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De nouvelles anomalies génétiques liées à la mortalité des génisses

Publié le par Florian Besnard (Institut de l'Elevage), Capitan Aurélien (INRAE)
Les taux de mortalité observés sur les génisses durant leurs 18 premiers mois de vie vont de 11 à 22% en races bovines laitières. Or certains taureaux, induisent des mortalités particulièrement élevées chez leurs descendants. L’étude de ces taureaux a mis en évidence deux nouvelles anomalies génétiques en partie responsables de ces mortalités juvéniles. Ces résultats permettront de mettre en place de nouveaux tests génétiques utilisables en sélection afin d’améliorer la vitalité des génisses.

 

La mortalité juvénile a un coût important pour les élevages

Avec des coûts d’élevage allant de 1 200 € à 2 000 € en incluant la main d’œuvre, les génisses sont un important poste de dépense pour les éleveurs. Aussi, la baisse de la mortalité des veaux en élevage est un enjeu de taille.  11,9% des femelles laitières meurent avant d’atteindre 1 an, chiffre qui s’élève à 15,1% pour les mâles de races laitières.

Différentes périodes critiques ont été identifiées :

  • la mortalité périnatale liée pour 80% à des difficultés de vêlage (dystocie),
  • la mortalité postnatale (jusqu’à 55 jours) due à des infections intestinales
  • les mortalités pré et post-sevrages principalement induites par des infections pulmonaires.

 

Des taux de mortalité très élevés liés à certains reproducteurs

La sélection génomique est un outil performant de gestion des anomalies génétiques dans les populations françaises de ruminants à condition de bien connaitre la généalogie des animaux et d’avoir identifié les mutations génétiques délétères. Cependant, associée à une sur-utilisation de certains reproducteurs, elle peut conduire à augmenter la fréquence d’apparition de certaines mutations non identifiées jusqu’alors et délétères pour la survie des veaux. Une étude approfondie de la mortalité juvénile chez les descendants des taureaux sélectionnés a été lancée suite à diverses déclarations faites à l’observatoire nationale des anomalies bovines (ONAB). Ainsi, des taux de mortalité particulièrement élevés ont été observés chez certains reproducteurs très utilisés. Par exemple, un taureau utilisé pour plus de 500 inséminations en France et en Belgique, voit le taux de mortalité de ses veaux à un an s’élever à plus de 30%, avec un taux de mortalité dans les premiers jours de vie de 12% nettement au-dessus des 2-3% de moyenne. Un autre taureau père de 3 000 filles, induit chez ses descendants un taux de mortalité à un an de l’ordre de 20%.  

 

Deux nouvelles anomalies génétiques détectées

Après plusieurs examens cliniques, réalisations de caryotypes, analyses de cartographies en utilisant la méthode dite cas/contrôle, et recherche de variants candidats, deux nouvelles anomalies ont pu être mises en évidence.


Le 1er taureau (Mo) est porteur d’une translocation chromosomique (une partie du chromosome BTA29 étant rattachée au chromosome BTA26, illustré sur la figure 1) qui peut causer diverses malformations.

 

Figure 1: Représentation de la translocation 26-29 du taureau. Il s’agit ici d’un reproducteur dit « transloqué équilibré ». Tous les gènes sont bien présents dans son génome. Cependant une portion du chromosome 26 se trouve sur le chromosome 29 (en bleu). Elle remplace une portion du chromosome 29 qui se retrouve dans le chromosome 26 (en orange). Cela va induire des anomalies chez les descendants qui auront soit une partie du matériel génétique absent (monosomie), soit du matériel génétique en trop (trisomie). Les individus trisomiques meurent à l’état embryonnaire. Les individus monosomiques naissent mais meurent dans les premières semaines de vie.

 

Le second taureau présente une mutation dominante sur le gène GATA6, causant des malformations cardiaques (Figure 2 représentant la mutation qui coupe une partie du gène).

Figure 2: Représentation de la mutation GATA6. Les exons correspondent au code ADN sur lequel sont notées les diverses mutations (texte bleu ou rouge) détectées dans la bibliographie. La mutation GATA6 se trouve dans l’exon2. La ligne en bleu représente la partie de l’ADN qui est traduite en protéine. La mutation GATA6 génère un STOP qui cause un arrêt de la traduction de la protéine (partie rouge). Par conséquent, la protéine produite est 30% plus courte que la normale, ce qui induit des malformations cardiaques.

 

L’étude est toujours en cours afin de rechercher et caractériser d’autres zones du génome et idéalement d’autres mutations responsables de surmortalité juvénile.

 

De nouveaux tests génétiques pour améliorer la vitalité des veaux

Ces travaux vont élargir la gamme de tests en sélection génomique aux gènes impliqués dans la surmortalité juvénile. Au-delà des impacts économiques évidents, une réduction de la mortalité des veaux induira des gains en termes de santé animale, de bien-être, d’empreinte environnementale et de perception sociétale.

 

Pour aller plus loin

Cette étude a été publiée dans Journal of Dairy Science : https://doi.org/10.3168/jds.2022-22365.

Elle a été réalisée dans le cadre de la thèse CIFRE Selvig2 menée par Florian Besnard. Ce projet vise à réduire la mortalité juvénile des bovins par l’identification de mutations causales l’ajout de ces mutation au système d’évaluation génomique existant, afin de les gérer dans les populations bovines.

Le projet est co-financé par l’Agence Nationale de la Recherche et la Technologie ainsi que par APIS-GENE. Son encadrement bénéficie du soutien du Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.