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Développement d’une sélection génomique applicable aux bovins et aux buffles dans une grande ONG indienne : la BAIF

Publié le par Ana Guintard (INRAE), Vincent Ducrocq (INRAE Jouy (78))
Depuis plusieurs années les projets se succèdent pour que l’Inde, premier producteur mondial de lait, puisse mettre en place une sélection génomique bovine durable. Après le génotypage de milliers d’individus et la mise en place d’un contrôle de performance, la thèse d’Ana Guintard a pour objectif de poursuivre ces travaux et développer une évaluation génomique adaptée aux spécificités indiennes.

 

L’Inde, premier producteur mondial de lait

Avec près de 300 millions de bovins – essentiellement des zébus et des croisés zébus x taurins - et buffles, l’Inde est le premier producteur mondial de lait. Le lait est un élément central de l’alimentation, notamment pour la population végétarienne (un habitant sur trois) pour laquelle il représente la source principale de protéines animales. La croissance démographique ainsi que l’augmentation du niveau de vie induisent une forte augmentation de la demande en lait. Pour y répondre et maintenir l’auto-suffisance, une augmentation de la productivité, pour le moment très faible, est nécessaire.

 

Les opportunités de la sélection génomique

Dans les pays occidentaux, l’amélioration de la productivité a été rendue possible depuis plusieurs décennies grâce à la sélection génétique. Basée sur une bonne connaissance des parentés et un contrôle laitier très répandu, elle permet d’identifier les animaux avec les meilleures valeurs génétiques pour les caractères d’intérêt, et de les utiliser comme reproducteurs afin de générer un progrès génétique. Dans le contexte indien où les éleveurs possèdent en moyenne deux vaches, et où les généalogies ne sont pas collectées faute d’identification généralisée, la mise en place d’une sélection génétique comme en Europe n’était donc pas envisageable. L’apparition de la sélection génomique dans les années 2000 a marqué un tournant dans la sélection animale des pays développés. Pour les pays en développement, l’évaluation génomique est une opportunité pour mettre en place une sélection, en comblant l’absence de parenté connue par l’information de marqueurs moléculaires.

Une population de référence femelle indienne constituée

Depuis quelques années, plusieurs projets ont vu le jour pour que l’Inde puisse mettre en place une sélection génomique. L’unité GABI de l’INRAE et la BAIF Development Research Foundation (grande ONG d’inspiration gandhienne, au service des paysans les plus pauvres), ont initiée une collaboration dès 2003. Elle a été renforcée en 2018 avec la création du Laboratoire International Associé (LIA) « Genetic IMprovement of Indian Cattle and Buffaloes – GIMIC ». Une population de référence de femelles a été constituée grâce à cette étroite collaboration ainsi qu’au financement par la fondation Bill et Melinda Gates (BMGF) de milliers de génotypages et de la mise en place d’un contrôle de performance dans 6 états. La première évaluation génomique a vu le jour en 2020 en Australie, mais cette dernière reste encore expérimentale.

 

Développement d’une sélection génomique adaptée et durable

C’est dans ce contexte que s’inscrit la thèse d’Ana Guintard, réalisée au sein de l’unité GABI et dirigée par Vincent Ducrocq (INRAE). L’objectif est de participer à l’élaboration d’une évaluation génomique adaptée aux spécificités indiennes (très petits troupeaux, animaux croisés, fortes interactions génotype x environnement). Le choix des caractères sera déterminant pour développer une sélection génomique qui soit durable : jusqu’à présent, les travaux se sont majoritairement concentrés sur le caractère laitier, mais pris en compte seul, cela conduirait à la détérioration de la résilience des animaux. Dans un premier temps, les travaux seront menés sur les bovins, avant d’être étendus aux buffles. A plus long terme, l’objectif est de montrer la faisabilité d’une sélection génomique durable dans les pays tropicaux.