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Combiner productions animales et végétales, une stratégie efficace pour des productions plus durables ?

Publié le par Philippe Leterme (Agrocampus Ouest)
Développer des systèmes de productions mixtes qui combinent productions animales et végétales peut être une stratégie efficace pour promouvoir des productions plus durables. C'est l'hypothèse qu'a voulu tester le programme européen CANTOGETHER entre 2012 et 2015.

Une approche participative

Pour cela, une approche participative mobilisant porteurs d’enjeux, techniciens et scientifiques a permis d’identifier un réseau pan-européen de 24 cas concrets (exploitations expérimentales ou commerciales, groupes locaux) ayant mis en place des innovations prometteuses en matière d’intégration cultures/élevage.

Quelques innovations relevaient de la technologie (méthaniseurs, robots de traite) (6 occurrences) mais la plupart consistait à mettre en oeuvre des principes agroécologiques comme la diversification des rotations (8 occurrences), la valorisation d’espaces semi-naturels (12 occurrences) et l’optimisation de la couverture des sols (3 occurrences).

Les aspects organisationnels étaient aussi importants.

Le développement de filières courtes de commercialisation apparaissait dans 4 occurrences ainsi que celui d’outils numériques facilitant les échanges entre exploitations (banques de fourrages, de fumier).

 

Les performances environnementales de l'exploitation améliorées à l'échelle de l'exploitation agricole

Les observations et mesures réalisées ont confirmé que c’était l’intégration physique et la complémentarité entre cultures et élevages (par exemple autoproduction des fourrages et recyclage des effluents comme fertilisants) et non la simple coexistence qui étaient déterminantes pour améliorer les performances environnementales des exploitations, mais que cela s’accompagnait malheureusement souvent d’une charge de travail accrue et d’une productivité moindre. Il existait toutefois des situations où les performances environnementales et économiques étaient simultanément améliorées : elles correspondaient à des cas où des considérations économiques et pas seulement techniques avaient été mobilisées pour raisonner au mieux l’innovation.

 

Une amélioration de la productivité et des performances économiques à l'échelle territoriale

A l’échelle territoriale, la collaboration entre les exploitations (par exemple par l’échange de matières comme les effluents ou les fourrages ou d’animaux comme les génisses) améliore le plus souvent la productivité et les performances économiques mais le bénéfice potentiel en terme d’environnement est souvent restreint par un « effet rebond », les producteurs choisissant souvent d’utiliser les ressources rendues disponibles par la coopération pour intensifier leurs productions plutôt que pour les diversifier ou réduire l’utilisation d’intrants.

Néanmoins, la coopération apporte certains bénéfices environnementaux en améliorant l’efficience des intrants et réduit les impacts environnementaux quand on les exprime par unité produite. Globalement, la coopération territoriale apparait comme une stratégie clé pour permettre aux exploitations mixtes fortement intégrées de retrouver une profitabilité suffisante.

 

Des innovations devant être adaptées à chaque contexte et mis en oeuvre progressivement

Concernant l’acceptabilité des innovations, les principales difficultés relèvent du registre socioéconomique (performance économique, charge de travail, complexité de la gestion). À cet égard, les méthaniseurs apparaissent comme des facilitateurs de l’intégration culture-élevage en offrant une source de revenu complémentaire et en facilitant la gestion des effluents.

D’une manière générale, les innovations ne sont pas transférables telles quelles d’un contexte à l’autre. Un atout essentiel pour une innovation sera sa faculté d’adaptation au contexte précis d’application et la possibilité de la mettre en oeuvre progressivement, des changements trop radicaux étant généralement perçus comme trop risqués.

Sur le plan des politiques économiques, les principales recommandations que l’on peut faire pour développer les SPM concernent d’une part la compensation des pertes économiques à l’échelle de l’exploitation en conférant une valeur économique aux externalités modifiées et d’autre part la facilitation de la coopération entre exploitations à l’échelle du territoire.

 

Pour en savoir plus :

 

  • Un module d’enseignement numérique sur l’intégration cultures élevage a été réalisé à partir des résultats de CANTOGETHER. Ce module (en anglais) est ouvert à tous à l’adresse http://cantogether.agrocampus-ouest.fr
  • Les principaux « délivrables » du programme ainsi que quelques présentations sont accessibles et téléchargeables à l’adresse suivante : http://goo.gl/WfCPQL
  • Quelques publications scientifiques
    •  MORAINE M, DURU M, NICHOLAS P, LETERME P, THEROND O, 2014 Farming system design for innovative crop-livestock integration in Europe. Animal (2014), 8:8, pp 1204-1217 (http://dx.doi.org/10.1017/S1751731114001189)
    • MARTON S, ZIMMERMANN A, KREUZER M, GAILLARD G, 2016 Environmental and socioeconomic benefits of a division of labour between lowland and mountain farms in milk production systems. Agricultural Systems, 149, 1-10 (http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308521X16303638)
    • REGAN J, MARTON S, BARRANTES O, RUANE E, HANEGRAAF M, BERLAND J,KOREVAAR H, PELLERIN S, NESME T, 2016 Does the recoupling of dairy and crop production via cooperation between farms generate environmental benefits? A casestudy approach in Europe. European Journal of Agronomy 08/2016 available on line (http://dx.doi.org/10.1016/j.eja.2016.08.005)