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Elaboration d’une évaluation génomique de la précocité de développement des bovins allaitants

Publié le par Armance Lepers (Institut de l'Elevage), Pauline Martin (INRAE), Sébastien Taussat (Eliance)
L’évaluation génomique de la précocité de développement permettra de sélectionner des animaux qui atteignent plus rapidement leur poids adulte. L’UMT eBIS a développé un modèle à partir des pesées du contrôle de performances et des poids d’abattage. L’évaluation pilote réalisée pour cinq races allaitantes a montré les gains permis par l’utilisation de ce nouvel outil en sélection.

 

Qu’est-ce que la précocité de développement ?

La précocité de développement se rapporte à la capacité d’un animal à atteindre son poids adulte plus rapidement que la moyenne. Cette caractéristique est intéressante pour l'élevage bovin, car elle peut influencer la productivité et la rentabilité de l'exploitation. Pour mesurer cette précocité, on utilise la notion de coefficient de développement, qui évalue la proportion du poids adulte atteint par l’animal au fil du temps.

 

Estimation du coefficient de développement à partir des pesées du contrôle de performance

Différentes pesées sont collectées au cours de la vie des vaches allaitantes et utilisées pour estimer le coefficient de développement. Ces pesées doivent être étalées dans le temps et à différents stades physiologiques de la femelle pour obtenir une prédiction la plus précise possible. La première pesée utilisée est le poids de naissance de l’animal déclaré par l’éleveur, qui peut être mesuré directement ou estimé à partir du tour de poitrine. Ensuite, les pesées au sevrage et au post-sevrage, réalisées par le contrôle de performance, sont incluses dans le modèle. Enfin, lors de l’abattage, le poids de carcasse de l’animal est enregistré dans la base de données NORMABEV. Ce poids de carcasse, multiplié par le rendement, permet d’obtenir un poids vif à l’abattage proche du stade adulte de l’animal. À partir de l’ensemble de ces pesées, il est possible de modéliser la courbe de développement des vaches allaitantes grâce à l’équation de Brody (Brody S., 1945):  Poids(𝑡) = Poids adulte -(Poids adulte − Poids naissance) e-αt. La valeur α de cette équation correspond ainsi au coefficient de développement.

 

Figure 1 : Schéma de la courbe de développement estimée à partir des pesées individuelles disponibles

 

Pour obtenir une estimation fiable du coefficient de développement, seules les femelles abattues après 4 ans et avec un minimum de 4 pesées enregistrées sont conservées pour les analyses. Autre condition, l'erreur standard du poids adulte, également estimée avec l'équation de Brody, doit être inférieure ou égale à 80 Kg.

Les cinq races étudiées, à savoir l’Aubrac, la Blonde d’Aquitaine, la Charolaise, la Limousine et la Parthenaise, présentent des courbes de croissance légèrement différentes en termes de précocité (Figure 2). La race Aubrac est la plus précoce avec un coefficient de développement de 0,0018, ce qui correspond à près de 56% de son poids adulte atteint à 15 mois. Les quatre autres races ont, quant à elles, des coefficients de développement comprises entre 0,0013 et 0,0017. La parthenaise, qui est la moins précoce des cinq, n’atteint que 47 % de son poids adulte à l’âge de 15 mois.

 

Figure 2 : Courbes de développement moyennes par race basées sur l’ensemble des animaux phénotypés

 

Développement d’une évaluation pilote pour cinq races allaitantes

L'étude préliminaire a révélé que le coefficient de développement, estimé à l'aide de l'équation de Brody, présentait une héritabilité modérée, oscillant d’une race à l’autre entre 0,22 et 0,25, avec une moyenne de 0,24. Une variabilité génétique a aussi été observée avec un coefficient de variation génétique moyen de 9.09% pour l’ensemble des races. Ces résultats ont ouvert la voie à une évaluation génétique afin d'estimer les valeurs génétiques du coefficient de développement des animaux.

Une évaluation single-step à été réalisée à partir des données recueillies sur plus de 460 000 femelles Charolaises, 270 000 Limousines, 93 000 Blondes d'Aquitaine, 38 000 Parthenaises et 7 000 Aubracs (Tableau 1).

Tableau 1 : Nombres d’animaux utilisées pour l’évaluation pilote du coefficient de développement.

Les résultats révèlent que l’amélioration du coefficient de développement de l’ordre d’un écart-type d’index équivaut à un gain de vitesse de développement de 9.86% et à une réduction du temps nécessaire pour atteindre la moitié du poids adulte de 1,3 mois.

Ce même gain d’un écart-type d’index peut aussi être exprimé à un âge fixe. Par exemple à l’âge de 15 mois, les animaux génétiquement plus précoces ont atteint 3.2% de leur poids adulte en plus par rapport aux animaux ayant un index proche de la moyenne.

 

Analyses complémentaires et mise en application

Pour poursuivre ces travaux, les corrélations avec d'autres caractères clés ciblés pour la sélection doivent être explorées. L'application en routine de l’évaluation est prévue dans un avenir proche, ouvrant ainsi la possibilité de sélectionner les animaux les plus précoces dans les élevages bovins allaitants.

 

Pour aller plus loin :

Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet Precobeef 2. Financé par APIS-GENE et piloté par l’Institut de l’Elevage, ce projet est réalisé en collaboration avec INRAE, Eliance, l’UMTeBIS, Races de France et GenEval. Il vise à accroître l'efficience des animaux et des élevages en favorisant l'utilisation d'animaux génétiquement plus précoces aussi bien sexuellement qu’en termes de développement.

Ces travaux seront présentés aux 3R 2024 ainsi qu’à l’EAAP 2024.

Les travaux précédemment réalisés dans le cadre de Precobeef 1 sont disponibles via les liens suivants :

 

Référence

Brody, S., 1945. Bioenergetics and Growth. Reinhold Publishing Corporation, New York.