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Efficacité des traitements antibiotiques au tarissement

Publié le par Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
L'antibiothérapie au tarissement, conduite par voie intra-mammaire, a, en principe, deux objectifs : le traitement des infections installées pendant la lactation et la prévention des nouvelles infections qui pourraient survenir au cours de la période sèche.

Efficacité curative

 

L’efficacité curative de l’antibiothérapie est bien démontrée.

 

Selon les études, le pourcentage de guérisons spontanées varie de 20 à 50 voire 60 %. Les taux de guérison bactériologique après traitement varient eux-mêmes de 50 à plus de 90 %. Au total, on constate que le gain obtenu grâce au traitement au tarissement est d'environ 35 à 40 %.

               

Evaluation de l'efficacité du traitement antibiotique au tarissement

 

 

Il existe cependant des différences en fonction du type de bactéries impliquées dans les infections de la mamelle au tarissm. Les résultats obtenus sont généralement meilleurs en cas d’infections par des staphylocoques coagulase négative que par Staphylococcus aureus comme l'illustrent notamment les travaux de P. Mercier ci-dessous :

                  

Évaluation des taux de guérison dans des lots témoins (non traités) et traités avec des antibiotiques au tarissement, selon l'origine de l'infection

                     

 

Efficacité préventive

 

Lorsque l'on s'intéresse à une antibiothérapie au tarissement, on entend par nouvelles infections, les infections qui surviennent au cours de la période sèche et plus exactement pendant les premières semaines du tarissement.

             

Pendant la période sèche, les nouvelles infections dues à des staphylocoques apparaissent plus particulièrement au cours de la 1ère semaine du tarissement. Au cours de cette première semaine en effet :

  • les défenses de la mamelle involuée (tarie) ne sont en effet par encore complètement en place,
  • les bactéries ne sont plus éliminées par la chasse biquotidienne du lait,
  • la mamelle apparaît engorgée,
  • le bouchon de kératine qui vient obstruer le canal du trayon n'est pas encore présent.

 

Autant de risques de pénétration et de multiplication des bactéries...

 

Attention : lors de la mise-bas, les teneurs en antibiotiques sont insuffisantes pour permettre une prévention effective contre les infections qui pourraient démarrer à ce moment-là.

 

C'est bien ce que l'on cherche à obtenir lorsque l'on définit des délais d'attente: les concentrations doivent être inférieures aux limites maximales de résidus des molécules administrées.

 

L’efficacité préventive est difficile à apprécier compte tenu du pourcentage en général faible des nouvelles infections.

 

Chez les caprins, les références sont peu nombreuses et contradictoires. Certains auteurs ne mettent en évidence aucun impact significatif du traitement sur la fréquence des nouvelles infections. Mercier et al. (1998), en revanche, font état d’une réduction de 20,6 % (soit une réduction de 45,4% en valeur relative) (voir graphique ci-dessus).

                     

 

Évaluation indirecte de l'antibiothérapie basée sur des critères cellulaires

 

La structure des troupeaux (classes d’âge et lactations longues) et les modalités de gestion des mises bas (période et répartition) influent sur la fréquence et la dynamique des infections.

 

Une analyse des concentrations cellulaires individuelles dans 51 élevages des régions Centre, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, adhérents au Contrôle Laitier et confrontés à des difficultés de maîtrise des infections mammaires, fait apparaître que :

                

  • une augmentation de la proportion de primipares au sein d’un troupeau s’accompagne :

             - d’une augmentation significative du pourcentage de chèvres présumées saines,

             - de taux de guérison présumée accrus (sans doute en relation avec le fait que les infections sont plus récentes),

             - et d’une diminution significative de la fréquence des chèvres considérées "incurables" ou "récidivistes".

               

  • une proportion accrue de chèvres en lactations longues est notamment associée à une augmentation de la survenue de nouvelles infections,

                               

  • le désaisonnement, souvent associé à un plus grand étalement des mises bas et à l’allongement des lactations, paraît propice au maintien de la pression d’infection : augmentation de la prévalence, de la proportion de chèvres présumées incurables et diminution des taux de guérison présumée.

                        

Incidence de la période et de la répartition des mises bas sur le bilan du tarissement (estimation des moyennes ajustées au travers des résultats de comptages cellulaires individuels)
(de Cremoux, 2002)

 

 

 

En conclusion

 

L’ensemble des données disponibles sur l’efficacité du traitement par voie intra-mammaire permettent de souligner 3 points :

               

  • sur le plan curatif :
    l’efficacité est (très) satisfaisante si le traitement est mis en œuvre dans de bonnes conditions (réforme des cas de mammites cliniques, des infections anciennes, des animaux incurables),

                 

  •  sur le plan préventif :
    l’efficacité paraît plus variable et pas toujours significativement supérieure à l’absence de traitement (Attention : les références sont peu nombreuses et des compléments d’étude sont nécessaires).
    Compte tenu de l’utilisation, dans ces essais, de la posologie préconisée pour la vache, dans des demi-mamelles de petit volume en voie d’involution, la prévention au début de la période sèche est sans doute suffisante. En revanche, on peut s'interroger sur la prévention de la survenue de nouvelles infections au cours du peripartum  (Le péripartum correspond à la période entourant la mise bas (le part)). A cette période, l'efficacité de la prévention n'est pas imputable au traitement (concentrations en antibiotique insuffisantes pour être efficaces) mais sans doute plutôt à la conduite du troupeau et aux pratiques d'élevage.

               

  • l’intérêt économique :
    Il n’a pas été précisé. Cependant, les rapports coûts-bénéfices devraient être favorables en particulier lorsque la prévalence (fréquence) des infections mammaires au cours de la lactation précédant le traitement est élevée. Ces informations restent à valider...

 

Pour en savoir plus :

 

Bergonier D., de Cremoux R., Berthelot X., 2010. Spécificités du traitement au tarissement chez les petits ruminants. Bulletin des GTV. 56, 215-226.

 

de Cremoux R. 2002. Programme de contrôle des comptages de cellules somatiques (CCS) de troupeaux. Mise au point, application et évaluation de stratégies de contrôle des comptages de cellules somatiques en élevage caprin.  Rapport d'étude. Institut de l'Elevage. N° 130231023(022). 113 pp.

 

de Cremoux R., Heuchel. V., Chatelin YM, 2001. Evaluation de stratégies de contrôle des comptages de cellules somatiques des laits de mélange en élevage caprin. Renc. Rech. Ruminants, 8, 157-160.

 

Mercier P., Baudry C., Lenfant D., Mallereau MP, 1998. Etude de l'efficacité d'un traitement antibiotique au tarissement chez la chèvre. Recueil de médecine vétérinaire, 174 (5-6), 7-14.