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PRECCAVAL: La vache allaitante efficiente dans l’élevage de demain

Publié le par Sébastien Taussat (Eliance), Pauline Martin (INRAE), Aurélie Vinet (INRAE GABI)
Dans les élevages de bovins allaitants, la vache efficiente doit notamment atteindre la puberté tôt, afin de réduire les périodes improductives, valoriser les fourrages de façon optimisée et s’adapter aux variations de ressources fourragères disponibles tout en assurant la croissance de son veau. L’expérimentation PRECCAVAL a montré d’une part comment la sélection génétique peut améliorer la précocité sexuelle des génisses Charolaises et son lien avec l’efficience alimentaire. D’autre part, les résultats décrivent comment les vaches allaitantes Charolaises répondent et s’adaptent à une période de restriction alimentaire.

 

La vache allaitante efficiente doit s’adapter aux variations de ressources fourragères

La question de l’efficience des bovins a fait l’objet de nombreuses recherches ces dernières années, en particulier en bovins laitiers. Mais quand on s’intéresse aux bovins allaitants, la situation devient tout de suite plus compliquée. En effet dans une population de bovins allaitants, il existe différentes sous-populations d’animaux : les reproducteurs (les mères), les animaux de renouvellement (les génisses) ainsi que les animaux en finition (producteurs de viande). Chaque sous-population a des besoins spécifiques impliquant une alimentation différente, et il est attendu du troupeau de mères qu’elles valorisent des ressources fourragères. Toutefois, la disponibilité des fourrages est soumise aux aléas météorologiques et, dans le contexte de changement climatique actuel, des limitations sont de plus en plus à craindre à certaines périodes de l’année. La question de l’adaptation des animaux à ces phénomènes est également posée.

 

PRECCAVAL : Précocité et Capacité Adaptative de la Vache Allaitante

Pour explorer ces différentes problématiques, une expérimentation de grande envergure a été menée conjointement sur les domaines expérimentaux INRAE du Pin-au-Haras et de Bourges-La-Sapinière entre 2011 et 2020. Nommée PRECCAVAL pour Précocité et Capacité Adaptative de la Vache Allaitante, cette expérimentation s’est notamment inscrite au sein des projets de recherche BEEFALIM 2020 et GenTORE. Ce projet était composé de deux phases : dans un premier temps, 633 génisses Charolaises ont été suivies de leur naissance jusqu’à 2 ans afin d’étudier leur croissance et leur précocité sexuelle. Cette première phase se terminait par un passage de trois mois en station de contrôle individuel permettant d’estimer leur efficience alimentaire. Puis, 340 de ces femelles ont poursuivi leur carrière et leur résilience au cours de la lactation a été étudiée lors d’un challenge alimentaire : En début de lactation et pendant tout l’hiver, la moitié des vaches était nourrie ad libitum quand l’autre moitié avait une ration restreinte de 30%. Les deux groupes étaient ensuite conduits ensemble à partir de la mise à l’herbe pour une phase de récupération jusqu’à mi-juillet. A la ferme du Pin, les femelles pouvaient effectuer jusqu’à 3 lactations successives, amenant le total de lactations à 592.  

 

La précocité sexuelle liée à l’efficience alimentaire entre autres

L’étude de la phase génisse a permis de montrer que les conditions d’élevage ont un effet très fort sur la précocité sexuelle. Lors de cette expérimentation, deux saisons de naissance ont été définies : hiver (naissance d’octobre à janvier) et printemps (naissance de février à mai). Les résultats montrent que les animaux nés au printemps atteignent l’âge de la puberté, avec 2 mois d’avance par rapport aux femelles nées en hiver. L’analyse génétique de l’âge à la puberté a également permis de montrer que son héritabilité est modérée (0,21 ± 0,08), et qu’il existe pour ce caractère une corrélation génétique positive avec le poids de naissance (0,30 ± 0,21) et négative avec la croissance naissance – sevrage (-0,33 ± 0,23). Une sélection génétique visant à combiner la réduction du poids de naissance et l’augmentation de la croissance permettrait ainsi de surcroit d’améliorer la précocité sexuelle des génisses Charolaises. Le contrôle individuel des génisses mis en place en fin de croissance a eu pour conséquence d’obtenir une ingestion résiduelle expliquée principalement par les besoins d’entretien et peu par la croissance. L’héritabilité estimée de ce caractère est faible (0,09) mais une tendance existe sur une relation génétique positive avec l’âge à la puberté (0,47 ± 0,46), montrant que les animaux efficients pourraient être plus précoces que les autres.

 

Une restriction alimentaire a un impact équilibré sur l’ensemble des fonctions biologiques des vaches Charolaises

Le challenge alimentaire mené sur les femelles en lactation a, quant à lui, montré que tous les caractères étudiés (poids de la mère et du veau, état corporel de la mère, production laitière et récupération de la cyclicité) avaient été affectés par la restriction alimentaire, et ce dans une intensité comparable. Cette réponse équilibrée de la race Charolaise se retrouve entre les profils déterminés par des études antérieures (INRAE de Theix) pour des femelles Salers (qui favorisaient leur veau) et des femelles Limousines (qui favorisaient le maintien de leurs propres réserves).

 

Les vaches Charolaises privilégient leur veau avant de rétablir leurs réserves corporelles

Toutefois, après la fin de la restriction, les Charolaises semblaient prioriser davantage la récupération des fonctions de lactation et de reproduction par rapport à leurs réserves propres (poids et état corporel). Il n’y avait néanmoins plus de différence de poids ou d’état entre les femelles ayant été restreintes ou non en début d’hiver suivant. Une étude plus détaillée des femelles restreintes a permis de mettre en évidence une certaine variabilité de réponse entre les animaux avec l’identification de différents profils types.
Une comparaison des performances des femelles adultes par rapport à leur efficience alimentaire déterminée lorsqu’elles étaient génisses a montré que les génisses efficientes donnaient des mères légèrement plus lourdes qui produisaient un peu moins de lait.
L’ensemble de ces éléments doit être pris en compte par la filière dans les choix à faire pour l’élevage allaitant de demain.

 

Pour aller plus loin…

Ces résultats sont en cours de publication. Ils feront également l’objet d’une présentation aux journées 3R 2022 ainsi que d’un article dans le prochain INRAE productions animales.