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L’index d’état corporel, prédicteur de la mobilisation des réserves au cours de la lactation ?

Publié le par Didier Boichard (INRAE), Rachel Lefebvre (INRAE GABI), Pauline Martin (INRAE)
L’index d’état corporel reflète l’état moyen des vaches laitières mais informe-t-il également sur les variations de mobilisation des réserves corporelles et d’ingestion au cours de la lactation ? Cette expérimentation du projet Deffilait apporte des éléments de réponse.

 

Risque de mobilisation des réserves corporelles excessive en début de lactation

En début de lactation, la production augmente plus vite que l’ingestion et le bilan énergétique est négatif. La mobilisation corporelle après vêlage et sa récupération ultérieure constituent un processus d’adaptation pour franchir cette étape critique. Mais lorsqu’elle est excessive, la mobilisation est un facteur de risque induisant des problèmes de santé et de reproduction.

 

L’index d’état corporel reflète l’état corporel moyen des vaches

La note d'état corporel (ou BCS pour Body Condition Score) offre une bonne estimation de la quantité de lipides stockée et ses variations sont un bon indicateur du bilan énergétique. Toutefois, le suivi de l’état corporel est relativement lourd et peu précis, même pour des pointeurs qualifiés, et sa cinétique est rarement disponible. Même si l’état corporel est noté dans le cadre des pointages morphologiques et fait l’objet d’une évaluation génomique précise (grâce à la grande taille de la population de référence), cette évaluation reflète l’état corporel moyen et pas forcément ses variations, car elle ne prend en compte qu’une mesure par vache.

Cet index informe également sur l’intensité de mobilisation des réserves

Afin de déterminer si l’index état corporel est utilisable pour mieux prédire et limiter la mobilisation corporelle en début de lactation, la relation entre l’index génomique BCS et les dynamiques de production laitière, d’ingestion, de poids vif et d’état corporel au cours de la lactation a été étudiée.
Les résultats montrent que les vaches Holstein avec un index BCS positif (en vert sur la figure ci-dessous) ont une note d’état plus élevée que les vaches avec un index BCS négatif (en rouge sur la figure ci-dessous), quel que soit le stade de lactation. Cette différence double au cours des six premiers mois pour atteindre 0,8 point. Un effet similaire est observé pour le poids vif. L’ingestion augmente un peu plus rapidement en début de lactation pour les vaches avec un index BCS positif. Les vaches à index BCS négatif produisent légèrement plus de lait (environ 3 % sur la lactation) à index lait constant.

Figure : Evolution, au cours de la lactation, de la note d’état corporel (point), de la production laitière (kg), de l’ingestion (kg de matière sèche) et du poids vif (kg) de vaches Holstein avec un index d’état corporel positif (BCS+) ou négatif (BCS-) (Source INRAE 2022)

L'index BCS n’est donc pas seulement une prédiction de l’état corporel moyen mais il informe également sur l’intensité de la mobilisation corporelle et la dynamique de l’ingestion en début de lactation. C’est un outil prometteur qui pourrait contribuer à limiter la mobilisation intense et à accroitre l’augmentation d’ingestion en début de lactation.

 

Une étude basée sur plus de 680 lactations en race Holstein

Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet ANR-ApisGene Deffilait. Elle reposait sur les données de 686 lactations de vaches Holstein dans trois fermes expérimentales (le Pin, Méjusseaume, les Trinottières). Les productions laitières, le poids vif et l’ingestion étaient mesurés quotidiennement, les taux butyreux et protéique une ou deux fois par semaine selon la ferme, et l’état corporel est noté une à deux fois par mois par des pointeurs entrainés. Les vaches ont été génotypées et leur valeur génomique BCS a été prédite à partir de leurs génotypes. Il est important de noter que leur phénotype (la note d’état corporelle) n’a pas été pris en compte dans l’estimation des effets SNP.
Chaque caractère a été analysé avec un modèle prenant en compte différentes régressions de l’index état corporel, en sus du groupe de contemporains (ferme x jour), du stade de lactation et de différents facteurs. Ces régressions ont permis d’estimer l’impact de l’index BCS à chaque stade de la lactation.


Ces travaux sont soumis à la revue Journal of Dairy Science (Lefebvre et al).