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Traitement au tarissement : systématique ou sélectif ?

Publié le par Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
Dans un contexte général de réduction de l'utilisation des antibiotiques et au regard des coûts, il apparaît important d'employer des stratégies de traitement raisonnées. Le recours à un traitement sélectif va dans ce sens.

Le traitement sélectif au tarissement est fondé sur un recours raisonné à l'antibiothérapie en choisissant les femelles à traiter.

                

Objectifs d'un traitement sélectif

 

L'objectif premier est de traiter (visée curative) la majorité, voire la totalité des mamelles infectées.

                     

Un second objectif peut-être de cibler également les mamelles à risque et/ou les femelles fortes productrices (visées préventive et curative) en prenant en compte le fait que la pression exercée sur le sphincter peut favoriser une certaine dilatation et, par suite, la survenue d'infections.

             

Avantages et inconvénients

 

Le choix d'un traitement sélectif plutôt que systématique demande de prendre en compte un ensemble d'avantages et d'inconvénients.

        

Doivent notamment être considérés :

  • la fréquence (présumée) des infections intramammaires au sein du troupeau : en cas de prévalence [1] élevée, l'intérêt d'un traitement sélectif devient plus limité.
  • la nécessité de pouvoir repérer les animaux à traiter qui sous-entend de disposer d'informations individuelles

 

Par ailleurs vont entrer en ligne de compte des éléments d'appréciation de l'efficacité de la stratégie envisagée et des aspects davantage organisationnels :

                                 

Eléments de choix pour un traitement antibiotique sélectif ou systématique

          

 Le risque de perte d’une partie de l’effet préventif en début de période sèche (lié au fait que certaines femelles n'ont pas été sélectionnées pour le traitement) doit sans doute être relativisé compte tenu des résultats obtenus dans ce domaine.

Il faudrait sans doute, en revanche, être vigilant sur la gestion du peripartum [2]   : cette période demande sans doute à être mieux surveillée (stress, œdèmes mammaires, pertes de lait, problèmes sanitaires,.... ) pour limiter les risques associés.

                 

 

Mise en œuvre

 

La réforme des cas cliniques, des animaux incurables, présentant des infections chroniques éventuellement associées à des lésions visibles (mamelles très déséquilibrées, indurées ou encore abcédées) est un préalable à la mise en œuvre d'un traitement antibiotique au tarissement.

                       

Dans quel contexte envisager un traitement sélectif ?

                                  

On considère habituellement que le traitement sélectif ne devrait être proposé que si moins de 40 % des chèvres sont présumées infectées. Il a également été proposé d'appliquer cette règle de décision par lot de tarissement.

Dans tous les cas, la décision de traitement doit prendre en compte à la fois la fréquence des infections dans le troupeau et les résultats attendus du traitement.

                         

Sur le terrain, les taux de guérison de 50 élevages dans un contexte de prévalence élevée (jusqu'à 80 % d'infections présumées) ont été estimés par les concentrations cellulaires individuelles (de Cremoux, 2002).

                   

Incidence du traitement au tarissement sur le bilan de la période sèche

D'après de Cremoux (2002)

 

                        

Dans cette étude, lorsqu’un traitement systématique était réalisé, les taux de guérisons (estimés) ont atteint 55,8 % vis-à-vis des infections présumées à pathogènes majeurs et 73,4 % vis-à-vis des infections présumées à pathogènes mineurs.

En l’absence de traitement ou lorsque moins de 30 % du cheptel était traité, les résultats obtenus n'étaient plus que de 38,6 % (infections présumées à pathogènes majeurs) et 62,1 % (infections présumées à pathogènes mineurs).

                         

Les concentrations cellulaires des laits de tank permettent de disposer de quelques éléments de réflexion.

 

A titre indicatif, en 2009, la moyenne géométrique annuelle des concentrations cellulaires des laits de tank des 1930 producteurs collectés dans le Centre-Ouest, a été de 1 582 000 cellules par ml. Pour des moyennes annuelles comprises entre 1 250 000 et 1 500 000 cellules par ml, on estime à 44,5 +/- 8,5 % la fréquence des chèvres présumées saines. Au-delà, moins de 40 % des chèvres peuvent être considérées comme saines, tandis que la proportion moyenne de chèvres présumées infectées par des pathogènes majeurs s’établit à 15,7 +/- 5,4 %.

                               

 

Quelles femelles traiter ?

                    

  • les femelles présumées infectées : une mamelle est présumée infectée si au moins 2 concentrations cellulaires individuelles (entre 15 et 250 jours de lactation) sont supérieurs à 750 000 cellules/ml (ou au moins deux CMT positifs).
    Il est également possible d'orienter le choix des femelles en prenant en compte l'existence d'un déséquilibre de la mamelle ou d'une production faible (quantité produite et/ou persistance réduite).

                

  • les femelles à risque d'infection mammaire : les chèvres ayant des antécédents d’infections cutanées sur la mamelle (staphylococcies, ecthyma, etc), celles dont les trayons présentent des lésions (dont lésions d'hyperkératose) peuvent être traitées.

                    

  • les femelles que l'on souhaite conserver (avec le cas échéant un objectif de prévention sur le début de la période sèche) : il s'agit le plus souvent de chèvres à fort potentiel génétique dont les niveaux de production sont élevés.

 

En pratique...

               

En pratique, les traitements antibiotiques "systématiques" le sont rarement :

  • les chèvres taries précocement ne sont pas traitées le plus souvent,
  • les chèvres conduites en lactation longue ne sont pas traitées non plus.

Par ailleurs, les infections anciennes peuvent s'avérer incurables.

                        

Sont ainsi maintenus dans le troupeau des réservoirs de bactéries qui participent à la persistance et à la transmission des infections...

 

Notes :

 

[1]  Prévalence : fréquence des infections sur une période donnée ; on regroupe aussi bien les nouveaux cas que ceux plus anciens qui ont persisté au cours du temps.

 

[2] Le péripartum correspond à la période entourant la mise bas (le part).

 

Pour en savoir plus :

 

Bergonier D., de Cremoux R., Berthelot X., 2010. Spécificités du traitement au tarissement chez les petits ruminants. Bulletin des GTV. 56, 215-226.

 

de Cremoux R. 2002. Programme de contrôle des comptages de cellules somatiques (CCS) de troupeaux. Mise au point, application et évaluation de stratégies de contrôle des comptages de cellules somatiques en élevage caprin.  Rapport d'étude. Institut de l'Elevage. N° 130231023(022). 113 pp.

 

de Cremoux R. 2002. Définition de règles d’interprétation optimales des comptages de cellules somatiques de troupeaux chez la chèvre. Rapport d’Etude Institut de l’Elevage Réf. 130231022(23) - RM473. 58 pages.