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La production de viande bovine au Brésil (427-septembre)

Dossier Economie de l'Elevage n° 427 - septembre 2012

Publié le par Groupe Economie du Bétail GEB (Institut de l'Elevage)
Le Brésil n’est plus l’épouvantail qu’il a pu représenter pour les filières bovins viande à travers le monde dans les années 2002-2007. Mais il faut s’attendre à son retour sur les marchés mondiaux ces prochaines années, après la recapitalisation depuis 2008. Ce retour sera plus modeste que ne le rêvent certains au Brésil, malgré les forces d’une filière qui a su se doter de champions mondiaux tels que JBS, Marfrig ou encore Brasil Food. La consommation intérieure connait un dynamisme certain, au moins comparable à celui de marchés émergents. Et la concurrence des productions végétales comme les réglementations environnementales enfin appliquées limite l’espace de l’élevage bovin viande dans le pays.

Les exportations brésiliennes ont nettement reflué depuis leur sommet de 2007. Est-ce que la conquête du monde par le zébu Nelore est pour autant à ranger dans les espoirs perdus du Brésil ?

 

Bien sûr le Brésil n’est plus l’épouvantail qu’il a pu représenter pour ses concurrents mondiaux au milieu de la décennie passée. Même les plus optimistes des Brésiliens (et c’est pourtant un trait de caractère largement partagé là-bas) ne prétendent plus qu’ils vont à eux-seuls nourrir le monde en viande bovine. Cependant, si la production baisse depuis 2007, c’est d’abord sous l’effet de la recapitalisation qui s’est poursuivie jusqu’à récemment. Tout comme la forte production des années 2003-2007 avait été nourrie par la décapitalisation qui prévalait alors.

 

La baisse des importations européennes depuis ce pays à partir de 2008 a aussi été la conséquence de l’imposition de contraintes supplémentaires imposées à la filière brésilienne. En effet, après plusieurs rapports mettant en cause la fiabilité des systèmes de contrôle sanitaire, la Commission Européenne a exigé une traçabilité spécifique pour les animaux dont la viande est exportée crue. Or ces contraintes ont un coût pour l’éleveur. Et celui-ci n’est pas entièrement compensé par la « prime » offerte par l’abatteur qui peut exporter sur le marché européen. En fait, depuis que la production a baissé et les prix du bétail nettement augmenté, le marché européen n’apparait plus aussi attractif face à des alternatives telles que le marché intérieur, très demandeur, et quelques marchés tiers, tout particulièrement au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.

 

Les différentiels de compétitivité entre Brésil et UE restent considérables. D’abord par le potentiel de production de ce gigantesque pays : potentiel de production fourragère à bas coût ; économies d’échelle dans de très grandes fazendas ; prix du travail… Les comparaisons internationales de coûts de production montrent un écart d’environ 1 à 2 entre les systèmes d’élevages bovins viande brésiliens et européens.

 

Ensuite, la filière bovin viande est considérée par l’Etat brésilien comme un secteur stratégique. Du coup, il fait feu de tout bois pour aider à son expansion. Les réglementations sont encore souples même si elles tendent à se complexifier. En particulier les réglementations sanitaires sont peu contraignantes, malgré les gros efforts réalisés en matière de contrôle et d’éradication de la fièvre aphteuse, qui provoque les embargos les plus dommageables au niveau international. Seul un petit Etat du Sud est aujourd’hui considéré internationalement comme libre de FA sans vaccination, une large région du Nord et du Nordeste est encore aujourd’hui classé comme «?zone à risque?», tandis que les principales régions de production du Sud, du Sud-Est et du Centre-Ouest continuent à vacciner. Ce statut interdit l’export de viandes crues vers les marchés parmi les plus rémunérateurs comme les Etats-Unis, le Japon, la Corée, Taïwan…

 

Cependant ces faibles contraintes sanitaires ont aussi leurs revers, comme des arrêts d’importations suites à des découvertes de résidus d’’antimicrobiens ou d’antiparasitaires dans des containers de viandes brésiliennes (comme récemment en Russie ou aux Etats-Unis…).

 

Le partenariat public-privé se concrétise également dans de très importantes aides d’Etat pour les exploitations agricoles, en particulier sous forme de prêts bonifiés ou d’exemption de taxes, mais surtout à la transformation. Ainsi, les aides à la construction d’unité d’abattage découpe à travers tout le pays ont été massives dans la décennie passée. Si bien d’ailleurs que beaucoup de ces unités flambant neuves ont dû suspendre leurs opérations lors de la baisse de production 2008-2012. Autant d’outils qui peuvent être récupérés à bas prix par les géants du secteur qui se sont encore renforcés depuis le déclenchement de la crise en 2008. Ces trois géants mondiaux de l’industrie des viandes brésilienne (JBS, Marfrig et Brasil Food) ont bénéficié d’apports considérables en capital ou en quasi-fonds propres de la part de la deuxième banque publique (la BNDES) ou de fonds de pension d’entreprises publiques, afin de financer leur expansion internationale.

 

L’Etat investit aussi énormément pour résoudre le principal frein à l’expansion du secteur agro-alimentaire : l’infrastructure de transport nettement insuffisante et très coûteuse des régions enclavées, à travers le PAC, programme d’accélération de la croissance.

Tout serait-il donc en place pour permettre au Brésil de reconquérir la première place des exportateurs mondiaux de viande bovine ?

 

Ce n’est pas si simple. D’abord, au Brésil comme ailleurs la concurrence des productions végétales est plus active que jamais et réduit l’espace disponible pour les pâturages, surtout dans les régions côtières ou dans le Centre-Ouest. Plus loin, dans la zone d’expansion de l’élevage aux dépens de la forêt amazonienne, le front pionnier est désormais freiné par une législation certes assouplie mais qui paraît s’appliquer désormais de façon plus stricte. La pression des ONG s’accroît: elles exigent des grandes surfaces brésiliennes une traçabilité sur les pratiques des élevages dont la viande est issue (respect de la législation environnementale et sur le droit du travail en particulier).

Selon les experts et les chercheurs brésiliens, la solution existe : elle est dans l’intensification de l’exploitation des pâturages existants. Il est vrai qu’il y a de la marge pour augmenter un chargement qui ne dépasse pas aujourd’hui 0,8 UGB/ha en moyenne… Mais la diffusion du paquet technologique est limitée. D’une part l’accès au conseil et aux intrants reste difficile et coûteux en dehors des régions riches. D’autre part, et surtout, les éleveurs pour qui l’élevage est d’abord un mode d’accumulation du capital (bovin et foncier) sans trop de frais ne sont souvent pas prêts à investir. Ou alors, quand ils sautent le pas, une rénovation de prairie signifie la mise en culture durant deux ou trois ans : ils constatent le différentiel de rentabilité entre productions végétales et bovines et en restent souvent aux premières…

 

Pour ces raisons, nous ne prévoyons pas (sauf sécheresse majeure qui entrainerait une décapitalisation massive) que la production atteigne à nouveau le pic de 2006/2007 dans les années à venir. Elle devrait néanmoins augmenter de 10/12% par rapport au bas niveau de 2011. Mais, dans le même temps, la demande intérieure croît à nouveau. Les redistributions de revenus au bénéfice des classes les plus pauvres de la société brésilienne ont été très massives depuis 2003, et la préférence culturelle pour la consommation de bœuf a ainsi pu se concrétiser, avec une élasticité revenu-consommation très importante. Ainsi, toute la production supplémentaire ne serait pas destinée à l’exportation. Selon nos prévisions, à l’horizon 2014-2017, les exportations pourraient se situer aux environs de 1,7 million de téc, à peu près à mi-chemin entre leur pic de 2007 et leur étiage de 2011.

Les chiffres concernant le coût de production ou le prix de revient contenus dans cette publication ne peuvent pas être considérés comme des indicateurs de référence pour la contractualisation calculés par IDELE dans le cadre prévu par la loi EGALIM 2. Pour en savoir plus consultez nos pages Indicateurs de référence pour la contractualisation.