[Replay] Accompagner les agriculteur·ices en difficultés dans leur travail, en concertation à plusieurs structures

A retenir

De plus en plus d'animateur·ices des réseaux d’accompagnement des agriculteur·ices sont confronté·es à des agriculteur·ices en difficultés économiques, techniques et humaines, concernant le travail ou la santé. S'associer à d'autres et s'appuyer sur des compétences complémentaires peut aider à mieux les accompagner. Le projet Accordae (Accompagnement concerté pour réduire les difficultés par l’agriculture autonome et économe) s'est ainsi penché sur la mise en place de dispositifs d'accompagnement concertés entre Solidarité Paysans (SP) et Civam en réunissant de 2021 à juin 2024, sept équipes locales SP-Civam, deux ergonomes et une psychologue du travail.
Le projet a mis en évidence qu'accompagner les agriculteur·ices en difficultés vers l'autonomie peut engendrer une "mise en tension" chez les accompagnant·es, du fait de projets politiques des structures et des mandats de travail différents et du fait que le “faire seul” (1 structure) ou à plusieurs (2 ou plus) n’est pas un passage si évident. L'accompagnement concerté, articulation entre les deux associations validée avec l'accompagné·e, implique un changement de posture des accompagnant·es. Passant ainsi "de l'aide à l'accompagnement", ils et elles doivent alterner entre :

• l'aide : faire avec la personne, faire pour elle (négociations, démarches juridiques, compta...), temporairement une nécessité, avec des outils identifiés ;
• l'accompagnement : "bricoler" avec la personne, avec des outils à construire propres à chaque situation, questionner, amener la personne à cheminer et chercher compétences, expériences et savoir-faire qui vont lui permettre d'évoluer dans ses façons de faire, de penser et de travailler.

Chaque type de relation est nécessaire à un moment donné, au regard des situations. Changer de relation accompagnant·e / accompagné·e peut engendrer des difficultés pour les accompagnant·es, liées :

• à l'absence de demande de changements clairement énoncée par l'agriculteur·ice accompagné·e,
• à l'apparition d'une divergence, difficilement avouable, entre finalités poursuivies par les accompagnant·es et les accompagné·es (la transition agroécologique peut être l'ambition des accompagnant·es qui voudraient "convaincre"),
• au passage d'une posture d'empathie et d'apports techniques (juridique, système de production, économique) pour répondre à la demande d'aide, à une posture de questionnement critique pour inciter l'accompagné·e à se remettre en cause,
• à une temporalité qui n'est plus celle de l'urgence : c'est celle de la maturation par l'accompagné·e, de questionnement introspectif.

Faire cette distinction "aide / accompagnement" a permis aux accompagnant·es de prendre du recul, de s'appuyer sur un cadre pour réfléchir à ce qui est en train de se faire, en se basant sur le réel et non sur un idéal, mais également pour se situer soi. Le projet a contribué à construire ou consolider des relations de travail authentiques inter-associatives, appuyées sur le travail réel.

Le projet a aussi mis en évidence les “ingrédients” d’une concertation réussie entre structures d’accompagnement.

Les pré-requis indispensables :

• Motivation réciproque des deux structures et accord pour débuter un partenariat.
• Identification d'interlocuteur·ices pour échanger et d'espaces de discussion pour verbaliser les questionnements, difficultés, avancées.
• Formation et pratique de l'accompagnement individuel : posture d'écoute, création de la relation de confiance, distinction de la posture d'accompagnement de celle de conseil, etc.
• Les points clés à discuter avant de mettre en place une concertation :
• Définir le temps disponible d'accompagnement et de concertation dont chacun·e dispose. Ne pas oublier qu'un accompagnement se fait souvent sur le temps long.
• S'assurer d'avoir des financements pour des accompagnements concertés.
• Connaître l'autre structure (rencontres entre CA, interventions, formations, etc.) permet de se sentir à l'aise pour la présenter à des agriculteur·ices et avoir confiance dans le contenu et la qualité de l'accompagnement qui pourra en découler.
• La mobilisation des équipes, CA, structures n'est pas à négliger car garante d'un partenariat sur le long terme.
• La transparence avec la personne accompagnée qui doit valider et connaître ce qui est échangé. Le cadre de confidentialité doit être défini avec elle.
• Les débriefings de situations entre accompagnant·es pour éviter leur isolement et faire avancer la situation.

Ainsi, les associations pourront définir leurs modalités de travail : accompagnement individuel (les deux structures + l'accompagné·e) ? Accompagnement collectif (groupes de personnes en difficultés accompagnés par les deux structures) ? Comment et quand débriefer d'une situation ? Avec qui ? etc.
Pour échanger sur l’accompagnement des agriculteur·ices en difficultés, n’hésitez pas à participer aux visioconférences de débriefing et co-construction de situations concrètes d’accompagnements qui sont organisées deux à trois fois par an.

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