UMT Pilotage de la Santé des Ruminants Dossiers et publications Détail article 

Efficacité préventive d'un pré-trempage

Publié le par Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
Outil d'hygiène de traite largement diffusé chez les bovins, la désinfection avant la traite n'est que peu répandue chez les caprins et les références sur son efficacité sont encore peu nombreuses.

La mise en place d'une antisepsie des trayons avant la traite (et plus généralement d'une hygiène des trayons)  est peu répandue :

  • Comparativement à la vache laitière, les trayons sont en effet visuellement plus propres (même si des poussières, des bactéries, sont présentes) ce qui n'incite pas au nettoyage des mamelles.
  • De plus, près de 70 % du lait obtenu à la traite est déjà présent dans la citerne de la mamelle (On dit qu'il a une origine citernale). L'éjection du lait chez la chèvre semble donc moins nécessiter que la vache une stimulation préalable de la mamelle (ce qui resterait à préciser).

                     

Une hygiène des trayons avant la traite peut permettre néanmoins de limiter la survenue de nouvelles infections au cours de la campagne laitière. Une étude pilotée par l’Institut de l’Elevage a donc été menée en 2002 en partenariat avec le Centre INRA de Nouzilly, l’entreprise Triballat – Rians et la société Ecolab pour mesurer son efficacité et la faisabilité de sa mise en œuvre.

 

L'étude a été conduite dans 12 troupeaux de la région Centre : 6 troupeaux témoins et 6 troupeaux appliquant un pré-trempage à l'aide d'un produit iodé moussant.

                       

Une réduction de près de 32 % des nouvelles infections

 

L’efficacité préventive du pré-trempage a été étudiée sur les demi-mamelles saines (704 animaux suivis, 1304 demi-mamelles saines) en s'appuyant sur des analyses bactériologiques de lait.

 

Chez les animaux suivis, la proportion de demi-mamelles saines était d’environ 92 % ou 93 % en début d’essai en moyenne selon les lots. En fin d'essai, elle atteignait 66,8% dans le lot témoin et 76,4 % dans le lot traité.

 

Les taux moyens de nouvelles infections correspondants ont été estimés à 21,1 % dans le lot traité et 31,0 % dans le lot témoin (voir tableau). Cela équivaut à une réduction de près de 32 % des nouvelles infections (non significatif en raison des effectifs suivis). Les infections étaient majoritairement occasionnées par des pathogènes mineurs : en l’occurrence staphylocoques coagulase négative et Corynebacterium bovis.

                     

 

Evaluation du taux de nouvelles infections au cours de la lactation
selon l'application ou non d'une désinfection des trayons avant la traite (de Cremoux et al. 2010)

 

 

Une tendance à la réduction des niveaux cellulaires de tank en fin de campagne

 

L’étude n’a pas mis en évidence d’impact du pré-trempage sur les moyennes annuelles de comptages de cellules de laits de tank : 1 117 000 cellules par ml dans le lot traité contre 1 225 000 cellules par ml dans le lot témoin. Néanmoins, en fin de campagne, les moyennes ajustées de comptages de cellules des laits de tanks apparaissent plus élevées dans le lot témoin que dans le lot traité malgré des débuts de lactation comparables.

                  

Evolution des concentrations cellulaires de lait de tank dans les lots "témoin" et "prétrempage"

                  

Un essuyage soigneux indispensable

Trayon désinfecté

Photo R. de Cremoux

L’action mécanique de l’essuyage est importante à la fois dans l’élimination des matières organiques et la réduction de la population bactérienne (même si certains sites colonisés par les staphylocoques tels que les couches profondes de l’épiderme ou le canal du trayon restent peu accessibles à l’essuyage).

 

Par ailleurs, l'essuyage est indispensable pour limiter les résidus iodés.

 

Les teneurs en iode du lait ne sont pas significativement augmentées lorsque les chèvres sont soumises à un pré-trempage des trayons suivi d’un essuyage (une diminution accrue de l'iode résiduel en cas d'essuyage soigneux). 

Essuyage

Photo R. de Cremoux
En revanche, en l’absence d’essuyage, la quantité d’iode détectée dans le lait de chèvre est significativement augmentée et atteint en moyenne 0,43 mg / litre (jusqu’à 1 mg / litre). Compte tenu des teneurs en iode naturellement élevées du lait de chèvre, un essuyage soigneux est donc particulièrement important.
 

           

Bilan...

 

La mise en place d'un pré-trempage implique de modifier la routine de traite.

             

Elle nécessite donc de réfléchir à l'organisation du chantier et de prévoir éventuellement des aménagements pour faciliter la gestion du matériel, des produits, ...

                  

Sur le plan de l'efficacité, les résultats sont globalement équivalents à une désinfection des trayons en fin de traite. Au delà de son impact sur les infections mammaires classiques, le pré-trempage peut constituer un outil intéressant pour l’hygiène de la mamelle et peut répondre à des situations spécifiques (cas de salmonellose par exemple,…).

 

Notes :

 [1]  On parle d'antisepsie pour évoquer l'ensemble des techniques employées pour éliminer les micro-organismes pathogènes de surface (peau, muqueuse). 

 

Pour en savoir plus :

 

de Cremoux R, Poutrel B., Cochard T., Crouin P., Poirier V., Verneau D., Billon P., 2010. Efficacité et faisabilité du pré-trempage des trayons chez la chèvre. Bulletin des GTV. 56, 27-34.