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Des leviers pour questionner et améliorer l'organisation et les conditions de travail en circuits courts

Publié le par Françoise Morizot-Braud (CERD), Didier Mahé (CRA Bretagne), Laurence Rouher (AFIPAR), Emmanuelle Souday (CRA Pays de la Loire), Marie Vandewalle (ARVD Hauts de France), Maude Chabert (Maison de l'agriculture biologique 22)
Le guide méthodologique « accompagner le travail en circuits courts » a traité 5 thématiques du travail des exploitations en circuits courts : Interroger sa stratégie : les circuits courts en cohérence avec l’ensemble de la ferme, Entre polyvalence et spécialisation, faire les bons choix d’organisation, Associés, salariés, construire une équipe dynamique et impliquée, Locaux et équipements : penser ergonomie dès la conception, Charge mentale : la reconnaître et la soulager Pour mieux accompagner les producteurs, 10 fiches leviers présentant des leviers techniques viennent apporter un éclairage supplémentaire sur ces problématiques.

Interroger sa stratégie : les circuits courts en cohérence avec l’ensemble de la ferme

En maraichage, une gamme en cohérence avec les ressources du système

Si chaque installation en maraîchage est unique, certaines tendances existent. Du grand jardin aux légumiers/polyculteurs, on retrouve plusieurs systèmes et organisations.

La gamme en maraîchage va changer en fonction des systèmes, elle va de la gamme très large (20 à 35 légumes) avec parfois de la diversification (poules pondeuses, arboriculture, petits fruits) à une gamme réduite de 1 à 5 légumes. Plus la ferme est spécialisée en circuit court et plus la gamme est importante.

La pression de l’investissement est un facteur clé dans les contraintes qui vont peser sur chaque gamme de légume, tunnel, planteuse, arracheuse etc. Ces choix d’investissements et de système auront aussi un impact sur le travail et la main-d'œuvre à mobiliser. Enfin, la gamme est définie par les possibilités de débouchés qui s’offrent à la ferme et doit être en adéquation avec le territoire.

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Outils collectifs de commercialisation : un équilibre à entretenir

Un outil collectif de commercialisation est un moyen de commercialiser collectivement les produits de plusieurs fermes. L’outil de commercialisation peut prendre plusieurs formes : système de dépôt avec ou sans commande en ligne, magasin de producteurs, système de panier avec ou sans contractualisation des clients…

L’outil collectif permet aux fermes membres d’élargir la gamme de produits et les volumes proposés à la vente et de mutualiser les moyens de commercialisation (site internet, bâtiment, temps de commercialisation, compétences commerciales…). Il s’agit d’un levier pour développer un point de vente attractif pour capter plus de nouveaux clients en optimisant les moyens alloués. À l’inverse, l’engagement dans un outil collectif apporte de nouvelles contraintes : une logistique nouvelle et l’investissement dans le fonctionnement de l’outil. La plus grande difficulté rencontrée par les fermes membres d’outils collectifs de commercialisation est l’humain. En effet, la vision commune de l’outil évolue avec les stratégies des différentes fermes membres qui peuvent ne plus s’y retrouver, source de tension et de dysfonctionnement. L’humain est aussi la plus grande richesse apportée par l’outil collectif.

Entre polyvalence et spécialisation, faire les bons choix d’organisation

En Circuits courts, le travail se fait aussi en dehors de la ferme

En circuits courts, le travail est aussi à réaliser à l'extérieur de la ferme. C’est le cas des activités de commercialisation et parfois de celles de transformation qu’elles soient réalisées par le ou les producteurs, dans un atelier loué, un atelier collectif, ou à un prestataire : il y a, dans ce cas, a minima à assurer la logistique. Les leviers à mobiliser varient en fonction de la fréquence et durée de ses absences (2 jours par semaine, ou 1 journée tous les mois ?), des activités réalisables par les personnes toujours disponibles sur la ferme (les producteurs en circuits courts exploitant seuls sont sous tension)… Actionner, dans les faits, les leviers permettant de quitter la ferme est une nécessité absolue : la charge mentale des producteurs en circuits courts est déjà forte. Les journées à rallonge sont en soi une charge mentale en ceci qu’on les redoute lorsqu’elles se profilent. Cela peut entraîner des dommages sur la santé mentale.

La charge mentale est majorée pour les gérants de l’activité qui coordonnent les activités, le collectif de travail, les intervenants extérieurs, ils veillent à tout pour prendre les bonnes orientations, assurent le lien avec les partenaires de la ferme, trouvent des solutions en cas d’absence, interviennent pour réguler les relations…

S’organiser pour s’absenter de la ferme afin de réaliser des tâches à l’extérieur permettra dans certains cas (équipements, remplacement…) de s’absenter pour des congés, de limiter les conséquences d’un arrêt maladie.

Associés, salariés, construire une équipe dynamique et impliquée

Recruter, encadrer, fidéliser du personnel sachant découper les carcasses d’animaux et les transformer

Le contexte : Un marché du travail en tension dans le domaine de la découpe et de la transformation de viande notamment de bovins, mais avec une remontée du nombre d’apprentis depuis 5 ans. Des personnels nouvellement formés, pas toujours en capacité de prendre en charge des ½ carcasses.

Ce qui est rare est cher. Les salaires de ces personnels freinent leur embauche par les producteurs et enchérissent les attentes de ces derniers « au prix qu’il coûte, on a décidé de leur faire faire exclusivement de la découpe ». Des éleveurs qui vont chercher auprès des métiers de la boucherie des compétences qui leur font parfois défaut.

Des échanges nécessaires entre employeur et salarié, entre personnel compétent pour la découpe et utilisateur du service (l’éleveur) pas si faciles.

Communiquer avec et entre salariés

La qualité de la communication au sein d’un collectif de travail est un élément central en matière de fidélisation des salariés. Elle est comme le carburant qui permet au collectif de fonctionner.

Les salariés attendent des relations de collaboration et pas de domination.

Une communication maladroite et des consignes vues comme des directives peuvent contribuer à un sentiment de domination.

Pour plus d’efficacité, le développement des activités passe souvent par la spécialisation des postes, avec moins de proximité physique au sein de l’équipe de travail, et des risques pour la communication au sein du collectif.

Une diversité de moyens existe pour permettre et renforcer la communication au sein du collectif. La communication au sein de l’entreprise est une activité à part entière et, comme toute activité, elle doit être organisée, préparée, animée et suivie. Elle doit aussi permettre d’assurer la réactivité nécessaire par rapport aux réponses à apporter aux demandes de la clientèle.

Recrutement et fidélisation des salariés en circuits-courts

Les fermes en circuits courts emploient généralement de la main-d’œuvre pour la conduite des activités de production, de transformation et de vente, avec différentes répartitions possibles des activités entre exploitants et salariés.

Les problématiques liées à l’emploi de cette main-d’œuvre salariée sont multiples :

  • La capacité de l’exploitation à dégager un résultat suffisant pour embaucher et à se développer éventuellement pour cela,
  • L’acceptation par l’employeur du coût du salariat et l’identification de la plus-value associée à cette main-d’œuvre,
  • Le repérage des compétences stratégiques pour les activités de transformation et vente et les modalités pour s’assurer qu’elles soient bien assurées dans le temps,
  • L’évolution du métier des associés une fois devenus employeurs,
  • Les modalités de recherche des personnes compte tenu des profils spécifiques attendus,
  • La définition du profil de poste avec la recherche de compétences spécifiques et des demandes de multi compétences,

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Locaux et équipements : penser ergonomie dès la conception

Maintenance préventive des équipements de transformation

Dans une ferme, il est rare qu’il existe un service maintenance. L’agriculteur n’en a pas toujours la compétence et celle-ci n’est généralement pas formalisée. Cela rend les exploitants dépendants des fournisseurs et d’intervenants extérieurs, avec des réparations souvent coûteuses. De même, les procédures concernant l’utilisation des équipements sont peu utilisées ou inexistantes, alors qu’elles pourraient permettre une délégation des tâches et favoriseraient la polyvalence des acteurs.

La moindre défaillance d’équipement peut désorganiser le travail en circuit court avec un impact économique quasi systématique. Cela pèse aussi sur le collectif de main-d’œuvre, de par la perte de temps générée et l’allongement de la durée de travail pour réaliser la même tâche qu’avec un équipement fonctionnel, et d’autre part une charge mentale supplémentaire. Cela amène parfois à revoir l’offre « produit », replanifier les livraisons, trouver un réparateur efficace rapidement. Si ces pannes et dysfonctionnements se répètent, c’est une démotivation générale de l’équipe qui est à craindre quand l’équilibre prend du temps à être retrouvé.

Enfin, l’enjeu sanitaire est à ne pas oublier, car ces problèmes de maintenance peuvent concerner des équipements sensibles (pasteurisateur, chambres froides…) ou amènent l’atelier à adopter un fonctionnement dégradé le temps du retour à la normale.

Gagner du temps et du confort de travail en maraîchage en circuits courts (récolte/lavage/conditionnement/chargement)

Les fermes maraîchères commercialisant leur production en circuits courts doivent faire face à une charge de travail importante avec une forte sollicitation du corps : gestes répétitifs, postures à risques (travail à genou, penché en avant), port de charges lourdes, le tout dans des conditions parfois éprouvantes (humidité, froid…). Cette activité expose donc aux troubles musculosquelettiques (TMS). Une étude récente sur les micro-fermes en maraîchage Bio1 a d’ailleurs confirmé toute l’importance de l’ergonomie et de la préservation de la santé des producteurs pour la réussite des installations dans ce secteur. Les activités de récolte, lavage et conditionnement constituent un poste important : 20 à 30 % du temps y est consacré en moyenne sur l’année et parfois jusqu’à 40 à 50 % en saison. Il est donc important de l’optimiser en termes de temps et de confort de travail.

  • Les heures économisées sur ce poste sont autant de temps libéré pour la commercialisation.
  • De bonnes conditions de travail permettent de préserver la santé des associés et des salariés. Dans un secteur qui recourt beaucoup à la main-d’œuvre extérieure, notamment saisonnière, c’est un atout supplémentaire pour le recrutement et la fidélisation des salariés.

Charge mentale : la reconnaître et la soulager

La charge mentale des contrôles

Les réglementations encadrant les circuits courts sont nombreuses. En plus de la production, elles portent aussi sur la transformation et sur la commercialisation : Paquet hygiène pour le sanitaire, matériels froid, étiquetage, contrôle des balances etc. Elles exigent souvent de la part des producteurs en circuits courts l’acquisition de connaissances et un suivi en continu des exigences notamment sanitaires.

Par ailleurs, ces réglementations souvent pensées pour les entreprises agroalimentaires sont difficiles à appliquer telles quelles par les petites unités de transformation. Les Guides de Bonnes Pratiques d’hygiène (GBPH) dédiés aux circuits courts étaient jusqu’à présent peu nombreux. La diversité et parfois l’inadaptation aux petites structures des réglementations sanitaires génèrent souvent l’impression pour le producteur « de ne jamais être en règle » et créent de fortes charges mentales lors des contrôles.

De plus face aux inspecteurs, le producteur sous la pression, n’arrive pas toujours à expliquer suffisamment clairement ses modes de fonctionnement pour maîtriser la qualité sanitaire de ses produits. Certains contrôleurs communiquent avec un jargon très administratif, éloigné de la réalité des producteurs. Ils peuvent attacher plus d’importance aux enregistrements qu’aux pratiques réelles, ce qui déstabilise le producteur et peut le conduire à rejeter globalement la réglementation.

Piloter efficacement et sereinement ses consommables sur son exploitation

Les consommables sont l’ensemble des intrants directs ou indirects nécessaires au bon fonctionnement de l’atelier de transformation fermière. Ces consommables sont multiples, de nature différente et vont des produits d’hygiène, aux emballages (cartons, pots, verre, film, opercule couvercle, étiquette...) et ingrédients (ferments, sel, aromates...) en passant par les pièces de maintenance d’équipement (joints, pièces d’usure des machines, encre, imprimante, huile, graisse), vêtements de travail, toile d’égouttage, les fluides...

S’assurer de leur approvisionnement est une tâche lourde et stressante quand la gamme s’élargit. Une rupture en consommables peut se traduire par des pertes (produits, chiffre d’affaires), une dégradation de la conformité des produits, des perturbations dans l’organisation du travail voire du chômage technique pour les salariés.

Cet enjeu d’approvisionnement est aussi à croiser avec une recherche d’approvisionnement au meilleur prix. L’évolution saisonnière des tarifs peut conduire à des achats en gros avec des problématiques de stockage, de vieillissement, voire de conformité (DLC/ DLUO, prise de poussière, humidité...). Les évolutions réglementaires peuvent également réduire la durée d’utilisation d’un produit (étiquette, contenants personnalisés…).

Une bonne anticipation et de l’organisation peut conduire à limiter le stress !