Dossiers et publications Détail article 

[Covid-19] Moduler la production laitière : anticiper le tarissement des réformes et les engraisser à la pâture

Publié le par Pierre-Emmanuel Belot, Jérémy Douhay (Institut de l'Elevage - Ferme Expérimentale de Jalogny), Jean-Jacques Bertron (Institut de l'Elevage)
En cette période inédite de crise sanitaire mondiale, les producteurs de lait peuvent être contraints de moduler leur production. L’anticipation des réformes est un levier mobilisable mais irréversible. Il est donc nécessaire de bien raisonner ce choix pour ne pas décapitaliser considérablement le troupeau et ainsi pouvoir rebondir le cas échéant. Il faut être très sensible à la situation des marchés de la viande bovine et ne pas provoquer un afflux de vaches de réforme, qui pourrait déstabiliser un marché en équilibre fragile

L’activation de ce levier, de façon modérée et réfléchie peut permettre une modulation immédiate de la production, en assainissant le troupeau et en préservant la ressource fourragère des vaches laitières, si celle-ci est limitée. Sur le plan économique, la perte de production de lait peut être partiellement compensée par une meilleure qualité (cellules). D’une manière générale, la finition de jeunes vaches (moins de 7 ans) en bon état sanitaire trouve son intérêt au printemps à l’herbe si l’exploitation dispose de surfaces au pâturage. Dans les exploitations non autosuffisantes en fourrages de base, l’engraissement des réformes est moins conseillé. 

 

Pourquoi engraisser les vaches de réforme avant de les mettre sur le marché ?

 

Le marché de la viande bovine issue des vaches laitières présente depuis plusieurs années un déficit  en quantité et en qualité entre l’offre et la consommation. 

Aujourd’hui, une vache sur trois est abattue maigre, voire une sur deux en race Montbéliarde. Plusieurs études et essais sur la question de l’engraissement des vaches de réforme montrent qu’il y a à gagner à la fois sur le poids des animaux mais aussi sur le prix au kg :

  • 70 kg de carcasse à gagner entre une vache maigre et une vache finie,
  • un prix au kg de carcasse plus élevé pour des carcasses mieux conformées,
  • un gain potentiel sur le prix de vente de 400 € par vache.

 

Exemple de différence de prix d’une vache Montbéliarde finie vs maigre

 

Poids de carcasse

Prix au Kg de carcasse

Prix de l’animal

Vache maigre

270

2,3 €

621 €

Vache finie

340

3 €

1020 €

Différentiel

70

0,7 €

399 €

 

Quand mettre les vaches de réforme sur le marché ?

Habituellement, le prix du kilo de carcasse des vaches de réformes évolue favorablement entre le mois de février et le mois d’août. Il décroit ensuite sur la période d’automne. Nous ne sommes pas en mesure aujourd’hui de dire si la crise du COVID 19 va remettre en cause cette courbe d’évolution du prix. En revanche, nous savons que le coût alimentaire est le plus faible sur les mois de printemps et d’été (cf graphe ci-dessous). C’est pour ces raisons qu’aujourd‘hui, finir des vaches au pâturage pour une commercialisation au cours de la période estivale semble être une stratégie économiquement favorable. Selon les conditions climatiques, il faudra associer avec des fourrages complémentaires et/ou des concentrés

 

La conduite en pâturage tournant sur trois parcelles minimum permettra d’optimiser l’engraissement des vaches. L’objectif est de viser entre 25 et 30 ares pâturés/tête au printemps puis entre 40 et 50 ares/tête en été lorsqu’un agrandissement avec les parcelles fauchées est possible.

En cas de manque d’herbe, une complémentation au pré est recommandée. Un fourrage en libre-service avec un apport de céréales à hauteur de 2 kg/tête/jour et de tourteau (0,5 kg/tête/jour) est conseillé sur le dernier mois de finition.

 

 

Coûts alimentaires pour une ration « herbe pâturage/foin » (printemps/été) ou « maïs ensilage + céréales + tourteau de colza » (automne/hiver), 15 kg MS/animal/jour (Source : Idele)

 

                           Source : GEB - Institut de l'Elevage, d'après FranceAgriMer

 

Quatre étapes pour tirer le plus de profit possible des réformes en période de crise COVID