentrations cellulaires du lait de troupeau ont été calculées en prenant en compte les résultats du mois en cours et des 5 mois précédents. A chacune de ces moyennes mobiles, on a fait correspondre une fréquence de chèvres présumées saines ou infectées établie sur la même période.

Correspondance entre classes de moyennes géométriques semestrielles de concentrations cellulaires de lait de troupeau et fréquences moyennes des infections présumées (en %)   

Quelques exemples :

  • Un élevage dont la moyenne géométrique des concentrations cellulaires de lait de tank sur 6 mois est située entre 900 000 et 1 million de cellules par ml comporte en moyenne 58 % de chèvres présumées saines et 6% de chèvres présumées infectées par des pathogènes majeurs.

Il existe une différence entre multipares et primipares, celles-ci étant généralement moins nombreuses à être infectées. 66% des primipares en moyenne seront donc considérées comme saines contre seulement 50 % des multipares.

  • Au delà de 1 million de cellules par ml, plus du tiers du troupeau est présumé infecté. La fréquence des infections à germes pathogènes majeurs est estimée à plus de 10 % lorsque le lait de mélange présente une moyenne de concentrations cellulaires supérieure à 1 500 000 cellules par ml.
  • Si la moyenne des concentrations cellulaires de tank sur 6 mois dépasse 2 millions de cellules par ml, on peut considérer que moins de 45 % des chèvres sont présumées saines alors que plus de 17 % sont cataloguées parmi les chèvres présumées infectées par des pathogènes majeurs.

Attention :

  • il ne s’agit là que de moyennes… Deux troupeaux qui présentent des concentrations cellulaires de tank identiques peuvent cependant avoir des situations différentes sur le plan sanitaire
  • n’oublions pas que les statuts infectieux des chèvres sont seulement estimés à partir des concentrations cellulaires individuelles (et non établis à partir d’analyses bactériologiques). Nous n’avons donc qu’une indication de l’état sanitaire des chèvres, et au-delà, du troupeau…

Derrière les moyennes, des évolutions multiples

L'incidence de différents paramètres sur les concentrations cellulaires de tank comme les proportions de primipares, d’animaux âgés et de chèvres en lactation longue ou prolongée, la période et la répartition des mises-bas, a été étudiée.

Dans l’ensemble, ces paramètres influent davantage sur la cinétique d’évolution des concentrations cellulaires de laits de tanks (sur la forme des courbes...) que sur le niveau cellulaire moyen du troupeau.

C’est notamment le cas de la période et de la répartition des mises bas (en avance de saison vs en saison naturelle) ainsi que de la proportion des chèvres ayant une lactation de plus de 12 mois. 

Courbes moyennes types d'évolution des concentrations cellulaires de laits de tank (exprimées sous forme logarithmique) en fonction de l'étalement des mises bas et du recours aux lactations longues (de Cremoux, 2002)

 

 

Lorsque les mises bas sont plus étalées au cours du temps, lorsqu'il y a davantage de chèvres en lactation longue, les concentrations cellulaires des laits de tank sont plus régulières, plus stables; les courbes sont plus "plates".

 Lorsque les mises bas sont groupées, on observe davantage de saisonnalité avec des courbes "en dents de scie", des baisses plus importantes après la période sèche, des remontées plus marquées en fin de campagne lorsque toutes les chèvres sont en fin de lactation.

Par ailleurs, l’absence de chèvres conduites en lactation longue ou prolongée, et une faible proportion de chèvres âgées (moins de 5 %), sont significativement associées à des numérations cellulaires moyennes inférieures à celles de la population. Pour aller plus loin, il faudrait sans doute savoir différencier les cas où les lactations longues sont subies de ceux où elles sont choisies et où le critère "cellules" a été pris en compte dans la réflexion.

La structure des troupeaux, la conduite de la reproduction et les niveaux cellulaires (qui donnent une idée de la pression d'infection) sont associés à des dynamiques des infections différentes (c'est à dire des évolutions différentes au cours du temps des fréquences des animaux sains et infectés). Ces associations sont illustrées ci-dessous.

Les élevages ont été répartis en 5 classes dont les caractéristiques moyennes sont précisées dans le tableau ci-dessous.                  

Evolution moyenne du pourcentage de chèvres présumées saines selon la structure des troupeaux et le mode majoritaire de gestion des mises bas

 

Lorsque les mises bas se situent majoritairement en saison, la proportion de chèvres présumées saines varie beaucoup au cours du temps avec un maximum atteint en mars-avril et un minimum observé aux alentours du mois d’octobre.

Lorsque les mises bas ont lieu en avance de saison ou lorsqu’elles sont désaisonnées, la proportion de chèvres présumées saines est beaucoup plus stable dans le temps.                   

Les concentrations cellulaires sur le lait de mélange : un outil pour la gestion sanitaire du troupeau…

Les concentrations cellulaires de laits de tanks doivent servir de points de repère pour estimer la proportion de chèvres infectées dans l’exploitation, en veillant à prendre en compte :

  • la période où cette estimation est réalisée (début, milieu, fin de lactation)
  • les particularités de l’élevage en terme de gestion du troupeau (mises bas groupées, conduite en lactation longue d’une fraction des primipares ou des multipares, importance du renouvellement du troupeau,…).

L’objectif, pour l’éleveur, est de surveiller l’évolution de ce critère au cours de l’année mais aussi d’une année à l’autre afin :     

  • de mesurer, à l’échelle du troupeau, l’efficacité des mesures mises en œuvre pour maîtriser les infections mammaires dans son exploitation
  • de déceler les périodes les plus critiques vis-à-vis de la survenue de nouvelles infections afin de rechercher les points prioritaires à maîtriser
  • de mettre en évidence toute détérioration importante et inhabituelle des résultats du troupeau et de rechercher les facteurs susceptibles d’expliquer cette mise en "alerte".

Pour en savoir plus :

de CREMOUX R (2002) : Définition de règles d’interprétation optimales des comptages de cellules somatiques de troupeaux chez la chèvre. Rapport d’Etude Institut de l’Elevage Réf. 130231022(23) - 58 pages

de CREMOUX R., HEUCHEL V., BERNY F. (2001) Description et interprétation des comptages de cellules somatiques de laits de troupeau en élevage caprin - 8e Journées 3R – 2001 : disponible en ligne sur le site des 3R par le lien