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Vers une amélioration de la tolérance à la chaleur chez les bovins (bilan CAICalor)

Publié le par Sophie Aguerre (Institut de l'Elevage), Didier Boichard (INRAE), Laure Brun-Lafleur (Institut de l'Elevage), Valentin Costes (Eliance), Beatriz Cuyabano (INRAE), Corentin Fouéré (Eliance), Sébastien Fritz (Eliance), Chrystelle Le Danvic (Eliance), Sophie Mattalia (Institut de l'Elevage), Roxane Vallée (Institut de l'Elevage), Elise Vanbergue (Institut de l'Elevage), Aurélie Vinet (INRAE GABI)
Le projet CAICalor, financé par APIS-GENE, avait pour objectif d’étudier l’adaptation au changement climatique chez les bovins, vaches laitières en production, taureaux d’insémination et donneuses d’embryons, sur les plans phénotypique et génétique. Couplé au programme européen RUMIGEN et à une thèse INRAE, il a permis de quantifier l’impact du stress climatique sur les performances et d’acquérir une meilleure compréhension du déterminisme génétique de la thermo-tolérance chez les bovins.

 

Les performances de production laitière et de reproduction des vaches laitières sont dégradées en cas de stress thermique

Une étude phénotypique en races Holstein, Montbéliarde et Normande sur la période 2010 – 2020 a : (1) confirmé le choix de l’index température-humidité (THI, NRC 1971. Cf. figure 6 pour correspondances) pour qualifier le stress thermique et (2) a mis en évidence l’impact négatif à l’échelle populationnelle de THI élevés sur les performances de production et de reproduction.

L’effet du THI sur la production laitière (lait, taux et quantités de matières grasse et protéique, score cellulaire) est équivalent dans les trois races, avec une baisse moyenne de 5 à 14% entre un THI où les performances sont maximales (THI 45-55) et des conditions de stress thermique (THI>70). On estime à 1 à 1,5 kg de lait par jour la dégradation des performances à THI 70 par rapport au THI moyen de 50 sur la période étudiée.

Les performances de reproduction (réussite à la première IA en première lactation) se dégradent lorsque le THI dépasse 60, avec une disparité entre les trois races, la baisse moyenne de taux de réussite variant de 2 à 8 points suivant la race.

 

Figure 1 : Effet moyen du THI sur les performances en première et en deuxième lactation de production laitière (à gauche)
et de taux de conception (à droite) des vaches laitières de races Holstein, Montbéliarde et Normande

 

La qualité des gamètes des reproducteurs est affectée par le stress thermique

Concernant les taureaux et la production de semences, l’effet du THI pendant différentes phases de la spermatogénèse est modéré pour les races laitières et plus fort en races allaitantes, chez qui le taux de rejet des éjaculats en particulier devient important (cf. figure 2).

Figure 2 : Evolution du taux de rejet total en fonction du THI, en races laitière (à gauche) et allaitantes (à droite)

 

Il n’y a pas d’effet immédiat mais plutôt un effet des semaines précédant la collecte, avec des effets plus forts en frais qu’en post congélation, et des fenêtres de sensibilité qui varient selon les paramètres spermatiques. Aucun effet négatif du froid n’a été mis en évidence.

L’utilisation de semences produites pendant des vagues de chaleur entraine une baisse de fertilité, plus marquée chez les vaches que chez les génisses, mais néanmoins modérée : une baisse de 0,3 à 3% du taux de réussite a été mise en évidence pour des éjaculats produits par des taureaux soumis à un stress thermique.

 

Concernant les femelles donneuses d’embryons, un stress de chaleur autour de la collecte a un impact négatif modéré mais visible sur la production d’embryons et la réussite du transfert.

Des pertes du nombre d’embryons totaux et viables sont surtout observables en race Normande. L’amplitude de baisse varie de 0 à 20%sur la période 0-15 jours avant collecte et atteint 22%sur la période 0-7 jours avant collecte.

La réussite d’implantation des embryons baisse de 1 à 3% lorsque les embryons ont été collectés en période de stress climatique (THI>68) (cf. figure 3).

Figure 3 : Evolution du taux d’implantation des embryons suivant le THI, en races Holstein et Normande

 

Un stress thermique subi par les parents ne semble pas affecter les performances de leur descendance

Des analyses intergénérationnelles de l’effet du stress de chaleur ont montré que l’effet d’un stress thermique in utero et l’utilisation de semences produites sous vague de chaleur impactent peu ou pas les performances des descendantes. Aucun effet significatif du stress thermique n’est mis en évidence sur les performances des descendantes dans le cas l’utilisation de semences produites sous vague de chaleur et les baisses sont limitées à1% de la production 305 jours totale lorsque la mère est affectée au cours de la gestation.

 

Le classement des reproducteurs est peu perturbé mais les écarts entre individus sont modifiés

Pas ou très peu d’interaction génotype x environnement ont été mises en évidence par des études génétiques. Les analyses caractérisaient la thermo-tolérance des vaches laitières par le niveau et la pente (dérivée des valeurs génétiques) des caractères de production laitière et du taux de conception en première insémination à différents THI.

L’évolution des valeurs génétiques des taureaux en fonction du THI indique quelques reclassements mais, intra-caractères, les meilleurs taureaux restent toujours les mêmes quel que soit le THI (cf. figure 4). Les animaux les plus productifs sont les plus affectés par l’augmentation des températures mais resteront globalement meilleurs. Les meilleurs animaux du point de vue de la santé de la mamelle en conditions actuelles resteront les meilleurs et les moins bons seront les plus pénalisés par l’augmentation de la température.

Figure 4 : Evolution des valeurs génétiques des 10 meilleurs et 10 moins bons (à THI 50) taureaux Montbéliard
(avec au moins 500 filles avec performances) pour la quantité de matière protéique (MP, à gauche)
et pour le taux de conception (TC, à droite) le long du gradient de THI

 

Le reclassement des reproducteurs devrait donc être limité en condition de stress thermique, ce qui devrait peu altérer les objectifs de sélection. Toutefois les variances génétiques évoluent dans des sens opposés entre production et caractères fonctionnels (cf. figure 5), induisant des variations de poids économiques dont il faudra tenir compte à l’avenir, d’autant plus que les compromis actuels existants entre production et reproductionseront modérément amplifiés par le stress de chaleur.

Figure 5 : Variances génétique des niveaux suivant le gradient de THI pour la quantité de matière protéique (MP, à gauche)
et le taux de conception (TC, à droite) pour les races Holstein, Montbéliarde et Normande

Les écarts entre les meilleures productrices et les moins bonnes se réduisent quand la température augmente (variances génétiques qui tendent à diminuer) tandis qu’ils vont s’accentuer pour les caractères fonctionnels tels que le taux de conception et le score cellulaire (variances génétiques qui tendent à augmenter).

 

L’épigénome spermatique est modifié par les vagues de chaleur

La régulation de l’expression génétique pourrait également être affectée par le stress thermique. Des différences d’épigénome entre les semences produites avant et celles produites pendant et après une vague de chaleur ont pu être mises en évidence grâce à la constitution d’une biobanque d’éjaculats. Ce sont ainsi 120 éjaculats d’une quarantaine de taureaux qui ont pu être collectés. L’analyse de l’épigénome de la semence de 33 taureaux Holstein n’a pas montré de site différentiellement méthylé mais environ 10% des micro-ARN non codants sont modifiés, ce qui pourrait modifier l’expression des gènes spermatiques.

 

CAICalor a été financé par APIS-GENE, en association avec le programme H2020 Rumigen et une thèse INRAE.

 

Pour aller plus loin

Pour référence, vous trouverez ci-dessous l’évolution du THI au cours de l’année, sur la période 2010-2020 étudiée, ainsi que des correspondances THI – températures (+/- quelques degrés suivant le taux d'humidité relative).

Figure 6 : Evolution du THI au cours de l’année, sur la période 2010-2020 étudiée

 

Ces travaux ont fait l’objet de nombreuses publications, que vous retrouverez aux liens ci-dessous :

Thèse : Analyse du déterminisme génétique de la tolérance à la chaleur chez les bovins et des interactions génotype x milieu induites (Aurélie Vinet, INRAE)

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