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[Covid-19] Des leviers pour réorganiser le travail

Publié le par Emmanuel Béguin (Institut de l'Elevage), Alizée Chouteau (AFPF), Jocelyn Fagon (Institut de l'Elevage), Christine Guinamard (Institut de l'Elevage), Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage), Sophie Chauvat (Institut de l'Elevage)
En période de coronavirus, les éleveurs sont confrontés à des défis d'écoulement de la production lorsque les entreprises d'aval souhaitent lisser ou réduire la production et en circuit court, lorsqu'il s'agit de trouver de nouveaux débouchés pour remplacer la fermeture des marchés ou de la restauration collective. Eux-mêmes, leurs associés ou leurs salariés peuvent être victimes du coronavirus et faire face à des arrêts de travail plus ou moins longs. La garde des enfants en âge scolaire et leur suivi éducatif, l’attention renforcée à porter aux membres de la famille malades ou fragiles, demandent de reconquérir des marges de manœuvre.

Des solutions existent qui peuvent concerner :

  • la rationalisation des équipements et du matériel,
  • la recomposition de la main-d'œuvre,
  • la simplification d'une tâche ou d'une pratique.

Simplifier des tâches ou des pratiques

Les simplifications de conduite sont la plupart du temps faciles à mettre en place et réversibles.

Elles nécessitent peu de moyens financiers et conduisent bien souvent à diminuer les performances du troupeau et donc à ralentir la production. Elles permettent de libérer du temps pour soi, sa famille et pour mettre en œuvre les mesures sanitaires et les réorganisations imposées par le coronavirus.

En voici quelques exemples :

 

Diminuer le travail quotidien en production laitière et ralentir la production

La monotraite en filière bovin lait comme caprine, peut être facilement mise en œuvre.

La suppression d'une traite par semaine est également un moyen de libérer de l'astreinte une demi-journée par semaine mais avec un effet moindre sur la production laitière.

On peut aussi rapprocher les traites pour faciliter l'aide aux devoirs !

 

Pour aller plus loin sur la mise en œuvre de la monotraite.

 

Pour en savoir plus, consulter les fiches suivantes :
Monotraite saisonnière
Monotraite annuelle
Monotraite en élevage caprin
13 traites par semaine
Rapprocher les intervalles de traite

Faciliter l'élevage des veaux laitiers

 

Il est possible de proposer aux veaux un seul repas lacté 6 jours par semaine dès l'âge de trois semaines. Le travail quotidien du dimanche est ainsi allégé et le temps passé en famille plus important.

 

Une autre pratique consiste à distribuer du lait yaourt une fois par jour, fabriqué à partir de lait mélangé à du yaourt pour la fermentation. Les risques de diarrhées diminuent et les soins aux jeunes sont moins importants. La souplesse d'organisation est accrue car il est possible de déconnecter la distribution du lait yaourt de la traite. Le lait maternel acidifié pour les chevreaux présente les mêmes avantages.

 

Simplifier l'allaitement des veaux avec 6 repas par semaine

Le lait yogourt

Allaiter ses chevreaux avec du lait maternel acidifié

Diminuer le travail quotidien

On peut alléger le travail lié à l'alimentation en réduisant le nombre de distributions à 3 ou 4 fois par semaine au lieu d'un apport quotidien pour les vaches allaitantes ou les génisses et à une seule distribution quotidienne pour les vaches laitières.

 

Simplifier l'alimentation en modifiant le rythme de distribution

Simplifier l'alimentation des VL

Simplifier l'allotement

Cette pratique limite les réorganisations du troupeau et diminue le temps quotidien de surveillance au pâturage.

 

D'autres solutions pourraient être proposées, notamment par rapport au pâturage ou aux techniques culturales simplifiées. Elles doivent être raisonnées en fonction du système, des contraintes structurelles et des objectifs de production.

Simplifier l'allotement

 

Réorganiser les espaces de travail

Respecter la distanciation et les règles sanitaires peut être l'occasion de :

  • rationaliser la circulation dans les bâtiments, de rendre plus opérationnel le rangement des outils, du matériel et des matières premières afin d'éviter des allers-retours inutiles aux associés ou aux salariés et de se croiser trop souvent ;
  • envisager une autre répartition des activités où le travail individuel est de mise quand cela est possible. Une nouvelle distribution des tâches peut favoriser la prise d'autonomie du salarié ou de l'apprenti, une plus grande polyvalence, un regain d'intérêt pour des tâches plus diverses.

Anticiper et programmer au mieux les travaux à réaliser

Anticiper et programmer les travaux à réaliser avec des intervenants extérieurs, comme le contrôleur de croissance, l'inséminateur ou le vétérinaire, nécessitent de préparer les chantiers en respectant les consignes sanitaires et en évitant les opérateurs en surnombre. Limiter les interactions avec les livreurs d'aliments, les équarrisseurs ou les entreprises de collecte de la production est recommandé en transmettant les consignes par mail ou SMS et en fournissant le matériel de nettoyage et de désinfection nécessaires.

            

La planification des tâches organise le travail et invite à réfléchir aux risques potentiels et à leur gestion. C'est un moyen de travailler dans des conditions de sécurité optimales. Cependant, tout n'est pas prévisible et l'agriculteur pourra être confronté à des situations et donc des interventions d'urgence, telles celles nécessitant la présence du vétérinaire. Dans ces cas-là, un certain nombre de précautions sont à prendre. A titre d'exemple, pour les échanges, privilégier les espaces extérieurs plutôt qu'intérieurs minimise déjà les risques encourus.

Travailler sur la planification des tâches, leur simplification et l'organisation entre les intervenants extérieurs, les associés et les salariés est un investissement qui sera profitable au-delà de la crise sanitaire en cours. C'est l'occasion de mettre en place des signalétiques et des dispositifs de passage de consignes qui sécurisent la gestion globale du troupeau.

 

La MSA et le Ministère du Travail vous accompagnement sur ces sujets.

 

Rechercher de nouveaux débouchés en circuits courts

Confrontés à la fermeture des marchés et de la restauration collective, les agriculteurs recherchent de nouveaux débouchés pour leur production, souvent dans l'urgence. Le travail peut s'en trouver fortement modifié notamment lorsque la restructuration des circuits de commercialisation et de distribution est forte.

Certains supermarchés locaux, ayant des difficultés d'approvisionnement ou dans le souci de soutenir les producteurs, cherchent des partenariats auprès des agriculteurs. Des commerçants proposent du dépôt/vente. Les dispositifs de vente à la ferme ou en magasins de producteurs développent leur ouverture au public.

Les drive fermiers qui, via internet, facilitent la prise de commande, se déploient nationalement et localement. L'agriculteur s'engage alors, dans des délais courts, à préparer la commande, la livrer dans un "point retrait" et la charger dans le coffre, en respectant ainsi les consignes sanitaires de lutte contre le coronavirus.

Exemple : www.drive-fermier.fr

Des points de retrait des marchandises sont créés chez des producteurs alors que d'autres misent sur des livraisons pour éviter les déplacements des consommateurs en ces temps de confinement. Toutefois, les temps de livraison pèsent lourdement sur les emplois du temps. Les Chambres d'agriculture, les conseils régionaux et les partenaires locaux accompagnent ces initiatives en créant des cartes interactives de localisation des producteurs comme en Nouvelle-Aquitaine par exemple. Ils répondent aux questions des agriculteurs par des articles tel celui sur le report du lait en production caprine fermière ou la "foire aux questions" des Chambres d'agriculture (chapitre Circuits courts, transformation & vente à la ferme).

Souvent la débrouille fait loi et la relation producteur/consommateur s'en trouve renforcée.